Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

L'enquête très documentée de Massimo Introvigne sur la prétendue prophétie maya: il nous rappelle l'Evangile de Matthieu: "Nous ne connaissons ni le jour ni l'heure" (5/1/2012)

Il avait été question de la civilisation maya dans cet article, à propos du film "Apocalypto" de Mel Gibson:
http://benoit-et-moi.fr/2007
Un hors-série du Figaro avait été consacré aux "Mayas" (1).

* * *


2012, tous les mensonges à propos des Mayas
Massimo Introvigne
05/01/2012
La Bussola (ma traduction)
-------------------------
La Bussola a déjà eu l'occasion de conseiller à ses lecteurs pour 2012 - pour répondre au bêtisier qui fait rage selon lequel ce serait l'année de la fin du monde - le beau livre de Riccardo Cascioli et Antonio Gaspari «2012 - Catastrophisme et fin des temps» (ndt: image ci-dessus, voir ici). Ces antidotes sont nécessaires parce que les bêtises continuent, même dans les journaux apparemment «sérieux». L'histoire, toute l'histoire finira le 21 Décembre, répète-t-on, ce sont les Mayas qui le disent. Cela vaut la peine, alors, de se demander ce qu'il y a - éventuellement - de vrai dans cette histoire qui encore une fois fait le tour du monde.

Pour répondre en un seul mot: rien.
Commençons avec une réponse de bon sens, qui dans les discours de ces journées est complètement perdu. Admettons - mais nous verrons plus tard que ce n'est pas le cas - que les anciens Mayas aient vraiment prédit la fin du monde le 21 Décembre 2012. Cela nous dirait quelque chose sur les Mayas, mais rien sur la fin du monde. La culture et les croyances des Mayas ne sont pas «la vérité», et il est étrange que certains, aujourd'hui, les prennent comme un guide infaillible. Par exemple, les Mayas croyaient que les dieux avaient besoin de sacrifices humains, un élément absolument central de leur culture. Ils croyaient aussi que des milliers de sacrifices humains rendraient leurs royaumes invincibles et éternels. Cela ne s'est pas produit: les royaumes mayas ont été emportées par la conquête espagnole. Des éléments non secondaire, et même fondamentaux, de la vision du monde des Mayas se sont révélés faux.

En outre, de la fin du monde en 2012, personne n'avait entendu parler, jusqu'à l'âge d'or de l'après-1968 et du New Age. Des chercheurs anthropologues ont visité en long et en large les communautés des descendants des Mayas au Mexique et au Guatemala, et n'ont trouvé aucune attente particulière par rapport à 2012. Et ce sont des communautés qui préservent de nombreux éléments de la culture précolombienne maya.

L'histoire de la fin du monde en 2012 a été en substance inventée par un théoricien du New Age, né au Mexique mais citoyen américain, José Argüelles (1939-2011), à partir des années 1970 et illustrée en particulier dans son volume de 1987 «The Mayan Factor» (le Facteur Maya).
Argüelles - qui est décédé le 23 Mars 2011, de sorte qu'il ne verra pas en 2012 si «sa» prophétie se réalise ou non - avait obtenu un doctorat et enseigné dans diverses universités, mais son domaine était l'histoire de l'art, pas l'archéologie ou la culture maya. En outre, il a toujours franchement déclaré que beaucoup de ses théories dérivaient de «visions» qu'il avait eues sous l'emprise du LSD. Pas un seul spécialiste universitaire des Mayas n'a jamais pris au sérieux Argüelles ou ses théories sur 2012, et «charlatan» n'est même pas l'expression la plus sévère parmi les nombreux qualificatifs déplaisants que la communauté universitaire a utilisé contre lui.

Le livre d'Argüelles commence par un fait vrai. Pour les Mayas, ce monde a commencé à une date qui peut être calculée. Différentes sources donnent des versions différentes, mais la date la plus répandue est l'année 3114 avant JC de notre calendrier. A partir de cette date commence un cycle d'années appelé b'ak'tun. De nombreux textes Mayas parlent de vingt b'ak'tun, après quoi prendra fin ce monde ou ce cycle. A une date qui correspond dans notre calendrier à l'un des trois jours entre le 21 et le 23 Décembre 2012 selon ces textes mayas, le treizième b'ak'tun finira et le quatorzième débutera.

Sauf que la fin d'un b'ak'tun, pour les Mayas, n'est pas la fin du monde comme l'entend l'Occident chrétien. Et même, la fin d'un b'ak'tun est pour les Mayas une occasion de célébrations et de fêtes. Les inscriptions et autres sources qui parlent d'événements importants à la fin du treizième b'ak'tun, en notre Décembre 2012, font précisément allusion à des fêtes.

Argüelles et ses partisans insistent sur le Monument 6 du site archéologique maya de Tortuguero, au Mexique, qui, à propos de la fin du treizième b'ak'tun fait également allusion en termes par ailleurs confus à la descente de la divinité et au fait que «viendra le noir». Les chercheurs qui ont étudié les inscriptions de Tortuguero pensent qu'il s'agit là aussi de références à des cérémonies à venir. En tout cas, si on regarde l'ensemble des textes de Tortuguero, il y a des références aussi aux b'ak'tun du 14e au 20e, il est donc certain que les Mayas de l'époque de ces monuments (VIIe siècle après JC) ne pensaient pas du tout que le monde finirait en notre 2012, soit à la fin du treizième b'ak'tun.

Et il n'est pas certain non plus que les Mayas pensaient que le monde prendrait fin avec la fin du vingtième b'ak'tun (dont nous séparent encore de quelques milliers d'années), car avant notre monde, il y en avait eu un autre, et il pourrait donc s'agir de la fin d'un monde et non du monde. Il est également vrai que des croyances des Mayas, nous avons un tableau incomplet et fragmentaire.

Il ne faut pas non plus confondre les connaissances astronomiques des Mayas, assez avancées, avec leurs croyances religieuses ou magiques. Un calendrier construit sur la base d'observations astronomiques plus ou moins précises, nous dit «quand», selon un certain mode de calcul, prendra fin un cycle. Mais «ce qui» arrivera à la fin de ce cycle, ce n'est pas l'astronomie qui nous le dit, mais la religion ou l'astrologie.

Le problème, cependant, est qu'il n'est même pas certain que les Mayas avaient une astrologie. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il est possible - mais pas certain - que certains des signes trouvés dans différents codex et principalement celui de Paris, acquis par la Bibliothèque nationale de la capitale française en 1832 - font correspondre animaux et constellations, créant une sorte de zodiaque, avec peut-être une signification astrologique. Nous sommes donc en présence d'une conjecture sur l'existence de treize symboles qui pourraient former un zodiaque, et qui selon l'interprétation la plus autorisée sont: deux types différents d'oiseaux (mais il est difficile d'identifier ce qu'ils sont), un requin, un scorpion, une tortue, un serpent à sonnettes, un serpent plus gros, mais dont l'espèce n'est pas identifiée, un squelette, une chauve-souris, plus deux animaux qui correspondent à des zones du codex (de Paris) trop endommagées pour une identification positive. Comme il n'est même pas certain qu'il existe une astrologie Maya, toute conjecture sur des «prévisions» liées à cette astrologie est complètement insensée.

Mais, s'il s'agit de conjectures insensées, pourquoi y a-t-il plus d'un million de sites Internet, des centaines de livres et d'émissions de télévision quotidiennens qui les répandent? Plusieurs spécialistes universitaires de la civilisation maya, plutôt agacés, ont parlé d'une simple spéculation commerciale. Elle a servi à lancer un certain nombre de films, dont plusieurs, du point de vue purement cinématographique, sont même bien faits et plaisants, aussi longtemps qu'on les considère comme de simples films et qu'on ne prétend pas en tirer des prophéties authentiques.

Le sociologue pourrait peut-être ajouter deux choses.
La première est l'énorme impact de la «culture populaire» - romans, films, télévision - sur une opinion publique, où désormais c'est la vie qui imite l'art, et pas l'inverse, et la fiction est considérée comme une source d'information sur la réalité («Le Da Vinci Code» nous l'enseigne).
Le dernier épisode, en 2002, de la série télévisée historique et extrêmement populaire «The X-Files» annonçait l'invasion des extraterrestres justement le 21 Décembre 2012. Les séries Télé et les films ont un énorme impact sur un public «postmoderne», où les frontières entre fiction et réalité sont devenus très floues.

La deuxième observation part d'un fait: l'idée de la prophétie maya lancée par Argüelles était partie intégrante du New Age Aujourd'hui, le New Age est en crise, mais il y en a beaucoup qui - pour diverses raisons - ont intérêt à le relancer. La diffusion de la prétendue prophétie sur 2012 a été et est une excellente occasion de re-lancement du New Age.

Pour nous catholiques, ce pourrait être une bonne occasion de dire du mal du New Age. Mais pas seulement. Le Pape Benoît XVI dans l'encyclique de 2007 «Spe Salvi» , (ndt: n. 41-42) déplore que l'Église ne parle pas assez de la fin du monde, parce que la perspective de la fin de l'Histoire et du Jugement dernier, où les sacrifices des bons et la malice des méchants émergeront aux yeux de tous et seront définitivement jugés, éclaire l'ensemble de l'histoire humaine. Mais l'Église a toujours condamné le millénarisme, qui affirme détenir une connaissance détaillée qui va au delà de la Sainte Écriture et du Magistère, sur le «comment» de la fin du monde et pense pouvoir en déterminer également le «quand» . L'Eglise proclame la parole de l'Evangile de Matthieu (25, 13): «Vous ne savez ni le jour ni l'heure». Et celui qui prétend le savoir se trompe et trompe ceux qui lui prêtent foi.

* * *

Note

(1) Dans son éditorial, Michel de Jaeghere écrivait:
La légende des Mayas a contribué à propager, au siècle des Lumières, le mythe du bon sauvage ; à nourrir l'indignation anticléricale contre les missionnaires qui avaient, à Mani, détruit de précieux livres saints pour dissuader les indiens de continuer à vénérer leurs idoles et à crucifier leurs enfants. L'un des moindres mérites d'Apocalypto est de réduire ce mythe en cendres ; de rendre dérisoire ces indignations bien-pensantes en montrant, dans une succession de scènes insoutenables, la réalité d'un culte qui tenait le sacrifice humain pour « la première source de régénération des forces de l'univers », l'inhumanité d'une société fondée sur le mépris absolu de la vie innocente.