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Le corps du délit...

"En raison de la pénurie de fonds, nous ne pouvons aider que nos paroissiens"

ou l'insupportable moralisme de la presse "libérale". Le Corrierre della Sera, premier quotidien italien, étrille un prêtre de Trieste, qu'il accuse de privilégier ses paroissiens au détriment des ressortissants étrangers... Cela permet de réfléchir une fois de plus à la question: qui est mon prochain? Du site Libertà e Personna. (25/1/2012)

Ce site catholique italien a déjà été rencontré dans ces pages. (ici)

Article original: http://www.libertaepersona.org/
Ma traduction.

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Quand le "Corriere" fait le catéchisme
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Pour se mériter un savon rien moins que du « Corriere della Sera », on pourrait imaginer qu'il faut avoir commis un acte vraiment répréhensible. Pourtant, si on l'examine avec attention, la conduite du curé de l'Eglise de Notre-Dame du Rosaire, à Trieste, ne semble pas si inique.
Commençons par les faits. Le prêtre, à la tête d'une petite paroisse, mis, comme chacun, au pied du mur par la récession économique, a affiché un avis sur la porte de l'église: « En raison de la pénurie de fonds, nous ne pouvons aider que nos paroissiens ».

Il n'aurait jamais dû faire cela: scandale! Et ce, d'autant plus que le curé n'a pas hésité à justifier sa démarche, disant que « durant ces dernières années, les fonds se sont réduits, alors que la demande d'assistance émanant de citoyens étrangers a augmenté de façon exponentielle» . Et il a ajouté: « Ayant à faire un choix, j'ai décidé de donner la priorité à ceux qui vivent dans cette paroisse. N'importe qui donne à manger d'abord à ses enfants, et ensuite, s'il en a la possibilité, il ouvre également la porte aux autres ».

Des considérations de ce genre peuvent-elles être étiquetées comme discriminatoire ou répréhensibles? Selon le premier quotidien d'Italie, oui. En effet, sous la signature de l'écrivain Mauro Covacich, sur l'édition d'aujourd'hui (24.1.2012), en page 26, figure un article dans lequel est souligné le fait que, bien que le choix de ce prêtre puisse sembler « sage », en réalité, il est «inique», les Evangiles ne s'étant jamais inspirés à la sagesse. S'ensuit, bien entendu, une leçon d'éthique chrétienne afin de démontrer l'erreur sur laquelle le prêtre Trieste aurait trébuché.

Mais tout en respectant les différences d'opinion, on peut noter combien en réalité, le curé de Notre-Dame du Rosaire n'a commis aucun type d'omission en termes d'amour du prochain. Pour plusieurs raisons.

Avant tout, parce que quand le curé d'une paroisse - comme tout le monde - qui doit faire face à de multiples demandes d'aide avec des ressources limitées, il est confronté à deux choix: essayer d'aider les gens qu'il peut se permettre de suivre concrètement, ou bien s'ouvrir au plus grand nombre possible de demandes, avec le résultat prévisible de décevoir les attentes de tous et, en substance, de n'aider personne. Mais si la seule possibilité viable est celle de satisfaire un nombre, malheureusement limité, de demandes d'aide, cela aurait-il été plus évangélique si le curé en question avait - contrairement à ce qu'il a fait - décidé de mettre ses paroissiens au second plan? Le «Corriere della Sera» et Covacich, évidemment, n'envisagent même pas l'hypothèse.

Il est beaucoup plus facile de critiquer et de prêcher que d'indiquer une solution. Une deuxième raison pour laquelle le prêtre en question, à mon avis, a agi correctement, est justement d'avoir averti à travers l'avis contesté, une «impossibilité» - ce qui est tout autre chose, il faut le souligner, qu'une «non disponibilité» - à pouvoir répondre à toutes les demandes d'aide. Quoi de plus équitable, en effet, que de déclarer immédiatement et à tous son incapacité temporaire, « en raison de la pénurie de fonds», à soutenir comme elles le méritent toutes les demandes de soutien? Aurait-ce été plus évangélique que le prêtre cache les limites économiques de la paroisse, mais choisisse, et donc discrimine de fait, ceux qui à apporter de l'aide?

Une note de conclusion mérite d'être consacrée à la prétendue contradiction entre la conduite de notre prêtre et ce que disent les Evangiles. Lesquels, je suis désolé de contredire Covacich, ne se seraient « jamais inspirés à la sagesse », même pas à l'instinctivité de ceux qui pensent sauver le monde. Au besoin, côté pratique, l'enseignement évangélique suggère cette prudence - auriga virtutum, char des vertus selon saint Thomas - « qui dispose en chaque circonstance de la raison pratique à discerner notre véritable bien et de choisir les moyens d'y parvenir ». Doit-on considérer qu'une paroisse comptant moins de 400 âmes - et en plus souffrant de « manque de fonds»- comme celle en question, aurait réalisé le «vrai bien» en décidant, avec des ressources malheureusement limitées, de ne pas choisir à qui elles seraient consacrées?
Au lecteur de répondre.

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Pour situer Cavacich:
Ecrivain italien (apparamment pas traduit en français...!) . Né en 1965, il est originaire de Trieste, justement, et collaborateur régulier du Corriere della Sera. Professeur de philo en lycée jusqu'en 1999, il a obtenu le prix international Abraham Woursell Prize, qui lui a permis de quitter l'enseignement pour se consacrer à l'écriture.

L'Abraham Woursell Prize est attribué par l'Université de Vienne, grâce à la fondation américaine homonyme qui récompense chaque année par une bourse un jeune écrivain afin de lui permettre de travailler librement.....