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Pour Mgr Negri, l'évêque de San Marino, les accidents de la route sont un problème de société à traiter bien en amont des mesures techniques et législatives de répression. Ce qui manque, dit-il, c'est le sens (et le respect) de la vie. C'est donc avant tout une question d'éducation. Via La Bussola. (2/3/2012)

Actualité, en France
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« A compter du 1er juillet 2012, chaque voiture devra désormais être équipée d'un éthylotest. Cette nouvelle règle visera à renforcer la prévention contre les accidents de la route liés à l'alcool. Elle viendra s'ajouter aux obligations de posséder un gilet de sécurité et un triangle de signalisation, déjà en vigueur depuis le 1er juillet 2008». (http://droit-finances....).

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En Italie, des mesures encore plus coercitives vont être prises.
Ce sont des mesures techniques, peut-être légitimes, qui préviennent éventuellement les conséquences, mais ne soignent en aucun cas la cause. Exactement comme le port du préservatif, pour prévenir l'apparition du sida, et la "pillule du lendemain"... pour prévenir les "grossesses non désirées" (qu'on me pardonne!!)
Lors du meeting de Rimini (la rencontre annuelle traditionnellement organisée au mois d'août par le mouvement Communion et Libération), en 2009, Mgr Luigi Negri, expliquait le problème en termes extraordinairement lucides.
La Bussola a eu la bonne idée de republier son intervention d'alors.

     


Accidents de la route, urgence éducative
Luigi Negri
La Bussola
01/03/2012
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Le gouvernement [italien] a annoncé son intention d'inclure dans le code pénal le délit d'homicide sur la route, contre ceux qui causent des accidents de la route sous l'influence de l'alcool et des drogues. De cette manière, les peines pour les coupables deviennent beaucoup plus lourdes: 8 à 18 ans de prison, et le retrait du permis à vie. Ces mesures sont sans doute nécessaires comme moyen de dissuasion à la conduite irresponsable, mais nous ne devons pas oublier que si tant d'accidents se produisent en raison de la conduite sous l'influence de la consommation d'alcool ou de drogue, il y a un problème sous-jacent, et la seule répression ne suffit pas à y répondre. Mgr Luigi Negri l'avait dit clairement, prenant la parole au meeting de Rimini de 2009 lors d'une rencontre organisée par Ania (l'association des compagnies d'assurance) sur le thème de la sécurité routière.
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Pour indiquer où se situe le problème pour moi, je citerai une phrase terrible, terriblement prophétique, mais extraordinairement efficace. Dans l'Apologie de Socrate, écrite par Platon, Socrate, à un certain moment, pour montrer le rôle éducatif qu'il a assumé avec toutes les réalités et surtout avec les jeunes, dit: «parce que vois-tu, dans cette ville, on meurt mal parce qu'on vit mal; on meurt sans dignité, parce qu'on a vécu sans dignité».
Alors, la première observation est justement là, dans la question fondamentale, dans le sens qui regarde les fondements, ce qui est derrière tous les détails, tous les milieux, toutes les dimensions de nos vies. Il est temps de dire que l'image de vie que nous avons ne fonctionne plus. Elle ne fonctionne plus en ce sens qu'elle n'est pas réelle, qu'elle n'est pas réaliste, qu'on ne peut pas construire une image de vie qui soit basé uniquement sur le sujet qui peut faire tout ce qu'il veut, tout ce qu'il désire. Pendant des siècles, pendant deux siècles, le sujet s'est cru fort parce qu'il pensait qu'il avait une raison forte, et grâce à la science et la technologie il pensait pouvoir dominer la réalité. Et puis on a pensé que la vie humaine avait une dignité parce qu'elle pouvait bâtir une société nouvelle, l'ancienne ayant échoué irrémédiablement.

A présent, comme elles sont entrés en crise, parce que l'histoire est têtue et qu'on a vu entrer en crise à la fois les grandes illusions rationalistes et les grandes illusions idéologiques, que reste-t-il? La vie est basée sur le fait que l'on peut vivre à sa guise. C'est un projet, un projet que chaque homme doit obstinément poursuivre et pour lequel il a désormais essentiellement à sa disposition ses désirs et ses instincts. Faire ce que bon lui semble, faire ce qu'il ressent, pour obtenir le maximum de bien-être à tous les niveaux et le maximum de succès à tous les niveaux.

Concevoir la vie ainsi signifie mettre en jeu la dignité de l'homme. Si l'on vit ainsi, alors il faut également en payer le prix qui est que l'on n'obtiendra pas le bien-être, parce que si l'on vit ainsi, on meurt; on ne parviendra pas à la possession, parce qu'en poursuivant la possession on meurt. En substance, le problème devient alors: où est la vérité de la personne, où est la dignité de sa vie, la valeur de son existence à tout moment de son existence et quelles que soient les saisons le long desquelles cette existence se conjugue? Nous devons peut-être comprendre qu'il est nécessaire de s'opposer ou de dépasser l'idée de la vie, de la personne, de la vie humaine et de la personne humaine, de dépasser l'idée qu'il s'agit d'un objet à manipuler. Si la vie est un objet à manipuler, à un moment donné certains manipuleront l'homme qui pense se réaliser à travers la manipulation des objets. Parce qu'après tout ... Comme disait Jean-Paul II dans "Redemptor hominis", ce siècle était censé être celui où l'on célèbre droits de l'homme; il a été le siècle qui a vu les hommes victimes de quelques-uns qui ont affirmé avoir sur eux tous les droits.

Alors, demandons-nous ce qu'est la vie, voilà la deuxième observation . La vie d'aujourd'hui ne fonctionne pas, l'homme d'aujourd'hui ne fonctionne pas, l'image de réalisation de la personnalité ne fonctionne pas, parce que voilà les résultats. Peut-être y a-t-il une autre route à prendre: aller chez celui qui a six ou sept ans et qui parle avec ses parents, celui qui va à l'école primaire ou au collège, celui qui va avec ses copains dans les rues de mon village ou, comme on les appelle, les lieux de rencontre des grandes villes. Il faudrait peut-être commencer à lui dire que sa vie ne lui appartient pas en tant qu'objet. La vie est grande parce que lui et sa vie appartiennent à un Autre.

Le sens profond de la vie n'est pas dans sa possibilité d'être l'objet d'une expression instinctive. Le sens profond de la vie, sa valeur, c'est que la vie est un mystère, c'est un mystère, elle nous dépasse, elle nous précède et nous dépasse, nous l'avons reçue, nous n'en sommes pas les maîtres, nous en sommes les intendants, et seront invités à rendre des comptes sur la façon dont nous avons géré nos vies. L'homme est grand parce qu'il appartient à un mystère plus grand que lui, parce qu'il a été fait à l'image et à la ressemblance du Mystère, à l'image et à la ressemblance de Dieu

Poser cette question dans la vie d'un jeune, d'un enfant, signifie ouvrir la question éducative. Mais pas la question éducative sur un point ou un autre: alors la question éducative deviendra éducation à la sécurité routière, comme elle devient éducation affective, l'éducation devient une éducation spécialisée; mais il faut d'abord ouvrir la question de l'éducation au sens de la vie. Nous devons les éduquer au sens de la vie et si nous n'arrivons pas à leur enseigner le sens de la vie, nous devrons d'abord l'apprendre nous-mêmes, pour pouvoir leur enseigner le sens de la vie. Le sens de la vie, la communication du sens de la vie d'une génération à l'autre, est le fil conducteur dynamique d'une société. S'il n'y a pas de passage d'une génération à l'autre, la société ne va pas dans telle ou telle crise particulière, mais la société finit. Je crois que notre société, si elle ne passe pas à la vitesse supérieure dans la communication des valeurs, finit, même si elle peut survivre matériellement. Nous avons vu des sociétés survivre des centaines d'années, survivre à la fin morale et éthique, morale et anthropologique. L'empire romain est l'un des exemples les plus frappants: il a survécu des siècles à la fin de sa culture advenue trois à quatre cents ans avant les invasions barbares. C'est donc le passage, c'est le passage des valeurs, de la conception ultime de la vie.

Ces derniers mois, préoccupé par l'éducation, j'ai souvent cité une grande phrase d'extraordinaire actualité du grand écrivain Georges Bernanos qui disait en 1914, au début de cette série d'événements tragiques du monde qui ont marqué la dernière phase de cette désacralisation et donc de cette déshumanisation de notre société: «Notre génération a demandé aux générations précédentes des raisons de vivre. Pour toute réponse, ils nous ont envoyé à mourir sur la Marne». La Marne a été la bataille la plus terrible de la Première Guerre mondiale. En quelques jours, quelques semaines, 300 000 soldats français et allemands sont morts. Mais la Marne est ce que nous avons décrit, le début de la Marne est ce que nous avons décrit. Nous les repoussons parce que nous ne savons pas quoi leur dire pour vivre.

Une reprise fondamentale de la fonction éducative de ceux qui dans la société ont cette fonction éducative est donc nécessaire : d'abord, la famille, à côté d'elle l'Église, et ensuite toutes ces réalités institutionnelles ou libres qui ont quelque chose à dire, parce que l'éducation, ce sont ceux qui peuvent qui la font, ce sont ceux qui savent qui la font, il n'est pas nécessaire d'établir des rôles infranchissables; il est également nécessaire d'établir à ce niveau des synergies. Mais on ne peut pas laisser les jeunes aux marges de la société, faisant passer en quelque sorte en contrebande, cette dignité qu'ils ne trouvent pas dans le bien-être, parce que de ce bien-être, on va mourir. Alors que la dignité, si la dignité est retrouvée et affermie, on ne meurt jamais, même quand on meurt. C'est une grande question éducative qui n'intéresse pas seulement les croyants. C'est une question éducative qui intéresse les croyants et les hommes de bonne volonté. Et elle éliminer, et le moment est venu de l'éliminer, ce qui reste de l'idéologisme du passé, qui n'a plus aucun sens, parce que cet idéologisme a produit ces catastrophes. Et il faut aussi éliminer ceux qui sacrifient le bien-être de leurs semblables et des jeunes dans la poursuite d'intérêts économiques. A ceux-là, il faut dire un non, franc et décisif. Ils ne doivent plus déterminer la situation de notre pays du point de vue de la réalité éducative.

Et pour finir: il y a une juste sévérité. Saint Thomas d'Aquin dit que la loi, qui est une expression fondamentale de celui qui dirige, et donc de celui qui poursuit le bien commun, la loi devrait être modérément répressive si ont veut obtenir des résultats. Il ne fait aucun doute que la loi et aussi cette série d'aménagements significatifs, - mais je pense que c'est une situation totalement nouvelle par rapport au passé - ne font pas naître la valeur de la vie. La valeur de la vie naît ailleurs, la valeur de la vie naît dans la conscience de la personne qu'on aide à percevoir le mystère de son existence et à porter le mystère de son existence. Elle est là, elle est dans les profondeurs de la conscience personnelle, et elle est dans la profondeur de l'expérience d'une société bonne, celle de la famille et des réalités du peuple où s'exprime la culture de notre peuple, c'est là que l'expérience de la vie puis le maximum de clarté et le maximum de dignité. Mais si la loi est pensée en fonction, dans la défense et la promotion de ces valeurs, ellea une valeur fondamentale. C'est pourquoi il faut qu'il y ait des institutions qui sachent aller à contre-courant, qui contredisent cette permissivité de caractère éthique et social qui a été la tragédie de ces dernières décennies en Italie (ndt: et pas seulement!!), afin d'établir des règles fondamentales de comportement normatif. Bien sûr, nous ne comptons pas sur les lois pour faire naître ces valeurs; nous comptons sur les lois pour la défense et la promotion des valeurs. Nous devons accomplir à tous les niveaux la grande tâche que Cesare Pavese (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Pavese ) a tant de fois emblématisé dans son "Métier de vivre": la vie est un métier; nous devons savoir quels sont les contenus de ce métier, nous devons l'apprendre, nous devons être aidés pour l'apprendre, nous devons être aidés pour l'exprimer.