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Rétrospective 2011

La rencontre prévue entre Fidel Castro et le Saint-Père sera peut-être, par sa charge symbolique, l'un des temps forts du voyage. Article dans "Il Foglio" (23/3/2012)

La rencontre prévue entre Castro et le Pape
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Il n'est pas question de cautionner un système politique. Mais il est intéressant d'observer le parcours d'un homme - et, peut-être, comment le Saint-Père va jouer un rôle à la fois dans ce parcours personnel, et dans le destin d'un pays.

Article en italien: http://www.ilfoglio.it/soloqui/12790

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Ces questions religieuses de Fidel qui attendent des réponses du Pape
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Siboney n'est pas seulement le titre d'un bouleversant boléro. C'est également le nom d'un charmant quartier de La Havane. Emplacement de villas confisquées à de riches fugitifs après la révolution, pelouses vertes, palmiers, tamariniers, frangipaniers. Fidel Castro, 86 ans, retiré du pouvoir, mais toujours, pour ceux qui l'aiment, líder máximo, vit ici, dans une résidence entourée d'un grand parc. Comme le confie Katiuska Blanco, journaliste, écrivain, la femme qui depuis longtemps assiste Fidel dans la rédaction des deux premiers volumes de son autobiographie (“Fidel Castro: Guerrillero del tiempo”, 1666 pages, Editorial Abril), «el jefe va beaucoup mieux, il a passé la période la plus critique de sa maladie, il lit beaucoup. Il sait tout de ce qui se passe dans le monde».
Et que lit-il? L'"Histoire du Temps" de Stephen Hawking, des essais religieux. Il est préoccupé par la catastrophe écologique qui menace l'humanité.

Sur sa table de chevet il y a le «Manifeste communiste» de Karl Marx, Friedrich Engels et «L'Origine des espèces» de Darwin.
Aux visiteurs de choix, Fidel pose des questions difficiles: l'atome, le temps, les étoiles, les planètes, la vie des gens, la politique internationale. Dans sa chambre, il a un ordinateur avec lequel il voyage sur Internet. Et là aussi, il cherche des réponses à ses tourments, et pas seulement des informations. Parmi les thèmes qui l'occupent le plus depuis un certain temps, il y a Dieu, la religion, la relation entre la foi et la vie. Les livres de Frei Betto (ndt: moine dominicain brésilien, théologien de la libération, écrivain, militant politique. Il est l’auteur d'une cinquantaine d'ouvrages de genres littéraires divers, traitant notamment de religion), comme des gouttes miraculeuses, ont creusé la pierre, lui ont fait retrouver une relation avec le transcendant.
Ceux qui ont parlé avec Fidel ne le voient pas du tout comme converti. Souvent, se souvenant du passé, Fidel admet n'être jamais devenu athée, mais seulement avoir mis de côté la foi cultivée dès son enfance en famille et dans les écoles des Jésuites.

Ses mémoires en sont aujourd'hui arrivées à 1958, et partent de l'enfance. D'autres volumes suivront, «s'il reste du temps», dit toujours Castro, «et nous arriverons jusqu'à nos jours» .
Les deux volumes des éditions Abril sont en cours de publication. Et peut-être dans ces pages pourra-t-on également découvrir le mystère de la relation entre lui et la foi en Dieu.

Le seul ami de Castro, qui a eu accès à l'oeuvre est le président vénézuélien Hugo Chavez, qui en a été très ému. Mais il n'y a pas que Betto Frei dans les méditations intellectuelles de Fidel. Depuis la visite de Jean-Paul II à Cuba en 1998, Fidel a lu certaines œuvres du pape polonais, et plus tard «Jésus de Nazareth» de Benoît XVI. En outre, il s'est tenu informé sur les encycliques et les prises de position les plus importantes de l'Église, se convainquant des nombreuses similitudes entre ses idées sur la destinée humaine, le capitalisme, la brutalité sociale de la grande finance, l'écologie, les pauvres, la crise , et les messages venant de la Place Saint-Pierre.

Dans la rencontre, inéluctable et déjà décidée, avec le grand révolutionnaire latino-américain, le Saint-Père ne trouvera ni un converti, ni quelqu'un en passe de conversion, mais un homme profondément informé au sujet de la religion et convaincu d'être, à sa façon, un disciple du Christ. Parce que Castro considère que la révolution cubaine a sauvé le peuple de la faim et la terrible dictature de Fulgencio Batista, redonnant une dignité égale à tous, un geste profondément religieux.
Fidel, vieux et sans doute pas en grande forme physique, ne vit pas l'automne du patriarche, mais fait une certaine auto-critique sur le passé et les excès de son régime. Il est prêt à voir, et même à revoir. L'entrevue entre lui et le Pape ne sera pas brève. Fidel a un grand désir de rencontrer le pape Benoît XVI [ma non certo con lo spirito dell’Innominato col cardinal Federigo] (ndt: il s'agit sans doute d'une allusion au roman de Manzoni "I promessi Sposi", mais j'avoue mon ignorance, cf. it.wikipedia.org/wiki/Federico_Borromeo ).

Cette angoisse de l'attente semble transmise au régime. Granma (cf. Granma souhaite la bienvenue au Pape) , l'organe du Parti communiste, le 12 mars dernier a consacré un «religieux» éditorial de bienvenue au visiteur qui sera à Cuba du 26 au 28 Mars: «Notre pays se sentira honoré d'accueillir Sa Sainteté, de l'héberger, de lui démontrer le patriotisme, la culture et la vision solidaire et humaine des cubains».
En citant le 400e anniversaire de l'apparition de la Vierge de la Caridad del Cobre, la Patronne du pays, le chroniqueur a voulu rappeler le voyage, toujours en cours, de la statue de Notre-Dame, pèlerine à Cuba, «accompagnée par les croyants et les non-croyants».

Mais il y a encore autre chose dans l'actualité. Par décret du gouvernement, lors de la visite, les Cubains pourront s'absenter de leur travail pour assister aux cérémonies et ne perdront pas de salaire. La Havane a été nettoyée. Toutes les églises, les écoles et les paroisses sont en effervescence. L'Etat a réparé la cathédrale de Santiago de Cuba et l'archevêché. Les paroles du Ppe sur la nécessité de mettre fin au bout de 60 ans, au désormais inutile embargo américain, sont devenus un mantra répété continuellement par les journaux, la radio et la télévision.

Comme le dit Mgr Dionisio García Ibáñez, archevêque de Santiago de Cuba et président de la Conférence épiscopale, «la visite permettra de renforcer encore davantage les relations entre l'Église et le gouvernement».
Le voyage du Saint-Père a été bien organisé par la Secrétairerie d'Etat.
Le cardinal Bertone et son adjoint, Mgr Angelo Becciu, ancien nonce apostolique à Cuba, sont estimés par Raúl et Fidel Castro. Avec son voyage dans l'île, du 21 à 26 Février 2008, Bertone a obtenu de Raul, le président nouvellement élu, de faire un grand bond en avant pour la liberté et l'éducation religieuse. Becciu a depuis lors traité avec le régime, parlant avec Raúl, mais aussi avec Fidel, soutient-on à Cuba. C'est Becciu qui a préparé avec le Saint-Père, document après document, ce voyage au Mexique et à La Havane.
Y aura-t-il le miracle de la conversion de Fidel? Très probablement non.
Mais ceux qui ont la foi, même à Cuba, savent que les voies de Dieu sont infinies.