Après le voyage au Mexique et à Cuba. Première partie (6/4/2012)
Chère Béatrice,
Un marathon terminé, notre Saint-Père en a entamé un autre, celui de la Semaine Sainte sans pour autant s'isoler et se consacrer uniquement au programme immuable des célébrations prévues.
Je n'étais pas inquiète pour le Pape, je ne le suis d'ailleurs jamais, par contre ce voyage lointain et un emploi du temps chargé me donnaient quelques inquiétudes pour l'homme. Le Saint-Père sait parfaitement où il va et ne se laissera pas détourner de ce qu'il veut faire ou dire. Avec lui tout est pesé, réfléchi, mûri; alors toutes les sempiternelles interrogations : que dira-t-il?, qui verra-t-il?, rencontrera-t-il telle ou telle personne?, toutes ces hypothèses envisagées ont perdu depuis longtemps le pouvoir de me perturber. Le chemin est tracé droit devant lui et nul, mieux que lui, n'est capable de dire le pourquoi et le comment de son action. Tous ces mots alignés dans les articles des médias ou jetés sur les ondes ne sont que du remplissage de la part des journalistes; par contre, ce que je déplore c'est que toutes ces joutes oratoires qui se révèlent être sans valeur après les voyages puissent être prises au sérieux par ceux qui les lisent et les suivent. Manque de personnalité, de cohérence dans les certitudes, de connaissances ( mais à cela on peut toujours remédier en apprenant et l'exercice est enrichissant et bénéfique pour les neurones), il est décevant de constater que, à chaque voyage, le mécanisme se remet en route avec une immuable opiniâtreté. Les interlocuteurs qu'il rencontre se présentent avec des arguments choisis, pesés et destinés à emporter l'adhésion de ce Pape qu'ils ne connaissent pas ou si peu. Tout ce qui leur parvient est passé à travers le prisme déformant des médias, des avis donnés plus ou moins partisans, des interlocuteurs rencontrés mais la réalité de cette personnalité si riche ne peut être comprise qu'en la côtoyant régulièrement ou, à défaut, en la suivant à travers ses paroles, ses discours, ses homélies, ses livres.
Les directs ou les vidéos "on demand" sur Vatican player ont l'avantage incontestable de présenter des vues aériennes sur la foule et des temps plus longs comprenant les arrivées et départs d'avion, les foules le long des parcours, A travers toutes les très belles photos fournies on peut suivre notre Pape depuis son départ de Rome jusqu'à son retour. La galerie de photos de l'OR (www.photovat.com et Flicker) est en train de mettre en ligne toutes les images du voyage, ce jour il ne restait plus que Cuba à traiter.
Dés le départ, encadré par les autorités italiennes, très naturel et avec un visage serein, l'ambiance était agréable. Avec lui toute modification fait l'objet de commentaires, de rumeurs, de déductions faussement sincères alors que l'intéressé avance à sa guise; j'apprécie au plus haut point. Heureusement qu'il y avait l'usage intermittent de la canne et LA QUESTION ; verrait-il ou pas Fidel Castro; sans cela, en forçant un peu le trait, une autre question se pose : qu'allait-il faire là-bas? Politique, mon beau souci, mais qu'attendait-on du Pape pour son domaine spécifique? L'essentiel, pour lui, passait bien après cela. Notre Benoît XVI était heureux de se rendre dans ces deux lieux si opposés aux yeux du monde mais qui dans son cœur ont la même place : confirmer dans la foi ceux qu'il allait rencontrer. Faire passer, en toute sobriété, la foi indéracinable qui le guide depuis presque 85 ans, avec des mots simples, clairs, soigneusement choisis selon l'auditoire : voilà en quoi il excelle.
A l'arrivée au Mexique, joyeuse, enthousiaste, colorée, avec la ferveur de la foule présente pour l'accueillir à sa descente d'avion, les chants des mariachis, les enfants avec des fleurs, le tempo était donné. Bras grands ouverts avant de descendre aisément la passerelle, je n'ai pas noté le soupçon d'hésitation, de timidité peut-être, qui se manifeste souvent au moment de rencontrer tant de personnes nouvelles. Le voyage avait été calme, avec des cadeaux reçus (une tablette ipad), un éclat de rire, si rare malheureusement de la part de ce " pape technologique" et on retrouvait un Saint-Père accueilli par des jeunes en grand nombre, un couple présidentiel présent et cordial. L'épouse était souriante et malgré le qualificatif qui lui a été attribué ( pas par moi) : mal fagotée, j'ai apprécié son attention à l'égard du Saint-Père en faisant le lien avec lui et ce qui se passait. C'est elle qui a attiré l'attention du secrétaire pour qu'il récupére une enveloppe remise au Pape et qui le gênait pour saluer les personnes présentes. Lors de la présentation de la suite papale aux autorités, Mgr Gänswein s'est incliné devant le Pape mais j'ai retrouvé le geste habituel pour remettre en place, discrètement, la petite cape blanche indisciplinée; même presque invisible il veille et sa présence est, pour moi, rassurante. Impossible de reprendre tout ce que j'ai noté, tout ce qui m'a touchée, émue. Tous ces jeunes, cette foule qui l'acclamaient, les drapeaux, les visages radieux, la musique rythmée, chaude, joyeuse, les pancartes, les longs parcours en papamobile, vitres baissées, un pape souriant qui saluait, les ballons lâchés, les pluies de confettis. Pour la visite de courtoisie au Président Calderon la place est pleine, les cloches sonnent à toute volée. Tout au long de la route on remarque les magnifiques maisons mexicaines de style espagnol, colorées, décorées . Une phrase relevée sur les pancartes brandies avec enthousiasme : "que soit bénie la lumière de tes yeux, nous t'aimons", "benvenuto Benedicto XVI "sur de grandes photos du Pape. "Te queremos Benedicto".
Sa voiture est arrêtée pour qu'il embrasse un bébé qui lui est tendu puis pour bénir un coussin avec un objet religieux ( je n'ai pas pu voir) présenté par un religieux dont il serre la main depuis la voiture. Dans la foule une pancarte avec Marktl -am-Inn et drapeau à damiers bleus et blancs, sa Bavière est présente. A la fin de l'entretien avec le Président notre Benoît apparaît au balcon pour parler aux enfants de Guanajuato. Il s'adresse à eux mais se laisse facilement interrompre par leur enthousiasme, leurs cris de joie; son sourire est vrai, ses paroles simples, profondes mais faites pour des enfants. Un lâcher de colombes clôture la fin de ses paroles. Il est toujours disponible pour écouter ceux qui lui sont présentés : un couple rescapé d'un accident, un bébé embrassé, des fronts signés, des mains serrées, une tape amicale sur la joue d'un jeune homme. C'est de la joie pure, spontanée qui éclaire les visages . Les maisons colorées et éclairées sont magnifiques dans la nuit.
Ne pas oublier que malgré la fatigue le Pape a célébré la messe du matin avec les religieuses du Collège Miraflores où il réside. A cela s'ajoutent les longs trajets en voiture pour aller d'un lieu à l'autre. Selon Philipinne de Saint-Pierre cette visite était espérée depuis longtemps et la joie du Pape, bien visible, traduit le bonheur du pasteur qui retrouve ses enfants.
Avant de célébrer la messe le dimanche matin Benoît XVI a réalisé un souhait : survoler en hélicoptère le Christ Roi de Cubilete; un moment bien à lui et c'est fort bien ainsi.
La messe au parc du Bicentenaire de Silao à Leon se déroule au sein d'une immense foule fervente, bon enfant; certaines personnes sont venues avec des sacs de couchage, dès samedi soir, c'est tout dire !!! C'est un grand rassemblement de religieux, de prêtres, de prélats. Dans la papamobile, les deux autres occupants, devant l'ampleur de l'enthousiasme, saluent aussi , c'est ainsi depuis l'arrivée. Le Saint-Père offre une mosaïque du Christ Roi pour le sanctuaire du Christ de Cubilete. Le Président et son épouse sont présents ce qui n'empêche pas Benoît XVI , lors de l'Angelus, d'énoncer toutes les composantes du mal, sans faux-fuyants. Il faut retrouver la joie d'être chrétien.
Avant de prendre la papamobile pour aller célébrer les vêpres il salue des personnes âgées et bénit même un coussin blanc que son propriétaire presse contre lui comme un trésor; j'ai trouvé cela infiniment touchant.
Le long du parcours pour aller à la cathédrale Notre-Dame de la Lumière de Leon pour les Vêpres, vitres baissées, la foule joyeuse accompagne Benoît XVI portant la mozette rouge. La papamobile est cernée de voitures, de motos. Il est souriant, simple, les vivats fusent, la liesse ne faiblit pas, les confettis retombent par moments, des ballons s'envolent et la nuit vient.
En arrivant à la cathédrale les gardes se mettent aux côtés de la voiture. Il est accueilli avec le chant Tu es Petrus pendant qu'il avance lentement en serrant toutes les mains tendues; son sourire est heureux, serein. La cathédrale est pleine. Sur deux piliers deux grandes images de Benoît XVI:
- sur l'une : Tu eres Pedro
- sur l'autre : Bendito el que viene en nombre del Señor
Benoît XVI est en bleu et or avec parementure très travaillée, j'apprécie. Après les paroles d'accueil, très souriant , il salue sous les applaudissements puis se lève pour l'échange des cadeaux.
C'est assis qu'il suit le déroulement de l'office dans un livret blanc. Je trouve qu'il règne une grande atmosphère de paix; j'aime les moments de silence qui accueillent si bien les chants qui donnent vie aux vieilles pierres des églises, des abbayes, des monastères. Il prend la parole d'une voix posée et ferme, aucun effet pour séduire, attirer l'attention. Après le temps de recueillement il reprend le livret pour suivre de nouveau l'office. Brève incursion sur l'extérieur avec une très belle vue de la cathédrale éclairée dans la nuit. L'office est fini,
Au retour de la sacristie en mozette rouge et avec un sourire timide il lance un feu d'artifice. Il se lève aisément pour accueillir le défilé des prélats qui le saluent. Il reçoit des cadeaux et sort au chant de Tu es Petrus. Il avance à petits pas, fragile silhouette, son secrétaire veille. Deux mains fines dépassant de manches blanches se lèvent, une calotte blanche: victoire, j'ai retrouvé notre Pape perdu dans la foule qui l'accompagne avant de quitter la cathédrale pour regagner sa voiture. Patient, disponible il répond à toutes les sollicitations, dominant sa fatigue qui doit être bien réelle et naturelle, oubliant peut-être un certain inconfort. Dehors, dans la nuit , les Mexicains sont toujours là pour le voir encore; lorsque la voiture s'ébranle, la clameur monte . Je trouve cela magnifique d'autant plus que notre Saint-Père participe, répond et montre un visage ravi, comblé. Je trouve cela merveilleux de voir ce personnage amédiatique (Ph de S-P ) susciter tant d'allégresse, de ferveur, par son sourire, sa simplicité, sa disponibilité, son oubli total de lui pour tout donner aux autres, pour faire croître la foi, l'espérance et la charité: tout ce que demande Benoît XVI.
La journée n'est pas finie car il y a, à Miraflores, les mots qu'il doit prononcer et une soirée dansante et chantante avec les mariachis, un temps de détente, de joie, ce mot dont il émaille ses discours, ses homélies : la joie de croire, d'être chrétien. Bonne nuit, Très Saint-Père.
C'est le départ pour Cuba. Il arrive en hélicoptère à l'aéroport et une voiture le conduit à l'avion. Jeunes, enfants, foule, mariachis, couple présidentiel, tous sont là comme à l'arrivée avec en plus les souvenirs et les paroles engrangés pendant ces trois jours. Les Mexicains et Benoît XVI se sont conquis mutuellement. Ils ont été séduits par sa sensibilité, son affection si bien manifestée, son sourire, ses paroles claires qui ont été entendues, son accueil des pauvres . Lui il repart " comblé d'expériences inoubliables, d'attentions, d'affection manifestées lors de (sa) visite. ". Le discours du Président est très chaleureux et Benoît XVI donne la bénédiction demandée et fort applaudie. Un problème de location de satellite ( qui m'a paru invraisemblable) fait que la retransmission s'arrête là et empêche de voir notre Saint-Père monter dans son avion.
Il est tard et je vais aller me reposer. je vous envoie cette première partie, la seconde sur Cuba partira demain. Bonne nuit.
Je vous embrasse affectueusement.
Jeannine