Des célébrités parlent du Pape (II)
La contribution - magnifique - d'Edmund Stoiber, ex- ministre-président CSU du Land de Bavière (3/2/2013)
>>> Image ci-contre: le ministre président salue le saint-Père sur la Marienplatz, à Munich, le 9 septembre 2006: "je vous embrasse" (beatriceweb.eu/Blog06 )
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«Mon cœur bat bavarois»
pages 147 et suivantes (ma traduction)
Image ci-contre: l'affiche de la visite de 2006
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«Mon cœur bat bavarois. Dans ma mission, j'appartiens au monde»
Le Saint-Père ne pouvait pas mieux exprimer son amour pour sa patrie bavaroise qu'il ne l'a fait avec ces mots après son élection comme Pape. Notre pays, les gens, les valeurs chrétiennes qui sont ici honorées et vécues l'ont formé depuis qu'il était petit. Et lui, a beaucoup rendu à la Bavière: comme père spirituel, théologien de renom et pasteur suprême des âmes.
Depuis que, comme collaborateur scientifique (assistant) à l'Université de Ratisbonne dans les années soixante, j'ai entendu parler d'un nouveau professeur, jeune et impressionnant, du nom de Joseph Ratzinger, qu'il fallait écouter à tout prix, «notre Pape» ne m'a plus quitté. Ensuite, j'ai assisté à quelques-uns de ses cours, qui étaient caractérisés par une grande profondeur et une extraordinaire acuité intellectuelle. Il ne m'aurait jamais traversé l'esprit, même dans mes rêves les plus fous, que près de quarante ans (ndt: il y a une erreur dans le texte en italien, qui écrit "quatorze ans") plus tard, je me trouverais à l'aéroport de Munich pour recevoir, en tant que président de la Bavière, le professeur Joseph Ratzinger en sa qualité de pape Benoît XVI.
J'ai pu connaître le Saint-Père de plus près et plus régulièrement quand il était cardinal et archevêque de Münich et Freising. J'étais très enthousiaste de sa manière de prêcher. Faites d'humilité et pleines de substance, ses homélies ont laissé une profonde impression, et pas seulement sur moi. Aujourd'hui encore , je reste profondément fasciné par la façon dont Benoît XVI s'adresse aux gens: lucide, entraînant, persuasif. À une époque idéologiquement chargée de graves conflits sociaux et politiques, le cardinal Ratzinger a pris immédiatement position. Son excellence spirituelle et sa façon d'aller en profondeur le soustrayaient à la simple polémique: grâce à sa capacité d'argumentation, il ne pouvait certes pas être réduit à un schéma politique gauche-droite. Et pourtant, le cardinal Ratzinger rayonnait d'une énergie missionnaire qui, j'en suis convaincu, doit toujours être présente dans l'Église catholique.
Les rencontres du cardinal Ratzinger avec un autre grand fils de la Bavière, Franz Josef Strauss, sont toujours profondément présentes à ma mémoire. C'était quelque chose de très particulier pour moi, jeune homme, aux côtés de Franz Josef Strauss, de participer aux discussions de ces deux grands intellectuels, en particulier la relation entre l'État et l'Église de notre temps. Tous deux étaient conscients de leurs tempéraments respectifs, qui ne pouvaient pas être plus différents. Le respect mutuel et la reconnaissance de leurs arguments respectifs m'apparaissaient d'autant plus grand. L'homélie prononcée par le cardinal Ratzinger aux obsèques de Strauss à Rott am Inn sont l'un des moments les plus émouvants de ma vie. Sans notes, de façon entièrement spontanée et avec des pensées merveilleuses et sereines, le cardinal Ratzinger retraça la grande personnalité de Franz Josef Strauss. Ceux qui étaient présents dans l'église ou ont suivi les funérailles à la télévision n'oublieront jamais ces mots (ndt: j'enquête... si quelqu'un peut m'aider?).
Le premier voyage à l'étranger d'un président de Bavière, selon la tradition, mène à Rome, chez le Pape. Et pour moi aussi, c'était un désir sincère. En 1993, dans ma nouvelle charge, il me tenait très à cœur de pouvoir rencontrer, à côté de Jean-Paul II, le préfet de la Congrégation pour la Foi. Pour moi, c'était un privilège inestimable de pouvoir consulter personnellement le cardinal sur des questions particulières, et encore aujourd'hui, le Pape Benoît XVI. De temps en temps, un «support» théologique venant d'en haut ne nuit pas à un homme politique. Par ailleurs, c'est aussi dans l'intérêt de l'Église, si sa doctrine et ses arguments trouvent un terrain fertile parmi les politiciens.
En 1994, en Allemagne, on a intensément débattu sur la suppression du lundi de Pentecôte comme jour férié officiel public. Je m'opposai à cette élimination et je voulais autant que possible soutenir ma position avec des arguments de poids. Alors j'ai demandé de pouvoir parler avec le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, à Rome, et l'entretien m'a été accordé. Au début, j'étais presque déçu lorsque le cardinal Ratzinger m'a expliqué que le lundi de Pentecôte, dans l'Italie catholique, n'était pas un jour férié. En outre, même pour sa signification théologique, cette journée ne pouvait pas être comparée au lundi de Pâques. Cependant - comme me l'a expliqué le défenseur suprême de la doctrine de l'Eglise catholique - l'abrogation de la fête aurait pu conduire à percevoir une fête aussi importante pour nous, chrétiens, que la Pentecôte, comme un simple dimanche de l'année liturgique. J'ai donc participé aux discussions politiques ultérieures renforcé par l'argumentation de cette haute autorité, et elles ont conduit au résultat que je souhaitais.
Adrien VI, pape de 1522 à 1523: ceux qui s'intéressent aux papes allemand doivent remonter loin dans l'histoire. D'autant plus grande fut la joie quand à Rome, la fumée blanche annonça Habemus Papam! Cardinalem Ratzinger! Le voyage à Rome pour les funérailles du Pape Jean-Paul II et l'autre pour l'inauguration du Pontificat de Benoît XVI m'ont profondément impressionné. Avec de nombreux croyants provenant de Bavière, de toute l'Allemagne, dans la ville éternelle, avec une grande joie, on pouvait aussi ressentir l'infinie responsabilité qui incombe au Successeur de l'Apôtre Pierre. Avec cette conscience, le Pape Benoît XVI s'est immédiatement confié aux prières des chrétiens.
Évidemment, les plus hauts représentants de notre Etat libre, tant catholiques que protestants, rendirent hommage au nouveau Pasteur suprême de l'Eglise universelle. Il était très intéressant de voir comment ces personnalités ont réagi à la magnificence du Saint-Siège et au charisme qui émanait du nouveau Pape. Leurs gestes, et ceux de leurs conjoints, reflètaient clairement les habitudes acquises dans la petite enfance. Nous étions tous impressionnés et émus par la grandeur de ce moment historique. Le pape Benoît XVI enthousiasme, et touche les jeunes comme personne d'autre. Ils perçoivent que ce Pape donne orientation et soutien, est crédible et a un message clair. Beaucoup sont fascinés par la façon dont le pape Benoît XVI est toujours spontané et s'adresse aux fidèles avec cordialité, leur consacrant beaucoup de temps. Il émane de lui beaucoup d'humanité et de bonté. Comme son prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, il est perçu, au-delà des distinctions confessionnelles, comme une grande autorité morale, comme quelqu'un qui, de manière intransigeante mais bienveillante, incarne et exige les valeurs. Toute société repose sur un fondement qu'elle-même ne peut pas créer. Ce fondement, pour nous, ce sont les principes chrétiens et les valeurs fondamentales.
Je comprends le message du Pape Benoît XVI dans le sens que nous, chrétiens, nous devons vivre et représenter nos valeurs et nos racines d'une manière dynamique. Déjà, rien que la mondialisation, dans toutes ses expressions, nous oblige à reprendre conscience de notre tradition et de nos valeurs. Beaucoup d'autres peuples et beaucoup d'autres pays qui entrent avec nous dans le XXIe siècle sont conscients de leur héritage et de leur foi. Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était. Les hommes cherchent à donner un sens à leur vie, au-delà de ce qui est purement matériel. Dans un monde qui devient de plus en plus difficile, le Pape représente la stabilité, la crédibilité, la nécessité de liens. Des valeurs chrétiennes, telles que le caractère unique de chaque personne devant Dieu - jeune ou vieux, riche ou pauvre, fort ou faible - exercent une grande force d'attraction: l'amour du prochain comme mesure de tout ce qui est humain, l'équivalence en droits de l'homme et de la femme, le mariage et la famille comme forme de vie dans laquelle on est l'un pour l'autre, se soutenant mutuellement; ou les valeurs chrétiennes telles que la tolérance et la liberté.
«Celui qui croit n'est jamais seul»: telle est la devise de la visite du Pape en Bavière en Septembre 2006. Il est impossible de mieux exprimer par des mots l'abri que donne la foi.
Les Bavarois repensent à la visite du Saint-Père dans sa terre avec beaucoup de joie et de gratitude, une visite qui a dépassé toutes les attentes. Ce fut un événement historique, une fête de la foi, une fête pour la Bavière. En 1982, quand il vint à Rome, le cardinal Ratzinger prit congé de nous comme archevêque de l'archidiocèse de Munich et Freising, près de la colonne de Marie, à Münich. En tant que Pasteur suprême de l'Église catholique romaine, il y est revenu presque vingt cinq ans plus tard, et a élevé dans le cœur de la Bavière, au pied de la Patrona Bavariae, une émouvante prière.
Le réalisme du Saint-Père et sa connaissance du monde émergent dans la petite anecdote suivante. À l'origine, le pape devait venir à Munich durant l'Oktoberfest. L'ordinariat de Monaco a attiré l'attention du Vatican sur cette coïncidence, mais n'est pas allé plus loin. J'ai donc présenté personnellement au pape cette circonstance, avec l'allusion que, comme archevêque émérite de Munich et Freising, il pourrait l'évaluer au mieux. En fait, c'est ce qu'il advint. Le voyage a été reporté. C'est le pape Benoît XVI lui-même qui y a veillé.
Annexe
1. Le discours d'adieu du cardinal Ratzinger, à Munich, et celui de Franz Josef Strauss (http://benoit-et-moi.fr/2012-I)
Craquante video à revoir ici: www.youtube.com/
2. Le Pape en Bavière en septembre 2006: beatriceweb.eu/Blog06/ . Relire en particulier ici le récit de la réception sur la Marienplatz de Munich.
Edmund Stoiber garde un magnifique souvenir (et, dit-il, les bavarois avec lui) et pourtant, celui que l'on garde (merci les medias!), c'est l'infâme polémique montée de toutes pièces sur la fameuse "lectio" de Ratisbonne.