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Affaire Ricca: l'analyse de John Allen

Un Pape au zénith, malgré tout (I). C'est une analyse qui reflète bien l'opinion d'un laïc, américain, libéral (21/7/2013)

Le dernier billet de John Allen est en deux parties, je les publie séparément, car elles concernent deux sujets bien différents: le prochain voyage au Brésil (première partie, à suivre) et le scandale Battista (deuxième partie, ci-dessous).
Les deux convergent néanmoins sur une constatation irréfutable: François a le vent en poupe, tout ce qu'il fait est "bien". Il est, pour le moment, inattaquable.

     

Un Pape au zénith, malgré tout

Encore des problèmes au sein de la banque du Vatican
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Une sale guerre des mots a éclaté vendredi à Rome, dans le sillage d'un article explosif du magazine L'Espresso, accusant un ecclésiastique sélectionné par le pape François pour réformer la banque du Vatican d'avoir été impliqué dans les affaires gay assez gratinées tandis qu'il servait comme diplomate papal il y a plus d'une décennie.
Jusqu'à présent, le pape semble soutenir son homme, et un haut fonctionnaire du Vatican déclarait vendredi matin à ce sujet que François «a écouté tout le monde et a confiance» en Mgr Battista Ricca, l'ecclésiastique nommé dans l'article.
Sur le dossier, le porte-parole du Vatican le père jésuite Federico Lombardi a décrété vendredi que l'histoire n'était «pas crédible».
L'histoire Ricca a éclaté le jour même où François a annoncé une nouvelle commission pontificale relative aux structures économiques et administratives du Vatican. L'objectif, selon le document juridique par lequel François a créé la commission, est d'élaborer des réformes en faveur d'une «simplification et d'une rationalisation» et d'une «planification plus rigoureuse des activités économiques», ainsi que de «favoriser la transparence» et «une prudence toujours plus grande dans le domaine des finances». La commission de huit membres, est composé presque entièrement de laïcs, dirigée par Joseph FX Zahra de Malte, un économiste et un homme d'affaires qui a également servi en tant que membre du conseil d'administration de la Centesimus Annus Pro Pontifice Fondation, basée au vatican et du Comité international d'audit du Saint-Siège et de l'État du Vatican.

En attendant que la poussière ne retombe sur la pertinence des accusations spécifiques contre Ricca, deux observations préliminaires s'imposent.

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1. Tout d'abord, elle confirme combien l'Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), connue comme la banque du Vatican, est devenu un test et un champ de bataille pour la question plus vaste de la réforme de Vatican.

Au cours des 14 derniers mois:

• Un président de la banque a été congédié pour incompétence et comportement erratique tout en insistant sur le fait qu'il essayait de promouvoir la transparence;
• Son successeur, nommé par Benoît XVI comme l'un de ses derniers actes, a fait face à une mini-tempête au début en raison de ses liens avec une entreprise allemande fabriquant des navires;
• Les deux principaux responsables de la banque ont démissionné, confrontés à une enquête italienne sur des accusations de blanchiment d'argent
• Une nouvelle commission a été créée pour enquêter sur la banque à peu près au même moment où un ancien comptable du Vatican était accusé, entre autres, d'utilisation illicite de ses comptes bancaires.
• Maintenant, le prélat de la banque se trouve dans l'œil du cyclone.

C'est presque assez pour faire penser que banque du Vatican devrait se présenter avec une étiquette montrant un crâne et des os croisés, comme un paquet de cigarettes. «Attention: travailler à cet endroit peut être dangereux pour votre santé».

2. Deuxièmement, l'affaire Ricca illustre également à quel point François lui-même est toujours perçu positivement par presque tout le monde parce que la seule chose sur laquelle tout le monde semble d'accord est que François n'est pas à blâmer.
L'histoire de vendredi, racontée par le journaliste chevronné Sandro Magister, affirme que Ricca, 57 ans aujourd'hui, a eu un concubin quand il a servi en tant que diplomate papal en Uruguay dans les années 1990 et au début des années 2000, qu'il a fréquenté des bars gays, qu'une fois il a été battu, et qu'une autre fois il a ramené un jeune homme à l'ambassade papale et finit coincé dans un ascenseur avec lui toute la nuit avant d'être libéré par le service local d'incendie.
Il convient de noter que l'histoire ne suggère pas que Ricca ait été coupable de conduite criminelle ou d'abus sexuel ni qu'il ait jamais fait face à des accusations civiles.
Battista est revenu plus tard à Rome et a fini en tant que directeur de la Casa Santa Marta, la résidence sur le territoire du Vatican où François vit actuellement, gagnant la confiance du pape et choisi pour devenir son «prélat», ou son délégué, à la banque (techniquement, le prélat est nommé par un organisme de cardinaux qui supervise la banque, mais il est généralement admis qu'ils ont agi selon les souhaits de François).
Magister insiste sur le fait que François ne connaissait pas ce chapitre de l'histoire de Battista avant de le nommer, le 15 Juin, ce qui suggère que le dossier vatican de Ricca avait été «nettoyé» par des éléments d'un supposé «lobby gay».
Après que le Vatican ait qualifié l'histoire de «sans fondement», L'Espresso a riposté avec une réponse très ferme confirmant le rapport «point par point», insistant sur le fait qu'elle était fondée sur «des sources primaires», et qualifiant le démenti du Vatican d'«improbable et imprévoyant».

Sotto voce, deux récits concurrents ont rapidement émergé dans et autour du Vatican pour rendre compte de la situation.

Pour Magister et ceux qui acceptent son analyse, un effort de décennies pour cacher le passé de Battista est la preuve qu'il y a au Vatican, y compris dans des postes de direction, un réseau obscur de personnes ayant des secrets à garder, qui protègent et abritent les leurs et qui permettent ainsi à la corruption de couver.
C'est ce qu'on entend habituellement par le terme «lobby gay», bien que la plupart des Italiens ne l'entendent pas comme se référant simplement à des secrets de sexe, mais aussi à d'autres squelettes dans le placard comme des irrégularités financières ou des manœuvres politiques.
Pour ce groupe, l'influence occulte du «lobby gay» est la preuve précisément de la nécessité d'un nettoyage de la maison, que François a commencé à mettre en œuvre, et beaucoup expriment la confiance qu'il fera ce qu'il faut.

Les défenseurs de Ricca insistent qu'il y a un autre côté à l'histoire de Ricca, dont l'article de Magister ne parle pas, mais qui est connu de François. Ils disent Ricca est un véritable réformateur et que gratter un chapitre sordide de son passé datant d'il y a plus de dix ans peut-être une campagne de dénigrement de la part d'éléments de la vieille garde du Vatican, qui ne veut pas que le pouvoir et les privilèges lui échappent.
Même s'il est gay et si peut-être à un moment donné il a eu du mal avec le célibat, disent-ils, qu'est-ce que cela a à voir avec sa capacité à mettre en œuvre la réforme dans une banque?
(ndt: argument ahurissant. C'est DSK bis repetita, sauf que le Vatican, c'est aussi, accessoirement, l'habillage séculier de l'Eglise du Christ!!!)
Ces voix aussi, en général, disent que la situation confirme combien François est nécessaire et insiste qu'il va faire les bon choix.

Toutes choses pouvant illustrer qu'en raison de sa popularité personnelle et parce que son pontificat est encore jeune et capable de paraître tout à tous, François reste largement intouchable et au-dessus de tout reproche.

Ce que l'affaire Ricca montre aussi, toutefois, c'est qu'on ne peut pas en dire autant de ceux qui l'entourent.

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