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Le cardinal Tonini est mort

Né en 1914, il était le plus âgé des cardinaux... et un invité récurrent de ces pages. L'Eglise n'a pas attendu le pape François pour avoir des saints pasteurs, proche des humbles, en toute discrétion (29/7/2013)

Le cardinal italien Ersilio Tonini est mort dans la nuit de samedi à dimanche. Le 20 juillet dernier, il avait fêté ses 99 ans. Archevêque émérite de Ravenne, il était le plus âgé des cardinaux.

Il ne semble pas nécessaire d'écrire, pour lui "Qu'il repose en paix", ou encore "je suis triste". Sur le premier point, je n'ai aucun doute. Sur le second, un saint homme a, enfin, rejoint la maison du Père.
Et il va continuer, de là haut, à prier pour nous qui en avons tent besoin.

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Nous l'avons rencontré une quantité de fois dans ces pages, où son statut de soutien inconditionnel de Benoît lui avait valu d'emblée une place d'honneur; ayant appris ensuite à le connaître un peu mieux au fil d'interviewes, où transparaissaient sa sagesse, sa bonté, et une forme d'ingénuité très rare chez les hommes d'Eglise (qui n'était pas absente non plus chez Benoît XVI), je l'ai de plus en plus aimé.
En novembre 2006, alors que les suites du discours de Ratisbonne faisaient se déchîner les médias contre le Pape, il disait, dans une interviewe à l'Avvenire:

"[Benoît XVI] est un homme incroyable de naturel, d'une exceptionnelle sérénité et gentillesse. Vous pouvez le voir à la manière dont il regarde les gens. Il montre tout dans ses yeux, et en le regardant, on se sent enveloppé de gentillesse. Et pourtant, il ne fait pas étalage de sa richesse intérieure, qu'il garde au fond de lui".

En guise d'hommage à ce bon et saint homme (dont on peut lire la biographie - en italien - sur le site du Saint-Siège), je vais reproposer plusieurs articles sur lui, éparpillés dans différentes sections de ces pages.

En attendant, voilà un bel éloge sur Korazym.org.
L'auteur, Simone Baroncia, 46 ans, collaborateur occasionnel du site, est originaire de Tolentino, dans les Marches, ville dont Mgr Tonini fut évêque, avant d'être nommé archevêque de Ravenne. Il l'a connu alors que lui-même était enfant, et que "don" Ersilio était son catétéchiste.

Photo ci-dessous (et plein d'autres): http://benoit-et-moi.fr/2007 :

Tonini: la vie? La plus grande invention de Dieu
28 juillet 2013
Simone Baroncia
http://www.korazym.org
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Les obsèques du cardinal Ersilio Tonini, archevêque émérite de Ravenne-Cervia, le plus vieux cardinal vivant, qui avait eu 99 ans le 20 Juillet, auront lieu mardi prochain. Né en 1914 à Centovera Sangiorgio Piacentino dans une famille de paysans, il était entré au séminaire à 11 ans, et avait été ordonné prêtre à 22 ans et évêque à 54 ans.

Il avait été créé cardinal par Jean Paul II en 1994, alors qu'il avait déjà 80 ans. Depuis toujours actif dans le monde de la communication et de la pastorale des jeunes, il a été l'une des figures les plus connues et les plus populaires de l'Eglise en Italie. Le jour de son anniversaire, il avait parlé du rôle que devrait avoir le journalisme: «Il n'a pas encore compris ce qu'est son rôle parce que son véritable rôle, son travail consiste à aller voir la situation actuelle avec les yeux des hommes actuels. Le journalisme italien et mondial, ou bien est prophète ou bien n'est rien».

Bien que petit, puisque le cardinal Tonini est resté évêque de Macerata, Tolentino, Recanati, Cingoli et Treia jusqu'en 1975, je me souviens des moments conviviaux avec nous les petits, et de son ton de confidence pour nous expliquer l'Evangile, d'abord à nous, et ensuite à nos parents; il aimait beaucoup rencontrer les fidèles dans les paroisses; il était à l'écoute des préoccupations des familles et écoutait attentivement tous. Il a été un bâtisseur d'églises dans les banlieues des villes qui se développaient au-delà des centres historiques. Sa première rencontre avec le monde des communications sociales remonte à 1947, quand il est devenu rédacteur en chef de l'hebdomadaire diocésain «Le nouveau journal», à une époque marquée par de forts conflits sociaux, et par la lutte des classes.

Il fut nommé évêque par le pape Paul VI le 28 Avril 1969, des diocèse de Macerata et Tolentino ainsi qu'administrateur apostolique de Treia, Cingoli et Recanati (qui n'ont fusionné que plus tard), où il s'est employé à traduire l'esprit du Concile Vatican II, dans le concret de la vie diocésaine. À ce titre, il mena une audacieuse réforme agraire, cédant aux paysans les terrains du diocèse. En 2004, la municipalité de Macerata lui donna la citoyenneté d'honneur: «Quand je suis arrivé à Macerata, avait-il dit lors de la cérémonie, j'ai retrouvé l'ambiance familiale de ma paroisse en Emilie, ici j'ai trouvé une 'Humanitas', un sens profond de l'homme, que le Nord industrialisé avait perdu».

Le 17 Décembre 1975, il prit possession de l'archidiocèse de Ravenne et du diocèse et de Cervia (qui devaient fusionner plus tard, le 30 Septembre 1986). En un geste qui impressionna profondément ses nouveaux concitoyens, il laissa son appartement dans le splendide palais de l'archevêque à un centre de traitement pour toxicomanes, et se retira à l'Institut Sainte Thérèse, où il a vécu jusqu'à sa mort à côté des malades les plus gravement atteints.

En 1987, il intervint sur la question du «Dimanche, jour de fête» aboli par un contrat de travail dans le secteur textile, en soulignant que des initiatives similaires minent la dignité même du travail; en 1988, il anima la campagne nationale de collecte de fonds pour l'achat de vaches pour les indiens Yanomami du diocèse brésilien de Roraima. L'initiative, «Uma vaca para o Indio», visait à empêcher l'expropriation des terres indigènes.
La loi brésilienne prévoit en effet qu'on ne peut pas enlever aux indiens les terres où pâturent des troupeaux.
Jean-Paul II, informé par l'archevêque Tonini lui-même, au cours du Synode, à l'automne 1987 fut le premier à contribuer généreusement à cette initiative.
Dans les années de son épiscopat, Mgr Tonini donna une forte impulsion à la Caritas diocésaine, l'invitant à suivre de plus près les besoins émergents dans la région de Ravenne; il inspira la création d'un service de bénévoles, l'AVULSS, pour aider les groupes les plus marginalisés (personnes âgées, handicapés, prisonniers), de la Mensa della Fraternità ("soupe populaire"), du Tribunal des droits des malades, etc..

Souvent, il retournait à Macerata et Tolentino et lors de nombreuses rencontres il nous parlait des "nouveautés" scientifiques sur la vie et la mort:
«J'ai appris à ne pas avoir peur de la mort surtout quand j'étais curé de paroisse, à Salsomaggiore. A peine arrivé, une nuit, on m'envoie chercher, "il y en a un qui est en train de mourir et qui veut un prêtre". Je me souviens encore de son métier: il était chauffeur de taxi. Il me dit: Reverend aidez-moi, je veux me présenter devant Dieu avec l'âme libre. Dans sa simplicité, il voulait offrir sa propre mort comme un acte de restitution de la vie reçue comme un don de Dieu. Il allait à la rencontre de la mort avec sérénité impensable. Je me suis dit, il y a toujours des gens qui nous dépasse, à l'infini, dans la foi ...
Être curé de paroisse, être au milieu des gens, a été pour moi une grande leçon. Le sentiment d'émerveillement s'est réveillé en moi. Et je suis convaincu que l'homme est une merveille: on comprend vraiment pourquoi la Bible l'a appelé le chef-d'œuvre de Dieu ... Même chez les personnes que je croyais les plus banales, à la fin, j'ai découvert des ressources inimaginables, un dépôt secret. L'homme est une créature qui ne peut pas se dissoudre dans le néant ... J'ai appris dès l'enfance l'émerveillement de vivre. Je n'ai jamais pris pour acquis le fait d'être au monde, jamais. Pour moi, chaque matin, en me réveillant, c'est comme une nouvelle naissance.
Je considère le temps comme une série infinie de moments à savourer, l'un après l'autre, avec plaisir, jusqu'à la fin ... Tout ce que la raison dit être juste et honnête dans le respect de la personne humaine est normal, et sacro-saint. Toutes les vérités de la foi ne pourront jamais contredire la vérité de la raison et vice versa... Le problème est en fait ce que l'on entend par l'homme, la dignité de la personne: heureusement que nous avons dans les constitutions européennes, et en particulier dans notre Constitution, déjà claire et précise la notion de personne et de dignité de la personne qui est le résultat de la pénétration des message chrétien dans les consciences».

Et il nous parlait de l'Église: «Les moments les plus tragiques de l'Église sont les moments de la jeunesse de l'Eglise. Saint Augustin est presque obsédé par la destruction de Rome. Tout d'abord parce que c'est Rome, et, deuxièmement, parce que les païens dans cette destruction, donnaient la faute aux chrétiens. Au début de la Cité de Dieu, il dit: "Mais croyez-vous que de cela, l'Eglise, l'Evangile ne tireront pas une impulsion pour aller vers l'avant? ". Ici, en ce moment, alors que nous sommes confus et désorientés et qu'il nous semble que le monde se dirige vers la destruction totale, je suis profondément convaincu que de cette tragédie ... ce qui va sortir? Eh bien, le temps des conflits et des divisions va s'achever, et le temps de l'identification commencer... Le grand défi, en regardant l'avenir est ici: si nous réussirons à rester ensemble ou pas!
L'histoire, contrairement à ce que disaient les Grecs, n'est pas circulaire, mais c'est une flèche qui va vers l'avenir. L'Eglise est pour l'avenir, l'Evangile est tout entier dans l'avenir. Maintenant, je dis: l'Église est mère en ce sens, la tâche de l'Eglise, de plus en plus, surtout après le Concile, c'est d'être responsable pour les actions à venir. Inconsciemment, l'Église possède le titre de 'catholique': tous ensemble ».

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