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Le Pape François aux prises avec l'ultime tabou...

Une femme cardinal(e?). Ou Lucetta Scaraffia, cheval de Troie du féminisme dans le journal du Pape (24/9/2013)

>>> Sur ce sujet, voir aussi:
¤ Des évêquesses anglicanes au Pays de Galles
¤ Après les évêquesse, les cardinalesses!

     

Lorsque l'OR a changé de direction, en septembre 2008, et que les rênes sont passées aux mains de Gian Maria Vian (cf. benoit-et-moi.fr/2008-I) , changement salué par l’ensemble des médias - ce qui ne laisse pas d’inquiéter - Lucetta Scareffia a été recrutée par le "journal du Pape" comme caution féministe. Elle était en tout cas un signe d’ouverture.
Le 30 mai 2012, sous sa responsabilité l’OR inaugurait même un supplément féminin, « Insertio », suscitant dans la presse un titre aussi enthousiaste que « Une révolution féminine au Vatican (benoit-et-moi.fr/2012(III)).

Je lui ai souvent donné la parole dans ces pages, peut-être avec ingénuité, mais surtout parce que j’appréciais ce qu’elle écrivait, qui me paraissait relever d’une vision « féminine » raisonnable, que je partage, plus que « féministe », que je repousse vigoureusement, parce que je ne pense pas être en guerre contre les hommes.

Comme je suis une femme (donc!), je ne pense pas encourir les foudres de la police de la pensée en disant qu’elle essaie cette fois de faire passer des idées revendicatrices nettement imprégnées de féminisme politique radical à travers le rappel inoffensif et parfaitement légitime de « doctoresses de l’Eglise » (un sujet qui lui tient à cœur, cf. ici), et de simples arguments de bon sens (que n'importe quelle femme ne peut que partager) sur le rôle des femmes dans la société et dans l’Eglise.
Quand on sait qui, au sein, ou aux marges de l’Eglise, défend ces mêmes idées, on ne peut que ressentir un peu d’inquiétude.

     

Une femme cardinal(e?): le Pape François aux prises avec l'ultime tabou.
http://www.ilmessaggero.it/
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Nommer une femme cardinale: l'hypothèse-proposition de El Pais (ndt: le journal espagnol prétendument de centre-gauche) n'est pas du tout nouvelle.
Plusieurs voix se sont levées durant ces années pour indiquer cette "voie-maîtresse" pour donner de l'autorité (autorità), et donc pour augmenter le caractère autorisé (autororevolezza) des femmes dans l'Eglise.
La nomination aurait en effet l'avantage d'être possible, sans impliquer le problème épineux de l'ordination sacerdotale féminine (ndt: cela s'appelle passer par la bande: je ne vois pas comment, après avoir nommé des femmes "cardinales", on pourrait leur refuser l'accès à la prêtrise).
Cela constituerait un changement fort, significatif, de ceux que nous nous sommes désormais habitués à attendre du Pape François. Et il ne surprendrait pas beaucoup, au fond, après avoir entendu les propos "engageants" (qui engagent) que le Pape a récemment prononcés sur le rôle des femmes dans l'Eglise.

Certes, ce serait une révolution si forte qu'elle secouerait la position de méfiance et de désintérêt qu'une grande partie du clergé assume envers les femmes, religieuses et laïques, parce qu'il est désormais clair que les exhortations à tenir compte de manière différente de la présence féminine - avancée tant par JP II que par Benoît XVI - n'ont donné que des fruits modestes.

Le Pape François a parlé sans moyens termes de femmes en positions importantes, mais il n'est pas facile de réaliser cette réforme de manière décisive.
Certes, pour tout le monde (???) - c'est-à-dire le monde extérieur à la hiérarchie ecclésiastique - il semble très étrange, et même une faute, qu'il n'y ait pas de femmes en position de direction au sein des organismes décisionnels, comme les Conseils Pontificaux qui traitent des thèmes qui les concernent au premier chef: il n'y a pas de femmes, en effet, dans l'institution qui règlent les problèmes des religieux - même si les femmes constituent les deux tiers des religieux -; dans le Conseil pontifical pour les laïcs, qui évidemment sont pour moitié des femmes; dans le Conseil Pontifical de la Famille, où leur présence devrait être évidente. Mais aussi dans l'institut qui règle l'assistance sanitaire, en grande partie gérée - et bien - par des Congrégations féminines. Et nous ne devons pas oublier que les femmes devraient participer aux décisions de type culturel, ou à celles qui regardent les communications. Dans ces milieux, à l'extérieur de l'Eglise, mais aussi à l'intérieur, les femmes occupent désormais des places importantes, donnant la preuve de leurs grandes capacités.

Et encore: pourquoi, dans les congrégations qui précèdent le Conclave, les cardinaux-électeurs n'ont-ils pas eu moyen d'écouter la moindre femme, religieuse ou laïque? Aujourd'hui, les femmes se refusent à être représentées par des hommes, quelle que soit l'occasion, et exigent à juste titre d'être écoutées. Ce qui manque à l'Eglise, c'est justement cela: la disponibilité à écouter les femmes, considérées seulement comme exécutrices dociles des directives des autres, ou aptes à fournir des services domestiques.

Oubliant que l'Eglise doit vraiment tellement aux femmes, qui en ont fait - et en font encore - partie.
Que serait la mystique sans Thérèse d'Avila? Et qui a proposé la dévotion dans l'absolu la plus répandue dans le monde, celle au Sacré Cœur de Jésus, sinon une moniale française, Marguerite Marie Alacoque (cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/les-doctoresses-de-leglise)?
Et combien l'Eglise doit-elle à toutes les fondatrices de congrégations de vie active du XIXe siècle, qui ont créé un réseau d'écoles, d'hôpitaux, d'orphelinats, garantissant à l'Eglise - au moment de la plus grande tension anticléricale - une image positive et utile à la société, lui assurant la fidélité de nombreux croyants?

Aujourd'hui encore, les religieuses sont au cœur de toutes les situations difficiles et douloureuses, et savent intervenir avec courage et bon sens, sans demander ni espérer la moindre reconnaissance.
Et que dire des religieuses cloîtrées, qui soutiennent la foi de nous tous, et la pureté de l'Eglise, avec leur prière incessante?
Et de toutes les catéchistes, qui assistent les prêtres de plus en plus débordés de travail, et souvent déprimés?

Cela semble vraiment incroyable que les hiérarchies ecclésiastiques pensent que ces femmes n'ont rien à dire, rien d'intéressant à suggérer. Autrement dit, qu'elles ne sont pas des interlocuteurs indispensables pour créer un avenir vital à l'Eglise.

Mais le Pape François, qui veut surtout "réchauffer les cœurs" sait que les femmes, en faisant cela, sont maîtresses, et qu'un avenir différent, plus vivant, ne peut être réalisé sans leur contribution active.