Accueil

Don Camillo et don Chichi

Le dernier roman de Guareschi met aux prises le vieux curé de campagne, attaché à la tradition, et à la célébration de la messe selon l'ancien rite, et un jeune prêtre "moderniste" tout acquis aux idées de Vatican II (5/4/2014)

Le dernier roman de Giovannino Guareschi (1908-1968), Don Camillo e i giovani d'oggi ("Don Camillo et les jeunes d'aujourd'hui") a été publié après sa mort, en 1969. Il a été adapté à l'écran sous le titre Don Camillo et les Contestataires, sorti en 1972. Le tournage, commencé en 1970, avait été interrompu par la mort de l'inoubliable Fernandel (1).

J'ai consacré l'été dernier quelques articles de mon site au "Petit monde de Camillo", que j'étais en train de lire, réalisant que le livre était bien plus qu'une sorte de version italienne de Clochemerle, mais un ouvrage très profond, avec une dimension théologique et philosophique (2).

Depuis, une série de hasards m'a fait "croiser" le livre à plusieurs reprises, le moindre n'étant pas la découverte qu'Alessandro Gnocchi est considéré comme le plus grand spécialiste de Guareschi (3).
Un autre (presque) hasard, celui d'une recherche, me fait tomber, sur ce texte de la Strega Cacciatrice (4) écrit en mai 2013, donc, c'est important de le souligner, après l'élection de François, alors que les héritiers des "modernistes" du Concile commençaient à relever la tête.
Je me suis hâtée de commander le livre, et par chance, il restait encore sur le site où je l'ai acheté un bel exemplaire d'occasion de la version en français parue en 1971 aux éditions du Seuil, sous le titre "Don Camillo et les contestataires".
Je l'ai lu d'une traite, et j'ai l'intention d'en scanner quelques passages, pour en faire profiter mes lecteurs.
En attendant, et pour les mettre en bouche, voici la présentation savoureuse de La Strega.

* * *

(1) fr.wikipedia.org/wiki/Don_Camillo_et_les_Contestataires
(2) benoit-et-moi.fr/2013-II/livres-dvd/don-camillo-outil-devangelisation
(3) Alessandro Gnocchi et le Pape François
(4) Voir sa présentation ici: L'anniversaire du 28 février. Conclusion

     
Don Camillo (et Guareschi), prêtre pré-conciliaire aux prises avec le prêtre post-conciliaire

20 mai 2013
http://www.papalepapale.com/strega/?p=1317
-----

Savez-vous quel est l'écrivain italien [contemporain] le plus lu et traduit dans le monde? [Italo] Calvino? Moravia? Pas du tout. C'est Giovanni Guareschi - avec Oriana Fallacci - le «père» de Don Camillo. Bien sûr, dans les écoles publiques, et dans les écoles catholiques gérées par les progressistes, Guareschi ne rentre pas dans le programme scolaire. Trop «catholiquement correct» (ndt: et surtout pas «religieusement correct»!) pour être lu dans les écoles? Certainement oui. La sorcière (la Strega, i.e. l'auteur du blog) ne fait pas mystère d'avoir lu tous les livres de Guareschi consacrés à Don Camillo, d'avoir vu tous les films et de collectionner toutes les bandes dessinées qui sortent régulièrement depuis l'année dernière.

Quelqu'un m'a dit une fois que les auteurs savent voir loin, parfois ils parviennent à prédire l'avenir.
Guareschi est mort en 1968 - la légendaire 68, l'année que je considère comme la plus désastreuse de l'histoire de l'humanité - trois ans après la clôture de Vatican II. Avant de mourir, il se consacra à l'écriture du quatrième livre de la série, qui fut publié l'année suivante, en 1969, où Guareschi les années immédiates du post-concile et raconte avec une surprenante lucidité quel type de prêtres allaient sortir des séminaires qui appliquaient ce que Benoît XVI a appelé l'«herméneutique de la rupture».

Le livre fut intitulé "Don Camillo e i giovani d’oggi" et a été réédité en 1996 avec un titre plus approprié "Don Camillo et don Chichi". Dans ce livre, en fait, l'antagoniste de don Camillo n'est pas Peppone, mais son vicaire, le jeune don Francesco (!!), surnommé par les paroissiens don Chichi.

L'évêque charge donc Chichi de «mettre à jour» (aggiornare: on se souvient du fameux "aggiornamento" qu'était censé avoir opéré Vatican II) don Camillo sur les changements liturgiques. Le jour où le jeune prêtre arrive à Brescello, le vieux curé le prend pour un vendeur d'encyclopédies, parce qu'il se présente en civil et ne porte pas de soutane. Pour don Camillo, fier et orgueilleux de son «uniforme», c'est inconcevable. Il lui impose donc de porter l'habit, mais don Chichi - et voilà la désobéissance - y porte «remède» en endossant le clergyman.

Don Chichi, cependant, ne veut pas une mauvaise relation avec son curé et lui dit qu'il ne vient pas pour «lui apprendre le métier», mais simplement pour lui faire remarquer que le Moyen Age est fini qu'il y a eu un Concile. Pour don Camillo, au contraire, ce qui importe - tout en respectant tous les événements de l'Église, et obéissant à l'Eglise sans conditions - c'est qu'il y a eu, qu'il y a et qu'il y aura la Rédemption du Christ.

Déjà à partir de cela émerge l'énorme distance entre don Camillo et don Chichi. Le premier entièrement consacré à Dieu et aux âmes, le second obsédé par le changement, la nouveauté, vouloir à tout prix apparaître comme un «prêtre nouveau». Mais entre les deux, le vrai anticonformiste, c'est don Camillo: les modes ne l'intéressent pas.

Don Chichi se soucie de plaire à tout le monde, la plus grande préoccupation de don Camillo, c'est que le Seigneur ne cesse d'avoir de la miséricorde envers lui. Don Chichi dialogue avec le monde, don Camillo plaisante et rit avec Jésus, don Chichi insiste sur les droits de l'homme, don Camillo insiste sur le fait que Dieu ne nous doit rien et que nous n'avons que des devoirs envers lui. Don Chichi voudrait un monde meilleur, don Camillo voudrait que dans ce monde nous gagnions paradis.

On a envie de rire au moment de l'adaptation liturgique. Don Chichi se félicite du nouvel «autel»: une simple table. «Don Camillo, ne vous fait-il pas penser - demande le petit prêtre - à l'Eglise du premier millénaire?». Vous savez, les «réformateurs» sont obsédés par les mille premières années de l'histoire de l'Église. Ils qualifient d'«arriérés» ceux qui veulent utiliser le Missel de 1962, mais eux, au contraire, revenant de mille ans en arrière, ils pensent qu'ils sont à l'avant-garde. Contradiction typique dans les termes et dans les faits des neomodernistes. En effet, à don Camillo, la table ne fait pas penser au millénaire des premiers martyrs, mais à une «cafétéria».

Lorsque Don Chichi veut supprimer la balustrade, Don Camillo lui fait remarquer que ce n'est pas le mur de Berlin, mais un grand signe de respect, mais le petit prêtre post-conciliaire ne veut rien entendre: Dieu n'a que faire de notre respect, il veut notre amour. Vous ne respectez pas ceux que vous aimez?

On comprend que don Camillo et don Chichi ont deux conceptions différentes de ce qu'est la liturgie catholique: pour le premier, c'est l'adoration, un pont entre le ciel et la terre, pour le second animation d'une communauté religieuse.

Les bonnes intentions - ne sont-elles pas celles qui pavent la route de l'enfer? - de don Chichi ne reçoivent pas les résultats escomptés: non seulement les éloignés ne se rapprochent pas, mais même les proches s'éloignent. Il est vrai que don Chichi éveille la curiosité et la sympathie chez les jeunes, mais rien de plus. Personne n'est intéressé par le Christ et l'Eglise. Le «prêtre nouveau du post-concile», en effet, est juste la nouveauté du moment, qui va bientôt perdre tout intérêt et sera remplacé par d'autres nouveautés. Quand quelqu'un veut se réconcilier avec Dieu, jeune ou vieux, il ne va pas chez don Chichi, mais court vers son Camillo, lequel reste affecctionné au «vieil outil» de la confession.

Don Chichi malgré l'évidence de l'échec de la «rupture avec le passé proche pour revenir au passé lointain», ne veut toujours pas voir - peut-être au séminaire a-t-il plus respiré de fumée de Satan que l'encens - et soutient que la barque de l'Église coule, et il a pris la décision solennelle de la sauver. Don Camillo, au contraire, sait bien que ce sera l'Eglise - cette «petite barque» qui effectivement prend l'eau, qui peut-être dans l'avenir en perdra encore plus, mais qui continue et continuera à rester à flot - qui nous sauvera. Pour Don Camillo, l'Église n'est pas né en 1962, mais elle n'est pas non plus morte en 1965.

Le prêtre est dans le monde mais pas du monde, parce qu'il est au Christ. Sa mission est de sanctifier le peuple, mais en donnant au peuple le Christ, et non le monde.

Et vous, chers prêtres qui avez lu ce «cacciagione» (jeu de mot autour du titre du blog, La strega cacciatrice), êtes-vous don Camillo ou don Chichi? La sorcière vous confie à l'intercession de saint Jean-Marie Vianney, le Curé d'Ars, votre saint patron, et à celle de la Vierge Marie, votre Mère.