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François tel que je le perçois (II)

Suite et fin de cette lettre de Jeannine, où elle formule ses réserves sur le cours du pontificat (12/8/2014)

>>> François tel que je le perçois (I)

     

ŒCUMÉNISME
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Lorsque Bartholomée I dit que la papauté ne fait plus peur, je revois les très belles cérémonies avec Benoît XVI et je n'ai pas l'impression que ce patriarche était tremblant, tétanisé, il doit être un comédien hors pair. Le vent a tourné et lui, comme les autres, prêche pour son parti , cela justifie bien des paroles et des "amitiés solides".

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Merci pour votre article " L'œcuménisme selon François".
J'avoue être une non-initiée et bien incapable de dire si les deux articles du Père Longenecker sont fragmentaires ou pas.
Je découvre l'œcuménisme façon François, le champ s'étend de plus en plus, si bien que j'ai l'impression de me mouvoir dans un concept flottant.
On fait ami-ami avec un nombre de plus en plus grand de personnes qui attirent fortement François; reste à savoir si ces mêmes groupes, sollicités avec insistance par le pape, se sentent grandement concernés par ses paroles. Il y a les idées échangées, les photos très souriantes, mais suis-je la seule à me poser la question de la sincérité des deux côtés derrière tout cela?
D'ailleurs le pasteur Traettino interrogé par Radio Vatican le 30 juillet m'a paru bien plus modéré que l'ampleur de ses gestes d'affection envers le pape. Il est vrai que les paroles qu'il allait prononcer s'adressaient à tous les pentecôtistes; prudence donc !
François veut tout résoudre, c'est son problème. Les pentecôtistes qui lui arrachent des grands pans de catholiques ne sont peut-être pas prêts à perdre leurs avantages pour lui faire plaisir. La photo du repas très animé, en toute liberté, avec visage souriant du pape s'esclaffant et manquant totalement de tenue, pour moi, me paraît incongrue.
Dans la Croix édition abonnés du 7 août que je viens de regarder, j'apprends que le karaoké est une nouvelle méthode envisagée par des pasteurs évangéliques pour attirer de nouveaux fidèles asiatiques. Cela m'a permis d'accéder à un article du 29 janvier 2012 :" les pasteurs évangéliques s'intègrent dans le paysage français “. A mon humble avis la route sera longue et très difficile pour arriver à cet œcuménisme tant souhaité et qui répond à un commandement (la Croix 29/7/2014)

L'AFFRONT À GOTTI-TEDESCHI
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Ne pas  s'être manifesté auprès de Ettore Gotti-Tedeschi alors que celui-ci est blanchi de toutes les mauvaises actions dont il était censé être l'instigateur, que le psychiatre est révoqué, ne pas répondre aux lettres ni aux demandes de rencontres formulées par celui qui a été diffamé, déshonoré correspond peut-être à une conception très spéciale de la fonction papale par François mais, pour ma part, je trouve choquant de devoir attendre le bon-vouloir d'un pape très loquace et pas avare de rencontres pour entendre les paroles que l'on est en droit d'espérer. Je cherche dans cela la trace de son humilité et de son extrême générosité, je n'y trouve qu'une manifestation de son caractère autoritaire mais il est vrai que je suis loin de posséder la finesse d'esprit et l'empathie nécessaire pour comprendre la démarche intellectuelle et spirituelle de cet homme "furbo" ainsi qu'il le dit de lui-même (cf. La "damnatio" vaticane de Gotti-Tedeschi )

REPENTANCES TOUS AZIMUTS
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La repentance  paraît aussi lui agréer  mais je croyais qu'elle ne s'appliquait que pour les graves erreurs, les grands manquements de l'Eglise.
J'ai été plus que surprise qu'il la réserve à ses "amis" pentecôtistes.
Les difficultés qui lui tiennent tant à cœur ont été infligées à "ses" frères pentecôtistes par un gouvernement et non par l'Eglise. C'est grâce à François que ce problème est apparu dans la lumière après de très nombreuses années d'anonymat (Cf. Repentance et aussi Retour sur la repentance du Pape à Caserte).
Si pour le cas du prêtre suspendu a divinis (cf. Le Pape réhabilite un prêtre marxiste), le temps a fait son œuvre et permis de relativiser au point de l'effacer (la raison de la décision fort ancienne datant de 29 ans) , je ne pense pas que ce geste soit gratuit.
Autant les faits anciens attirent sa bienveillante attention autant les silences du pape sur des faits récents m'interpellent (Sandro Magister, Les étranges silences d’un pape si loquace).
Avec lui pas de ligne de gouvernement visible ; il décide quand il veut et comme il veut;  il n'est contre rien, ne juge personne et si l'on trouve le chemin de son cœur toute faute est effacée. Je ne parle pas du choix de ses collaborateurs qui, pour certains, sont tout bonnement surprenants, incompréhensibles dans le cadre du catholicisme que je connais.

LE PAPE NON-EUROPÉEN... ET SES PREDECESSEURS
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François parle de l'Europe, oui, en lui attribuant des défauts : vieille Europe usée, fatiguée, on a l'habitude, mais pourquoi les autres papes parlaient-ils des racines chrétiennes de ce vieux continent , pourquoi pas lui, avaient-ils tort? Décidément être catholique en Europe n'est pas la panacée.
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Avant François les papes faisaient leur travail et donnaient de l'Eglise une image fidèle de ce qu'elle devait représenter pour moi. Je suis classique dans tous les domaines.
Paul VI qui va être béatifié avait eu le courage de prendre une position très tranchée sur l'utilisation des contraceptifs et autres, ne laissant pas ceux qui travaillaient avec lui s'engager à sa place pour les décisions graves qui mettaient en jeu l'infaillibilité pontificale. Il ne s'est pas fait que des amis.
De Jean-Paul II, j'ai retenu les incessants voyages à travers le monde pour faire connaître le Christ, sa lutte très politique pour renverser le communisme, son magistère très axé sur la famille, la théologie du corps est un must, impossible d'ignorer sa fin douloureuse, avec une totale acceptation.
Cet homme déclaré irremplaçable tant son contact avec les foules était chaleureux, charnel, se voit relégué à la seconde place par les chiffres de fréquentation imbattables lors des apparitions papales et par certains jeunes qui préfèrent François, plus "proche" d'eux selon leurs dires. Fort heureusement les JMJ de 2016 feront revenir leur fondateur, pour un temps, sur le devant de la scène.

Benoît XVI est arrivé, pas totalement inconnu car le cardinal Ratzinger avait déjà une réputation (mal) établie par les médias et autres, grandement erronée et soigneusement entretenue dans ce sens car aucun rectificatif n'était apporté. Le "panzerkardinal" était celui qui disait "non" et les obstinés ne voyaient que cela, guidés par les opposants farouches qui lui "taillaient un costume" sans aucun rapport avec le personnage. Cette opposition systématique, féroce, instantanée a sollicité mon attention et m'a poussée à le suivre, à le connaître et a fait que ce pape est devenu mon Pape.
Ce qu'il m'apportait et m'apporte toujours grâce aux richesses qu'il nous laisse malgré son effacement m'a persuadée que l'affectueux intérêt que je lui vouais et que je lui voue encore, était valable, raisonnable, pas un éblouissement, ce qui n'aurait pas été du tout conforme à ma personnalité.
La célébration des obsèques de Jean-Paul II, l'homélie prononcée, l'effacement de ce cardinal qui a mené de main de maître cette période floue entre deux pontificats, son humilité véritable, sa rectitude, sa parfaite connaissance de la "boutique" m'ont confirmé que mon choix était le bon: pragmatique je suis, pragmatique je reste.
De lui tout, pourtant, tout était répréhensible.
On célèbre ce mois-ci le 7è anniversaire du Motu proprio Sommorum Pontificum signé par Benoît XVI le 7 juillet 2007.
Une bombe dans l'Eglise, que d'encre a coulé à cause de cette initiative papale. Tenter de "recoudre la tunique déchirée du Christ" ne m'avait pas paru absurde, rien d'anormal à cette décision papale. Il était certain qu'il y aurait des mécontents mais mon immense naïveté ne m'avait pas permis d'envisager un tel soulèvement; on était quand même entre catholiques.
Avec François tout passe ou paraît passer. Impossible de savoir vers quoi il se dirige. Ses silences ne veulent rien dire puisque, paraît-il, il fonctionne ainsi. Il s'entoure de personnalités inattendues, surprenantes étant leur donné leurs profils, de quoi semer le doute mais il reste sur ses positions, que ce soit dans le choix de ses aides ou sur la mesure très autoritaire concernant les frères de l'Immaculée. A l'achèvement des réformes il sera loisible de vérifier si Scalfari avait raison ou non dans la phrase que j'ai retenue: «Si l'Eglise devient telle que lui la pense et la veut, une époque sera révolue». Est-il capable d'admettre que l'erreur est humaine? En lisant cette fin de paragraphe on pourrait penser que je suis traditionaliste, erreur profonde : je suis logique.

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Les "obsessions" (ce n'est pas de moi) de François : pauvreté, famille, maffia, économie, baisse de la natalité.
N'importe quel chef d'état, selon le pays qu'il dirige, devrait avoir les mêmes préoccupations pour tenter d'assurer un avenir à ses administrés. Parmi tous les je... je... de François, certains ne concernent que l'Eglise et, en toute humilité, il a décidé de s'attribuer la paternité des actions à mener en leur faveur. J'ai déjà parlé de la miséricorde que je relie plus spécialement mais pas uniquement à Saint Jean-Paul II .
L'œcuménisme n'est pas une nouveauté mais il faut reconnaître qu'avec lui les manœuvres prennent un caractère particulier.
L'affadissement et la disparition de la foi : très grande cause à prendre à bras le corps; est-ce en redimensionnant la papauté que le contexte va changer? Si oui, cela prouve que depuis quelques pontificats les papes et le clergé ont eu tout faux, c'est inquiétant.
J'en arrive à la pédophilie dans l'Eglise. Avoir omis de rappeler les actions entreprises avant lui pour mettre au grand jour et laver "les souillures dans l'Eglise ...les vêtements et le visage si sales de « ton » Eglise", cela a le don de me déplaire. Quel que soit le nom du (des) prédécesseur(s) apprécié(s) ou pas, il me paraît équitable, honnête, de rendre à César ce qui lui appartient. Il est bien évident que je ne parle pas de peccadilles mais pour un problème aussi grave et d'une telle envergure il est impératif, de citer, en suivant l'ordre chronologique, toutes les mesures mises en place afin de lutter contre ce fléau.
Je ne suis pas le pape ou un grand de ce monde et n'ai rien d'autre à protéger que ma bonne conscience, mais j'aurais eu le courage de dire que je poursuivais la ligne de conduite adoptée par mon(mes) prédécesseur(s) et mettais tout en œuvre pour renforcer les mesures déjà prises : moins flatteur mais conforme à la réalité.

LE SILENCE AUTOUR DE BENOIT XVI
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Ce silence m'interpelle....
Dans Zenit  du 18 juillet 2014 j'ai trouvé un article sur : « Le cardinal Bertone et la diplomatie pontificale »: un livre dudit cardinal et préfacé par le pape François.
Après différentes questions et réponses  j'ai relevé ceci de la part de l'auteur : Avec le Pape Benoît XVI continuent des rapports affectueux et amicaux. Il a eu la bonté de m'inviter à déjeuner lors de l'anniversaire de mon ordination le 1er juillet .
Je retrouve bien là Benoît XVI avec sa finesse, son exquise politesse, son attention aux autres.

Il y a eu aussi le bref communiqué de Mgr Gänswein pour la finale de la Coupe du Monde de Football 2014 mais je pensais que l'été serait le mois des visites et l'occasion d'avoir des nouvelles fraîches et peut-être quelques photos.  Je crois que les visites continuent mais que des consignes ont été données pour que rien ne soit communiqué. On retrouve ce que Benoît XVI annonçait le 28 février 2013. Cela me laisse perplexe d'autant plus que ce silence paraît coïncider avec une période où François se singularise, pour moi, par des rapprochements personnels pour le moins inattendus.

En conclusion....

Dans ce bilan je n'invente rien et donne les références sur lesquelles je me base. La radio ne fait pas partie de mes sources et la presse est très limitée pour moi.
Le regard - qui peut semblersans concession - que je porte n'est que le reflet de ma personnalité. J'ai le défaut de repérer avec grande facilité le détail qui échappe à ma logique et m'entraîne à chercher des explications pour les nombreux "pourquoi " que je me pose.
Je regrette de ne pas être touchée par sa façon d'être pape. Je le décortique comme on fait une vivisection; il fait partie de l'actualité du monde et je m'y intéresse. Où est l'affectueux intérêt porté à Benoît XVI, mon souci de ne rien rater de lui? Toute parole contre Benoît XVI me faisait mal et cela n'a pas changé, toute phrase bienveillante m'est agréable. Je ne suis pas attirée par les périphéries, par les extravagances, par les paroles enveloppantes; peut-être faut-il trouver dans cela mon incapacité à me sentir proche de son style et cela n'est imputable qu'à moi.

Je vous suis avec toujours autant de plaisir, vos propos sont mesurés (actualités) et peuvent être lus par des personnes très différentes, d'où leur avantage. Ils élargissent, par des explications, par des précisions très fouillées, le petit monde du Vatican. La colonne de droite (de la page d'accueil) <Benoît> présente toujours les mêmes qualités et montrent combien ce Pape avait une approche très en avance des "signes" des temps.
A bientôt.

Jeannine

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