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Imbroglio au Conclave 2013

Une biographie en anglais de François révèle le lobbying prétendument exercé par des cardinaux progressistes - Kasper, Danneels, Muphy O'Connor, Lehmann - alias la "Team Bergoglio"(1/12/2014)

Opération Bergoglio, les coulisses

L'auteur, Austen Ivereigh, ex-chargé de presse du cardinal Murphy O'Connor et grand admirateur du pape, est au centre de la photo ci-contre.
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Que l'Esprit Saint ait été légèrement aidé par des interventions humaines lors du conclave qui en mars 2013, a conduit à l'élection de Jorge Mario Bergoglio, voilà qui n'est pas vraiment nouveau.
Le 12 mars 2014, à un an de l'élection, Marco Tosatti sous le titre Opération Bergoglio, les coulisses écrivait en effet:
"Encore aujourd'hui, nous lisons dans les déclarations de certains cardinaux que l'élection de Jorge Mario Bergoglio était essentiellement une surprise.
Mais ce n'était peut-être pas le cas. Plusieurs sources nous racontent une histoire un peu différente; et comment l'Esprit a été assisté, dans ce cas aussi, par des mains humaines pour accomplir son travail".

Dans l'article, il était question du "rôle central joué par le cardinal brésilien Claudio Hummes", et aussi "de la collaboration active du Cardinal Maradiaga, de la sympathie immédiate des «progressistes» y compris européens comme Kasper, Danneels, Sistach, Carlos Amigo Vallejo, Polycarpe".

Et dans un billet du 26 avril, le même Marco Tosatti évoquait le "conclave bis des lombards", autour d'un repas organisé dans l'appartement d'un cardinal lombard non précisé, dont le but était de bloquer la possibilité de l'élection de Scola:
"Il apparaît qu'avec le recul, il y a pas mal de cardinaux qui sont de plus en plus convaincus qu'en réalité, le cardinal argentin est entré déjà pape dans la chapelle Sixtine. Et que le reste a été en grande partie du théâtre, comme - disent-ils - cela se passe dans ces cas".

Il semble aujourd'hui que les choses soient même allées un peu plus loin que "dans ces cas" Au point de devenir embarrassant.
Dans son dernier billet, Marco Tosatti évoque une affaire qui a rebondi la semaine dernière dans plusieurs influents blogs anglo-saxons, notamment celui de Damian Thompson.
Comme le dit le proverbe italien "Il diavolo fa le pentole ma non i coperchi"...

     

Le résumé de Marco Tosatti

L'AFFAIRE DE LA «TEAM BERGOGLIO»
Marco Tosatti
san-pietro-e-dintorni
12/01/2014
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Certains sites web du monde anglo-saxon ont lancé ces derniers jours une «affaire» sur la biographie de François écrite par Austen Ivereigh, et sortie en Italie aux éditions Mondadori sous le titre “Tempo di misericordia. Vita di Jorge Mario Bergoglio”. Voici l'histoire de cette étrange affaire, centrée sur les semaines avant le Conclave 2013.
Le livre affirme qu'un certain nombre de cardinaux - que l'auteur appelle «Team Bergoglio» («l'équipe Bergoglio») immédiatement après la démission de Benoît XVI ont tissé une toile pour amener sur le trône de Pierre, l'archevêque de Buenos Aires.

L'affaire a été lancée par le "Daily Telegraph" et reprise ensuite par d'autres sites.

Préambule: dans le conclave de 2005, qui conduisit à l'élection de Benoît XVI, une partie des cardinaux vota pour Bergoglio, qui atteignit un nombre de voix suffisant pour être en mesure d'empêcher l'élection de Ratzinger. Et Bergoglio lui-même aurait demandé d'arrêter de voter pour lui.
Ivereigh écrit:

Les cardinaux qui avaient poussé Bergoglio en 2005 (Murphy O'Connor, Kasper et d'autres) «avaient appris la leçon de 2005 et cette fois, ils étaient bien organisés. Tout d'abord, ils se sont assurés du consentement de Bergoglio. Quand ils lui ont demandé s'il était disponible, il a répondu qu'il croyait que, dans une telle période de crise pour l'Eglise aucun cardinal auquel la question serait posée ne pouvait pas refuser. Murphy O'Connor l'avertit dans ce but d'«être prudent» (be careful), que cette fois c'était son tour, et l'autre répondit en italien: «Capisco» (Je comprends).

Austen Ivereigh n'est pas un Monsieur Personne, dans le monde catholique. Il a occupé des postes de responsabilité dans la revue catholique "Tablet" (progressiste), et a été le chargé de presse du cardibnal Murphy O'Connor; actuellement, il travaille avec Jack Valero pour "Catholic Voices", un organisme se donnant pour but de donner une information correcte sur l'Eglise catholique, en Grande-Bretagne, en Espagne et au Mexique. En somme, celui qui a écrit a une importance de poids.
Et ce qu'il a écrit pose un problème, allant à l'encontre des règles du Conclave, établies par [la Constitution apostolique de 1996, signée par Jean Paul II] «Universi Dominici Gregis», au n°81:

Les Cardinaux électeurs s'abstiennent de toute espèce de pactes, d'accords, de promesses ou d'autres engagements de quelque ordre que ce soit, qui pourraient les contraindre à donner ou à refuser leur vote à un ou à plusieurs candidats. Si ces choses se produisaient de fait, même sous serment, je décrète qu'un tel engagement est nul et non avenu, et que personne n'est obligé de le tenir ; et dès à présent, je frappe d'excommunication latæ sententiæ les transgresseurs de cette interdiction. Cependant, je n'entends pas interdire les échanges d'idées en vue de l'élection, durant la vacance du Siège.

Un bel imbroglio, qui selon certains pourraient créer un cas canonique sur la validité de l'élection de Bergoglio. Pas étonnant alors si quelques heures après l'article, Maggie Doherty, l'attachée de presse de Murphy O'Connor a écrit dans le Daily Telegraph, affirmant que le cardinal «veut qu'il soit clair qu'aucune approche de l'ex-cardinal Bergoglio n'a été faite, ni par lui, ni à sa connaissance par aucun autre cardinal, pour demander son consentement à devenir candidat à la papauté».

Austen Ivereigh, dont la biographie de François est certainement riche en données et informations, est tout autre que négative envers le Pontife (le titre anglais est «The great Reformer», le grand réformateur), a réagi avec un tweet.

“They secured his assent” (p. 355) shd have read “They believed he wd not oppose his election”. Will amend in future eds. #TheGreatReformer.

Autrement dit:

«Il se sont assurés de son assentiment» (p.355) aurait dû être lu «Ils croyaient qu'il ne s'opposerait pas à son élection». Sera corrigé dans les prochaines éditions #TheGreatReformer.

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Austen Ivereigh semble implicitement confirmer que la "Team Bergoglio" a existé et a travaillé.
Par ailleurs, comme le notent les sites anglo-saxons, Ivereigh a des relations étroites avec Murphy O'Connor et les personnes qui travaillent avec le cardinal.

     

L'article de Damian Thompson

Il dit à peu près la même chose, avec quelques précisions supplémentaires:

QUELLE EST LA VÉRITÉ SUR LE CARDINAL MURPHY-O'CONNOR ET LA 'TEAM BERGOGLIO'?
Damian Thompson
The Spectator
(via bergoglionate.wordpress.com)
25 novembre 2014
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Il y a quelques jours John Bingham, l'excellent chroniqueur des affaires religieuses du Telegraph, a révélé une histoire qui ne filtre que maintenant. J'espère qu'il me pardonnera de me demander s'il a réalisé l'importance de cette histoire.
Bingham écrit (ici):

Une nouvelle biographie affirme que le Cardinal Cormac Murphy-O'Connor, l'ancien chef de l'Eglise catholique romaine en Angleterre et au Pays de Galles, a aidé à orchestrer en coulisses une campagne de lobbying, qui a conduit à l'élection de François ...
[Le livre] qui sera publié le mois prochain, révèle qu'il y avait eu une campagne discrète, mais très organisée, menée par un petit groupe de cardinaux européens, à l'appui du cardinal Bergoglio.
«The great Reformer» écrit par l'écrivain catholique britannique Austen Ivereigh, surnomme le groupe «Team Bergoglio» et affirme que les membres ont organisé des dîners privés et autres rencontres de cardinaux dans les jours précédant le conclave, plaidant tranquillement leur cause.
«Dans l'attente de leur heure, l'initiative était à présent saisie par les réformateurs européens qui en 2005 avaient poussé Bergoglio, explique dans le livre Mr Ivereigh, qui a été attaché de presse du cardinal Murphy-O'Connor.
Il écrit que le cardinal Murphy-O'Connor, alors âgé de 80 ans et donc non-électeur au conclave, a fait équipe avec le cardinal allemand Walter Kasper, dont l'appel controversé pour les divorcés remariés à être autorisé à recevoir la communion a été l'un des principaux points de division au synode que François tenu à Rome cette année. Le rôle du cardinal Murphy O'Connor incluait le lobbying de ses homologues nord-américains, et d'agir comme un lien pour ceux des pays du Commonwealth.
«Ils avaient appris leurs leçons de 2005», explique Mr Ivereigh. «Ils se sont d'abord assurés de l'assentiment de Bergoglio. Interrogé pour savoir s'il était prêt, il a dit qu'il croyait qu'en ce moment de crise pour l'Eglise, aucun cardinal ne pourrait refuser si on lui demandait.
Murphy-O'Connor l'a sciemment mis en garde, lui disant de «faire attention», et que c'était son tour maintenant, et il lui fut répondu «capisco» - je comprends.

«Ensuite, ils se sont mis au travail, faisant la tournée des dîners entre cardinaux pour promouvoir leur homme, faisant valoir que son âge - 76 ans - ne devait plus être considéré comme un obstacle, étant donné que les papes peuvent démissionner. Ayant appris depuis 2005 la dynamique d'un conclave, ils savaient que les votes allaient à ceux qui s'imposent fortement».

Tous les élections papales sont accompagnés de lobbying: les amis de Ratzinger auraient discrètement sondé ses partisans avant le conclave de 2005 (?).
Mais un lobbying organisé du type de celui prétendu par Ivereigh est dangereux, car il est fortement déconseillé par les règles de l'Eglise. Le Dr Ivereigh, comme il aime à être appelé, est un ami du cardinal Cormac (Murphy O'Connor) et un très grand admirateur de François. Il collabore également à un outil qui s'auto-proclame important, Catholic Voices qui vise à combler le vide créé par l'inutile Catholic Media Office. De sorte que sa naïveté en racontant cette histoire - qui peut être ou ne pas être vrai - est tout à fait étonnante.

Le cardinal Murphy O'Connor a répondu par une lettre au Telegraph, écrite par son attachée de presse, Maggie Doherty.
Elle dit:

«Le cardinal Murphy O'Connor souhaite dissiper tout malentendu découlant du livre d'Austen Ivereigh sur François. Il aimerait qu'il soit clair que dans les jours avant le conclave, aucune approche de celui qui était alors le cardinal Bergoglio n'a été faite par lui ou, pour autant qu'il sache, par un autre cardinal pour lui demander son consentement pour devenir candidat à la papauté.
Ce qui s'est passé pendant le conclave, qui n'incluait pas le cardinal Murphy O'Connor, car il a plus de 80 ans, est couvert par le secret».

La lettre est brève, soigneusement formulée mais pourtant vague («dans les jours avant le conclave»).
Et elle a été saisie par certains des ennemis de François, qui prétendent que toute collusion entre cardinaux invaliderait son élection. Ce qui est tout simplement ridicule, à mon avis (???). Mais un blog, From Rome, est très remonté par l'histoire du Telegraph et cite la Constitution apostolique sévèrement libellée par le Pape Jean-Paul II en 1996:

Les Cardinaux électeurs s'abstiennent de toute espèce de pactes, d'accords, de promesses ou d'autres engagements de quelque ordre que ce soit, qui pourraient les contraindre à donner ou à refuser leur vote à un ou à plusieurs candidats. Si ces choses se produisaient de fait, même sous serment, je décrète qu'un tel engagement est nul et non avenu, et que personne n'est obligé de le tenir ; et dès à présent, je frappe d'excommunication latæ sententiæ les transgresseurs de cette interdiction. Cependant, je n'entends pas interdire les échanges d'idées en vue de l'élection, durant la vacance du Siège.
Pareillement, j'interdis aux Cardinaux d'établir des accords avant l'élection, ou bien de prendre, par une entente commune, des engagements qu'ils s'obligeraient à respecter dans le cas où l'un d'eux accéderait au Pontificat. Si de telles promesses se réalisaient en fait, même par un serment, je les déclare également nulles et non avenues.

Je ne dis pas que le cardinal Murphy O'Connor était en violation de cette constitution. Mais le compte-rendu d'Ivereigh appelle la mauvaise interprétation, dirons-nous.

En outre, son affirmation selon laquelle Murphy-O'Connor a "fait équipe" avec le cardinal Kasper pour sécuriser l'élection de François sera saisie par les catholiques conservateurs qui se demandent encore pourquoi une figure aussi clivante (diviseuse) que Kasper a été autorisée à définir l'ordre du jour pour le Synode sur la Famille mois dernier. Cet agenda - qui comprenait la communion pour les divorcés (l'obssession de Kasper) et la reconnaissance des relations homosexuelles - a outré les Africains conservateurs. Hier, dans ce qui semblait être un geste pour limiter les dégâts, le Pape a nommé le très conservateur cardinal Robert Sarah, de Guinée, au poste de Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin.
A présent, grâce à Ivereigh, il aura d'autres dégats à limiter

     

La mise au point du P. Lombardi (Il Sismografo)

Du site pro-Bergoglio "Il Sismografo", ce service minimum du porte-parole décidément très sollicité:

LE PÈRE LOMBARDI SUR DE PRÉSUMÉS COMPORTEMENTS DE CERTAINS CARDINAUX AU DERNIER CONCLAVE
http://ilsismografo.blogspot.fr/2014/12/vaticano-p.html
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À propos de ce qui circule sur le dernier conclave, nous avons interpelé le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de Presse du Saint-Siège. Voici la réponse du Père Lombardi:
«Dans un livre récemment publié à propos du Pape François, écrit par Austen Ivereigh et sorti en anglais sous le titre: “The Great Riformer. Francis and the Making of a Radical Pope”, et en italien: “Tempo di misericordia. Vita di Jorge Mario Bergoglio”, il est affirmé que, dans les jours avant le conclave quatre cardinaux - Murphy O'Connor, Kasper, Lehmann et Daneels - se sont «assurés le consentement» du cardinal Bergoglio (“They first secured Bergoglio’s assent”) à son éventuelle élection, et puis «se sont mis au travail (“then they got to work”) avec une campagne pour la promotion de son élection.
Je peux déclarer que les quatre cardinal mentionnés ci-dessus explicitement nient cette description des faits, en ce qui concerne tant la demande d'un consentement préalable de la part du cardinal Bergoglio, que la conduite d'une campagne pour son élection, et désirent que l'on sache qu'ils sont surpris et contrariés (!!!) par ce qui est publié ».