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Le "Cénacle" des amis de François (2)

Deuxième rencontre publique, racontée par Giuseppe Rusconi, sur <www.rossoporpora.org >. Et les "révélations" de l'Obs (12/12/2014)

>> Image ci-dessous: La Pape, lors du Synode (sur le site de l'Obs):

     

Le 11 novembre dernier, Borgo Pio, tout près du Vatican, un "Cénacle" des amis du pape François se réunissait autour d'un vaticaniste italien, Raffaele Luise, et de deux "poids lourds" du récent Synode, membres du premier cercle de François, les cardinaux Kasper et Coccopalmerio: Giuseppe Rusconi faisait le récit de cette rencontre très discrète sur son blog www.rossoporpora.org (voir ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2014-II..grandes-manoeuvres-en-vue-du-synode-2015).
Peu après, dans son éditorial sur la Bussola, Riccardo Cascioli apportait sur ce mystérieux cénacle des précisions inédites, et indispensables pour les non italiens (ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2014-II/..le-cenacle-des-amis-de-francois)

Hasard?
Hier, mon oeil a été attiré dans le Kiosque que je fréquente habituellement par une accroche géante pour le dernier numéro de "L'Obs" (ex-"Nouvel Observateur"... ou comment faire du neuf avec du vieux) avec, sur un fond violet très étudié, le profil d'un pape François songeur accompagné de ce titre en très gros caractère: Qui veut la peau de François? (voir ici).
Je l'ai acheté, par curiosité, et je n'en suis pas fière: en pages intérieures, le dossier de l'envoyée spéciale à Rome n'apporte aucune réponse que nous ne puissions deviner venant d'un tel support. On est dans la caricature absolue, d'un côté, les mauvais = les réacs, pour ne pas dire les fachos, (cardinal Burke en tête) affublés d'épithètes peu flatteuses, de l'autre les bons, tous de gauche, les soutiens de François. En somme, une confirmation de la situation inédite à laquelle nous sommes confrontés depuis 21 mois, complétement inversée par rapport à ce qui se passait avant: les médias, les dits cathos de gauche et le pape ensemble d'un côté, contre les catholiques et l'Eglise de l'autre.
Créditons la journaliste qui l'a écrit d'avoir fait un effort pour documenter son dossier, elle cite même Sandro Magister («la plume acerbe») et Marco Tosatti - mais aussi «l'éminent vaticaniste Marco Politi, auteur d'un remarquable essai 'François parmi les loups'» (ndr: à paraître prochainement en France!!).
Elle est au courant de la soi-disant 'retractatio' de Benoît XVI à propos de laquelle elle parle de «polémique» (pour ces gens-là, Benoît XVI est LA polémique par antonomase!).
Et, comme par hasard, de l'existence du fameux "Cénacle".

Elle écrit en effet:

Face aux « campagnes de délégitimation » s'est constituée il y a quelques mois la première initiative de soutien au pape argentin.
Une contre-offensive discrète, jusque-là souterraine, qui depuis le synode a décidé d'apparaître au grand jour. A quelques mètres du Vatican sur le Borgo Pio, dans l'arrière-boutique de la librairie Centro Russia Ecumenica, siège le Cénacle des amis de Frangois regroupant une trentaine (???) d'intellectuels et de théologiens. Les fondateurs en sont le père Sergio Mercanzin, le journaliste de la télévision italienne Rai Raffaele Luise qui préside l'association, mais aussi le cardinal Francesco Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les Textes législatifs.

Ce 10 décembre, elle devait tenir en fin d'après-midi une réunion introduite par Mgr Mario Toso, secrétaire du Conseil pontifical pour la Justice et la Paix, en présence du cardinal Walter Kasper, sur le thème de la rencontre du pape avec les mouvements populaires du monde. « Les Vatileaks, la pédophilie, les scandales financiers de l'IOR ont presque fait mourir l'Eglise, argumente Raffaele Luise. Grâce à ce pape, elle a changé de visage auprès de l'opinion publique. Maintenant, il faut l'aider à attaquer les réformes structurelles : nous sommes pour le Prin­temps de 1'Eglise! »

Le «Cenacolo » affirme avoir obtenu un mot d'encouragement du secrétaire d'Etat Pietro Parolin. Bergoglio apprécie-t-il réellement cette initiative? Il l'a dit lui-même: il doit être le pape « de ceux qui ont le pied sur 1'accélérateur et de ceux qui ont le pied sur le frein ».

C'est curieux: Benoît XVI régnant, il n'y a jamais eu d'«initiative de soutien au pape allemand».
Il est vrai qu'il ne comptait pas l'ex - 'Nouvel Obs' parmi ses amis!

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THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION: LE RETOUR?
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Mais voici, toujours par Giuseppe Rusconi, le compte-rendu de cette mystérieuse réunion du 10 décembre, où il n'y avait pas trente personnes, mais la moitié!
Les lecteurs se feront leur propre opinion, mais le doute vient que ces amis de François (qui disent bien sûr aussi des choses justes) confondent l'annonce de l'évangile et le militantisme politique: Dieu est le grand absent de leur discours. Serait-ce, au plus haut niveau de la hiérarchie de l'Eglise, le retour de la théologie de la libération?

     

"LES AMIS DE FRANÇOIS": BERGOGLIO, LE PAPE LE PLUS EUROPÉISTE
Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
11 décembre 2014

Résumé
Dans la deuxième rencontre du «Cénacle des amis du Pape François», l'archevêque Mario Toso illustre les moyens de revitaliser la démocratie selon le pape argentin, mettant en évidence ses discours pour les mouvements populaires et à Strasbourg - Cardinal Kasper: François est le pape le plus européiste - Présents également le cardinal Coccopalmerio, le Père Spadaro, directeur de la Civiltà cattolica, le professeur Raniero La Valle.
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Mercredi 10 Décembre, le Centre Russie œcuménique à Borgo Pio a accueilli la deuxième rencontre organisée par le «Cénacle des amis du Pape François» (la première dont nous avons amplement parlé, s'est tenue le 11 Novembre, sur le thème du Synode). Cette fois, le thème annoncé était celui relatif au discours de François aux mouvements populaires (1); en réalité, la soirée s'est plutôt concentrée sur la nécessité de revitaliser un système démocratique gravement dégradé au niveau européen et mondial. Une quinzaine de présents, parmi lesquels on notait - en plus du rapporteur Mgr Mario Toso, secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix - les cardinaux Kasper et Coccopalmerio, le directeur de la Civiltà cattolica, le Père Spadaro, et le professeur Raniero La Valle. Peu de participants, donc, qui ont néanmoins su offrir un certain nombre d'idées intéressantes et de réflexion sur un sujet vital pour le futur des peuples.

Dans l'introduction, le coordinateur du «Cénacle» Raffaele Luise s'est d'abord réjoui des nouveaux Lineamenta en vue du Synode 2015: ils montrent que «on ne revient pas en arrière» et que du reste «le questionnaire est extraordinaire avec 48 questions, qui plongent dans les grands problèmes» de la pastorale de la famille.
Venant au discours du pape le 28 Octobre aux participants à rencontre mondiale des mouvements populaires, Luise en a souligné l'«importance historique». Objectivement, on peut être d'accord avec lui que ce fut l'un des grands discours de son pontificat à ce jour (?), un texte bien structuré, solide dans les contenus, prophétique dans les accents.

MARIO TOSO: UN PAPE "RÉVOLUTIONNAIRE" POUR UNE DEMOCRATIE REVITALISÉE PAR LES MOUVEMENTS POPULAIRES
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L'un des promoteurs de cette réunion était le Conseil pontifical pour la justice et la paix: Luise a alors donné la parole à l'archevêque Mario Toso, qui est le secrétaire de cet organisme.
Pour le prélat salésien, le discours du 28 Octobre, «ne devrait pas être lu de façon isolée, comme un bloc erratique», mais dans le contexte d'une vaste réflexion sur la «réappropriation de la démocratie» (expression déjà du cardinal Bergoglio, repris dans un court essai du même Toso, publié récemment par la Libreria Editrice Vaticana).
Les mouvements populaires, «expérience de solidarité qui se développe à partir de la base» («Ils ont les pieds dans la boue et les mains dans la chair», ils ont l'odeur «des quartiers, de peuple, de lutte», a dit le pape) doivent être valorisés, expression qu'ils sont de l'urgence de revitaliser le système démocratique aujourd'hui malade.
Dans l'Aula Nervi, [le 28 octobre] - il y avait «des cartoneros, des ferrailleurs, des vendeurs ambulants, des tailleurs, des artisans, des pêcheurs, des paysans, des maçons, des mineurs, des membres de coopératives de toutes sortes et des personnes qui exercent les métiers les plus communs», toutes personnes «exclues des droits des travailleurs». Ils sont «un torrent d'énergie morale» qui doit trouver une forme de «canalisation» qui en exploite au mieux le potentiel de façon à aider à récupérer un système démocratique fondé sur les besoins de la personne humaine et non sur ceux de la spéculation financière.
Le Pape François, comme aussi dans le manifeste d'Evangelii gaudium , «va à contre-courant» de la culture dominante, c'est un «révolutionnaire» et ce qu'il dit - entièrement fondé sur la doctrine sociale de l'Eglise - devrait être appliqué par les dirigeants: si cela se produisait, il en résulterait «un changement radical de direction» dans leurs politiques.

Pour Mario Toso, aujourd'hui, nous vivons dans une «démocratie de basse intensité», caractérisé par des taux élevés de pauvreté et des inégalités croissantes, par un déficit de la politique, par une «séparation croissante entre les élites et la société civile, les institutions et les citoyens», par l'absence d'une «vision d'ensemble» des problèmes d'un pays, par la proposition de la part des dirigeants de «questions secondaires traités comme si elles étaient majeures», par un «individualisme libertaire et utilitariste qui infecte les citoyens», par la «médiatisation de la politique qui fait prévaloir des leadership inconsistants».

Les allusions à la situation italienne ne sont sans doute pas absentes dans l'intervention du Recteur émérite de l'Université pontificale salésienne, toutefois des aspects importants de cette situation se trouvent également dans d'autres pays, en particulier en Occident. L'Occident dont l'Europe est partie intégrante.
Dans les deux discours le 25 novembre devant les plus hautes institutions européennes (2), le Pape a rappelé que l'Europe caractérisée par «la fatigue, le vieillissement, qui n'est plus fertile ni vivante», devrait être «refondée à travers une refondation de l'Etat de droit», qui a son racines dans la «loi morale naturelle». L'Etat de droit a «un ennemi principal, l'individualisme libertaire d'aujourd'hui», selon lequel «chaque individu s'invente ses propres droits» dans un monde «qui oublie Dieu».

EUROPE: LES CATHÉDRALES NE SONT PAS UNE ILLUSION D'OPTIQUE, ET POURTANT ...
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Sur la situation européenne s'est ensuite développé un vaste débat, qui a vu entre autres l'annotation du cardinal Coccopalmerio: «Si nous oublions la personne humaine, avec son bien personnel protégé et promu, nous avons perdu le droit». Pour le cardinal Kasper François se démontre «le plus européiste (pro-européen) des Papes» (3) , il considère l'Europe à travers les yeux de quelqu'un qui vient des périphéries, de l'extérieur du continent et découvre plus facilement les faiblesses et les nouveaux défis, celles «de l'immigration, de nouvelles cultures, des nouvelles religions», qui sont déjà parmi nous. L'Europe d'aujourd'hui tend à être repliée sur elle-même, sur ses peurs, elle ne regarde plus le monde vers le monde.
Pour l'archevêque Toso ce pape, «dans la continuité de ses prédécesseurs, sait que l'Europe n'aura un avenir que si elle sait se concentrer à nouveau sur la dignité de la personne». Nous devons postuler l'Europe des peuples avant celle des marchés».

On a également discuté de l'expression «racines religieuses» de l'Europe, à plusieurs reprises utilisée par François dans les discours de Strasbourg. «Racines religieuses», et non pas «racines chrétiennes».
Pour le cardinal Coccopalmerio, qui a immédiatement souligné la singularité par rapport au passé, avec les «racines religieuses», on pourrait entendre l'héritage judéo-chrétien.
Selon Mgr Toso, il est évident que «les cathédrales ne sont pas une illusion d'optique» et pourtant, aujourd'hui, nous devons nous demander «dans quelle mesure les gens sont conscients de cette présence»: à l'Université de Salamanque, les étudiants considèrent les symboles chrétiens dans les classes «un peu comme des ornements». Enfin, le professeur Raniero La Valle a fait observer «une grande différence entre le discours de François au Parlement européen et celui au Conseil de l'Europe: le premier,«sévère, critique»; le second «plein d'espérance pour l'avenir. Pourquoi? Le premier était adressé à un organisme de 28 pays de l'économie mondialisée, le deuxième à un organisme qui représente tout un continent et s'occupe principalement de la promotion des droits humains.

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NDT:
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(1) A propos de ce discours du pape (texte ici: www.fondationjeanrodhain.org) devant les mouvements populaires, voir sur mon site:
¤ Le Pape activiste politique (5/11/2014)
¤ Les interviews du Pape à Scalfari >>| Leoncavallo au Vatican (bas de page)

(2) Les deux discours du Pape à Strasbourg: w2.vatican.va/content/francesco/fr/travels/2014/outside/documents/papa-francesco-strasburgo-2014.
Et sur mon site ici: benoit-et-moi.fr/2014-II/fts.php?criteria=Strasbourg

(3) Le cardinal Kasper raconte-t-il n'importe quoi juste pour prendre sa revanche sur Benoît XVI? C'est à peu près du même niveau que le magazine américain qui avait élu François "l'homme le plus élégant de l'année 2013".