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La lettre de Jeannine

17 avril 2015 : l’énigme François, la bulle du Jubilé de la miséricorde, l’interview de Mgr Gänswein à la télévision italienne, l’anniversaire de Benoît XVI

Chère Béatrice,

L’arrivée du nouveau pape saluée comme un miracle au Vatican n’a pas réussi à changer mon opinion sur ce milieu désormais bien aéré, et parcouru par un souffle printanier : le Vatican reste un nid de frelons avec les larges sourires du pape, ses silences, ses paroles à double-sens souvent, ses
positions trop imprécises, le tout créant un climat d’insécurité doctrinale diversement apprécié, à commencer par moi.
Il reste le grand manitou qui manage sur tous les fronts, consulte, crée des commissions à l’intérieur de celles déjà existantes pour être bien certain que ses projets aboutiront je suppose. Impossible pour moi de voir se dessiner une ligne de gouvernement; par contre ce que je sais c’est qu’il avance dans la direction qu’il a choisie, vers le but qu’il s’est fixé, au grand jour ou par des décisions personnelles prises par lui selon son bon vouloir.

LA MISERICORDE DE FRANÇOIS
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Etant tout à fait consciente de mes insuffisances j’ai eu l’idée saugrenue de commencer la lecture de la bulle d’indiction sur la Miséricorde (Misericordiae Vultus) grâce aux éclairages de JM Guénois. Le pape dit, redit, appuie sur l’idée pour mieux l’imprimer dans le cœur des fidèles, miséricorde revient comme un leitmotiv, logique me direz-vous. J’ai relu l’article, je l’ai enregistré sur mon disque et j’ai lâchement renoncé. Devant tout ce que je devrais faire, devant ce qu’il demande aux prêtres, j’ai déclaré forfait.
Je pense que c’est la première fois qu’un pape délègue les pouvoirs de remise des fautes de haut niveau à des chargés de mission désignés par lui, avec, je pense, obligation de résultats en retour. Je suis la catholique de bout de banc et ce genre de ratissage au grand large me hérisse, de même le rappel incessant des pauvres et de la pauvreté. Il me semble que l’Eglise manque de prêtres, alors où trouve-t-on les cent qui vont être occupés par leur travail dans les foules à rencontrer? Mission prioritaire dans une période où le Vatican parle avec insistance d’économies; mon sens logique est interpelé. L’Eglise pour moi ne peut pas tout faire, François a tout pris à bras le corps, bien décidé à tout transformer mais il y a deux inconnues dont il lui faut tenir compte : la foi et l’évolution des mentalités; là il ne s’agit plus de popularité, d’applaudissements, mais bien d’un travail en profondeur, une tâche de longue haleine et en Europe le résultat ne me paraît pas évident à atteindre.

INTERVIEW DE DON GEORG A RETE 4
(cf. "Don Georg" à la télévision italienne )
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Les menaces proférées [dans le compte-rendu de Il Sussidiario] le sont au sujet de François, c’est ce que j’avais rectifié, peut-être à tort, en lisant, ce n’est pas un scoop. Je ne vois pas très bien comment le pape émérite peut être un obstacle pour tous ces hommes assoiffés de sang. Il est par contre fort gênant pour les partisans enragés de François qui sont devenus intolérants à la moindre opposition le concernant. Je leur attribue ces paroles : «un seul Dieu adoreras, François évidemment ». Heureusement que Benoît XVI est à l’abri au monastère, mais à notre époque où et comment peut-on se dire à l’abri des menaces existantes? Si Mgr Gänswein parle vraiment du pape émérite, je ne comprends plus.

Penser à la mort à 88 ans ne me paraît pas exceptionnel. Ceux qui évacuent cette préoccupation tentent de lutter contre une certitude qui les rattrapera un jour où l’autre. Benoît XVI ne disait rien d’autre aux habitants de Castel Gandolfo le 28 février 2013, depuis son balcon. Il devenait un pèlerin qui entamait son dernier voyage sur cette terre. Pendant son voyage en Bavière en 2006: il disait ne pas savoir quand il serait appelé à ne plus être la bête de somme du Seigneur, donc il y pensait déjà.
Avec une telle profondeur de foi, un tel amour de Dieu, la mort représente la naissance à une nouvelle vie pour un bonheur éternel et cette préparation revêt donc une particulière importance et demande une profonde intériorité.

Etre préoccupé par le sort des chrétiens du Moyen-Orient, fait expressément partie de la nouvelle vie du pape émérite, pour moi cela coule de source.
Bref je ne comprends pas bien cette interview. Mgr Gänswein garde une position très raisonnable pour traiter de certains sujets. Avec sa double casquette les temps libres doivent être plus que réduits; c’est regrettable car avec de telles responsabilités, des temps de détente seraient les bienvenus.

Miracle : ce mot est, pour moi, galvaudé. L’Eglise est très prudente pour reconnaître les miracles et je trouve qu’elle a raison. Il suffit qu’un religieux de renom, qu’un pape meure ou quitte le devant de la scène, pour que l’on reparle de lui à l’occasion d'un fait important, d'une béatification, d’une canonisation; dès lors les témoignages de guérisons, grâces, obtenues par son intercession, abondent. Du temps de son activité les avis étaient parfois loin d’être favorables, comme quoi ! Dans l’état d’avancement des progrès de la médecine, de la science, je pense qu’il est de plus en plus difficile de faire la part entre différentes évaluations, mais c’est une opinion très personnelle. Par contre je crois que pour ceux qui, au fond de leur cœur, mettent tout leur espoir dans cette prière intense, il doit s’établir une force, une aide, qui les portent pour tout affronter avec plus de confiance. La sensibilité de chaque personne qui prie, sa capacité d’ouverture à tout ce qui est proche, pour moi, d’une certaine exaltation parfois, me font pencher vers l’utilité d’un temps de maturation afin d’évaluer sobrement et d’éliminer les phénomènes d’autosuggestion.

ANNIVERSAIRE
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Nous sommes le 17 avril 2015 et Benoît XVI a fêté hier son 88ème anniversaire avec l'heureuse présence de son frère qui sera avec lui pour les dix ans de pontificat le 19.
L’ambiance était festive à Mater Ecclesiae avec les Bavarois en costumes si colorés et une météo favorable (cf. Benoît XVI fête son anniversaire). Benoît devait apprécier cette présence de son pays, de sa chère Bavière. En plus de la partie folklorique certaines spécialités gastronomiques avaient dû suivre pour compléter ce rendez-vous bavarois. Parmi les nombreuses photos il y a celle du pape émérite, bras grands ouverts, face à tous ses visiteurs, il est en très bonne forme, teint frais, reposé, détendu. Sur ces clichés on voit Mgr Gänswein bien sûr, très souriant, les Memores Domini, Sœur Christine, Mgr Georg Ratzinger, les sacs contenant les provisions apportées à côté d’une table avec de quoi se désaltérer, une fête de famille dans la joie et la simplicité de bon goût. Il y a une photo qui me fait rire : on y voit Benoît l’air dubitatif, hésitant devant les chopes de bière qui lui sont présentées . Comme la vie semble sereine dans ce cadre qui lui convient si bien.
Quatre-vingt-huit années et un profond remerciement à Dieu pour cette vie si bien remplie, si pleine de « journées ensoleillées » mais avec des heures «où le Seigneur paraissait dormir», le tout accepté, vécu avec un total renoncement, un égal bonheur.
Le regard que je pose que ces si nombreuses années vécues depuis la naissance dans une ambiance de foi, de totale acceptation de tous les aléas de la vie me laisse admirative. Son humilité, son total effacement derrière la fonction, la solidité de son enseignement, sa douce fermeté, son sourire lumineux, bienveillant, vrai, rassurant et sa distinction innée, les si belles photos trop peu diffusées où on retrouvait un pape qui riait franchement comme avec les séminaristes aux USA (cf. Le Pape qui enchante les jeunes ), tout cela reste invariablement lié à celui que j’ai suivi avec tant de constance, tant de confiance, tant de joie, d’affectueuse attention et dont le riche enseignement me reste. Le retrouver reste toujours une grande joie pour moi.
Que ce soit avec les séminaristes de Munich-Freising (Visite des séminaristes de Munich-Freising ) ou d’Eischtätt (Des visiteurs pour le Pape émérite ), dans un cadre différent: la chapelle ou le salon, de Bavière ou d’un autre lieu, la rencontre est pleine de sourires, des vrais. Benoît y est en milieu connu et cher à son cœur.

Je me réjouis de voir la quantité de photos partagées sur les différents sites. Certaines compositions font preuve de recherches mais toutes parlent d’affection, d’une réelle spontanéité, d’un désir de lui dire qu’il n’est pas oublié, qu’il est aimé; aussi détaché soit-on cet afflux de vœux doit contribuer à la joie d’une journée.

J’ai aimé l’interview de Mgr Alfred Xuereb (Benoît XVI, deux ans après ), toujours fidèle à celui qu’il a tant apprécié d’octobre 2007 jusqu’à son arrivée à Castel Gandolfo où il est resté quinze jours avec lui. Il occupe une position importante maintenant aux côtés de François mais on retrouve dans ses paroles tout l’intérêt qu’il continue de porter au pape émérite et les qualités d’humanité, de bonté affectueuse qu’il lui reconnaît et auxquelles il est toujours attaché.
Il n’hésite pas à dire que Benoît est de plus en plus aimé et j’apprécie cette franchise. Je rattache à ses paroles la présence d’une banderole fixée aux barrières de séparation lors de l’Audience générale : « Buon compleanno a Papa emerito Benedetto ». Je garde en mémoire les
mots que ce second secrétaire employait pour traduire son propre désarroi, sa tristesse à l’annonce personnelle qui lui avait été faite par Benoît XVI (cf. benoit-et-moi.fr/2013-III/benoit/les-confidences-de-mgr-xuereb) : rien de collectif pour ceux qui lui étaient proches, l’exquise politesse de ce grand personnage si humble, épuisé mais qui n’oubliait rien.

Je suis certaine que le pape émérite aura été sensible aux vœux de François et à son attention d’avoir offert sa messe de 7h à Sainte-Marthe pour lui.
(…)

A bientôt
Jeannine

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