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Pressions écologistes sur l'Encyclique

Première analyse de Riccardo Cascioli, qui réagit à chaud à la publication anticipée

>>> Ci-contre: le 18 aût 2014, la conférence de presse de retour de Corée.

>>> Voir aussi:
¤ L'encyclique Laudato si' a "fuité"
¤ Les fuites de l'Encyclique écologique
¤ Laudato si': une lecture sélective
¤ Et le dossier: L'Encyclique écologique

Dernière nouvelle!

J'apprends à l'instant que Sandro Magister, en guise de punition pour avoir "violé l'embargo" sur l'Encycliqyue, voit son accréditation auprès de la Salle de Presse du Saint-Siège suspendue pour un temps indéterminé, par une lettre du Père Lombardi.

Franchement, cette atmosphère de chasse aux sorcières qui s'en prend à tous ceux qui osent toucher à un cheveu de François, démentant toutes les belles paroles sur la miséricorde dont on nous rebat les oreilles, devient très malsaine. Les papistes pointilleux étaient bien "planqués", sous Benoît XVI!! Et surtout, ce n'est pas particulièrement malin - voire carrément stupide - de la part du Saint-Siège, de se mettre ainsi à dos, en un moment si important pour elle, un journaliste aussi prestigieux, qui anime depuis de longues années "la Rolls des blogs". Quoique à vrai dire, cela ne doit revêtir pour lui qu'une importance symbolique: ce n'est probablement pas de la salle de presse qu'il tient ses informations, souvent d'une exceptionnelle qualité (et qui gardent un intérêt intact dix ans après: on ne peut certes pas en dire autant de beaucoup de ses confrères!). Et cela ne pourra que lui donner une plus grande liberté.
Ilaura d'ailleurs des soutiens.
Sur Il Messagero, je lis à l'instant ce commentaire:

La décision a immédiatement soulevé des polémiques, parmi les raisons, celle d'être viciée par une exagération: le Vatican, en effet, n'a jamais remis la moindre ébauche aux journalistes, il ne pouvait donc pas y avoir embargo. Magister, en somme, a publié un document après l'avoir obtenu par des sources qui lui sont propres, et donc en restant dans la pleine correction d'un travail journalistique...

A quel point comptent les pressions des écologistes

Riccardo Cascioli
16 juin 2015
www.lanuovabq.it
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Quel que soit le jugement qu'on veut en donner, il est certain que l'encyclique «Laudato si'» a enregistré un record - en plus de la longueur d'une encyclique (ndt: à voir: parmi les 235 pages du document au format pdf publié par l'Espresso, il y en a pas mal de blanches, et chaque page est écrite en gros caractères...): le nombre de commentaires sur le contenu avant même sa publication. Cela fait en effet des semaines, que de la part des collaborateurs - présumés ou réels - du pape, on lit des anticipations sur les contenus, qui déclenchent à chaque fois des dizaines, des centaines de réactions dans un débat sans fin. Selon un schéma désormais bien rôdé avec les rapports internationaux sur les changements climatiques, on prépare pendant des semaines la sortie d'un document qui - dit-on - sera selon les circonstances, bouleversant, exceptionnel, sans précédent, destiné à changer à jamais la perspective. Et ainsi de suite jusqu'au grand final avec la présentation officielle du document que désormais le monde entier attend, tout en en connaissant les conclusions.

C'est ce qui a été fait avec l'encyclique «écologique», en un crescendo d'anticipations et d'interventions qui devait aboutir à la présentation prévue pour le jeudi 18 Juin à 11 heures. Pour rendre l'effet encore plus fort, cette fois, il avait été annoncé que le texte ne serait remis aux journalistes que deux heures avant, de manière à rendre pratiquement impossible d'y réfléchir, et de réduire la conférence de presse aux déclarations de ceux appelés à présenter l'encyclique.

Sauf que la «bombe» a explosé en avance, hier, quand L'Espresso a mis en ligne le texte intégral de l'encyclique, ruinant l'effet préparé. Le Père Federico Lombardi a ensuite déclaré que le texte de l'Espresso était seulement une ébauche non définitive, mais d'autres sources indiquent que s'il y a eu une quelconque correction ultérieure, elle n'affecte pas l'implantation et les concepts fondamentaux du texte qui est à présent public. Par ailleurs, le «tour» avait été précédé par un petit «feuilleton» (giallo) révélé par «Il Giorno»: dans les jours précédents, le pape François avait fait bloquer les rotatives de la Libreria Editrice Vaticana qui avaient déjà commencé à imprimer l'encyclique, pour apporter quelques corrections. Résultat: des centaines d'exemplaires détruits (pas vraiment un bel exemple écologique) et une nouvelles impression. Du père Lombardi, aucune confirmation ni démenti (??), mais l'épisode ne serait que la énième confirmation des difficultés rencontrées par ce texte, soumis à d'innombrables révisions, peaufinages, et ajustements variés.

Durant ces derniers mois, il y a certainement eu de fortes pressions, surtout de la part des cercles écologistes (ou environnementalistes) et théoriciens du réchauffement climatique anthropogénique (causé par les humains) qui comptent sur le pape et l'Eglise catholique pour donner une impulsion décisive aux accords internationaux sur les changements climatiques, au point mort depuis désormais 18 ans. On peut expliquer ainsi certaines contradictions évidentes, y compris un changement d'orientation du pape. Rappelons que dans la conférence de presse à son retour de Corée (18 Août 2014), à une question sur l'encyclique en gestation, il répondait:

«Mais à présent, c’est un problème pas facile, parce que sur la sauvegarde de la création, l’écologie, l’écologie humaine aussi, on peut parler avec une certaine assurance jusqu’à un point donné. Puis, arrivent les hypothèses scientifiques, dont quelques unes sont sûres, d’autres non. Et une Encyclique de ce genre, qui doit être magistrale, doit se fonder seulement sur les certitudes, sur les choses qui sont sûres. Parce que, si le Pape dit que le centre de l’univers est la terre et non le soleil, il se trompe, parce qu’il dit une chose qui doit être scientifique; et ainsi, ça ne va pas. C’est ce qui se passe maintenant. Nous devons étudier, numéro par numéro ; et je crois qu’elle deviendra plus petite. Mais, on ira à l’essentiel et à ce qui peut s’affirmer avec certitude. On peut dire en note de pied de page, "sur ce point, il y cette hypothèse, celle-ci, celle-là…", le dire comme information, mais pas dans le corps d’une Encyclique, qui est doctrinale et doit être sûre».
(cf. w2.vatican.va).

Le message est clair: on n'épouse pas de thèses scientifiques. Et pourtant, bien qu'il soit dit quelque part dans l'encyclique qu'il n'appartient pas à l'Église de dire le dernier mot sur la science, toute la première partie est fondée sur des thèses scientifiques du genre éco-catastrophiste rien moins que certaines - on remarquera aussi l'absence de notes expliquant les différentes positions - créant d'ailleurs les conditions d'un retour au "cas Galilée", comme nous l'avions déjà anticipé (cf. L'Eglise cède au monde ).

Mais justement, les pressions ont été si fortes durant ces mois que les cercles les plus écologistes du Vatican ont proposé à l'opinion publique des guides pour le moins discutables. Ainsi, alors que dans l'encyclique le Pape condamne clairement (ndt: mais brièvement: cf. Laudato si': une lecture sélective...) ceux qui croient résoudre les problèmes environnementaux en éliminant les pauvres par la contraception et la diffusions de l'avortement, voici que surgit comme orateur à tous les principaux congrès vaticans un personnage comme Jeffrey Sachs, fanatique théoricien du contrôle des naissances. Et cela ne suffit pas: à la conférence de presse de présentation de l'encyclique, jeudi 18, on attend comme orateur John Schellnhuber, fondateur et directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research. Conseiller de la Chancellière Angela Merkel, Schellnhuber a depuis un moment déclaré, à propos du réchauffement climatique, que c'est "un triomphe pour la science car elle a au moins pu définir quelque chose d'important, c'est à dire que l'équilibre de la planète requiert une population de moins d'un milliard de personnes" (cf. Un écolo radical pour présenter Laudato Si'). Comment cela se concilie avec ce qui est affirmé dans l'encyclique, voilà qui reste entièrement à expliquer.

Dans «Laudato si'», il y a en tout cas un élément de nouveauté qui se place en claire discontinuité avec le Magistère précédent, à savoir l'introduction du concept de "développement durable" qui remplace de fait celui de "développement humain intégral" qui était, par exemple, au centre de Caritas in Veritate de Benoît XVI. Au début de l'encyclique, on parle en réalité deux fois de "développement humain, durable et intégral", mais dans ce qui suit il ne reste que la durabilité. Un changement de taille, comme nous l’avons déjà écrit récemment, une redéfinition anthropologique mettant l'accent sur les éco-systèmes et l'équilibre de la planète en général, plutôt que sur la centralité de la personne.

Pour terminer, il y a une nouveauté à remarquer, qui est l'étrange absence de références au monachisme bénédictin comme modèle de relation vraie avec la nature, apte à rendre plus humain et à la mesure de l'homme le milieu dans lequel il se situait. Juste quelques mots en passant, pour rappeler la révolution de l'"introduction du travail manuel empreint de sens spirituel". Et pourtant, dans la tradition chrétienne il n'existe pas d'exemple concret plus lumineux de conservation et culture de la Création, de coopération avec l'œuvre créatrice de Dieu, qui naissait non pas d'un projet sur l'environnement mais du simple "chercher Dieu" à tout instant de la vie, comme l'avait rappelé le Pape Benoît XVI. Une position dont on ressent un certain manque aujourd'hui.

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