Où est Pierre et qui est Pierre?

Aldo Maria Valli a reçu une nouvelle lettre de don Minutella, ce prêtre italien excommunié pour avoir critiqué François: occasion de revenir sur la "rupture" entre les "deux Papes" dont les "notes" de Benoît XVI à propos de la pédophilie cléricale sont le symptôme visible (6/5/2019)

>>> Voir aussi:
¤ Un prêtre critique excommunié (I)
¤ Un prêtre critique excommunié (II)
¤ Benoît XVI-François: la fracture
¤ Dossier: Notes de Benoît sur le scandale des abus sexuels

 

Où est Pierre et qui est Pierre?


www.aldomariavalli.it
6 mai 2019
Ma traduction

* * *

Je voudrais revenir aujourd'hui sur la question des deux papes. Je le fais en publiant une lettre qui m'a été envoyée par don Alessandro Minutella et en précisant immédiatement que, bien que je ne la partage pas sur tout (don Minutella a beaucoup de certitudes, j'ai surtout des doutes), elle me semble opportune parce qu'effectivement, je ne pense pas que nous puissions continuer à vivre la situation actuelle comme si de rien était, alors que dans les faits, les contradictions émergent avec toute leur force et toute leur gravité.

La publication des Notes de Benoît XVI consacrées à la question des abus dans l'Église a marqué un point de non-retour. La décision de rompre le silence a quelque chose de troublant, d'autant plus que Joseph Ratzinger, non seulement - en dérogeant à sa décision de vivre caché - est intervenu sur un sujet très chaud, mais il l'a fait en soutenant des thèses qui vont à l'encontre de la position soutenue par François.

Derrière la forme, comme toujours, courtoise et compassée, le petit essai sur la question des abus a un contenu polémique qui ne peut être ignoré. Concrètement, Benoît XVI a dit: «Regardez, les choses ne sont pas comme ils voudraient vous le faire croire». Et s'il a senti le besoin de parler, cela signifie qu'il a perçu un grand danger.

Bien sûr, on peut discuter (comme on l'a fait) des thèses de Benoît XVI, mais ici le problème est autre. Le problème, c'est que le Pape Benoît a voulu parler.

Je ne pense pas qu'en posant de telles questions, on puisse être accusé de complotisme. La question est importante. Dans les faits, la coexistence des deux papes continue à donner lieu à des tensions de plus en plus manifestes et à des questions qui n'ont pas encore trouvé de réponses adéquates, et tout cela ne peut être déclassé à la rubrique des anomalies temporaires.

Comme l'a écrit à juste titre Sandro Magister, entre les deux papes, il y a maintenant une «fracture». Il n'y a pas d'autre mot. Cette fracture est confirmée par l'accueil glacial (pour ne pas dire agacé) réservé aux "Notes" par les médias du Vatican et par le silence de François, attitude qu'il assume chaque fois qu'il se sent mis à l'épreuve.

D'autre part, la réaction agitée de certains commentateurs en faveur de François, selon lesquels la cohabitation des deux papes ne serait possible que si Ratzinger disparaissait comme mort, montre que le nerf est à vif.

Et encore une fois la question revient: combien de temps sera-t-il possible de continuer avec la fiction que cette situation est normale et que tout va bien?

Aldo Maria Valli


Cher Dottore Valli, je viens tout juste de poser les deux derniers livres de Benoît XVI, récemment publiés en librairie. L'un est un ensemble d'écrits jusqu'à présent inédits qu'il a lui-même autorisé pour publication, comme nous le lisons dans la Préface. L'autre est un ensemble de réflexions sur un thème de plus en plus sensible, celui du dialogue interreligieux avec les juifs.

Le premier livre, intitulé Per amore, porte sur sa couverture la signature complète Benedictus PP XVI [PP signifie Pontifex pontificum (Pastor Pastorum), càd «pontife des pontifes», ou «pasteur des pasteurs, ndt]. Le fait qu'il s'agit d'une signature papale à plein titre ne nous échappe évidemment pas. L'autre livre - celui du dialogue judéo-chrétien - affronte avec le rabbin Arie Folger des thématiques tout à fait remarquables et il est présenté par Elio Guerriero, l'un des plus grands connaisseurs de la pensée de Hans Urs von Balthasar [et auteur de Benedetto XVI, Servitore di Dio e dell'umanità]. Au début du livre, intitulé Ebrei e cristiani (Juifs et chrétiens), on lit une brève déclaration de Mgr Georg Gänswein, secrétaire personnel de Benoît XVI, qui écrit: «Le Pape Benoît m'a chargé de remercier». L'adjectif "émérite" est absent. D'une manière solennelle et que je trouve surprenante, il n'est question que du Pape Benoît. Dans les deux cas, il semble presque que l'histoire ait été ramenée, comme par magie, plus de six ans en arrière, avant cette annus horribilis 2013.

Les deux ouvrages qui viennent de sortir font suite à la publication récente, il y a un peu plus d'un mois, des Notes que Benoît XVI a voulu faire connaître et qui, en réalité, non seulement sont un texte entièrement magistériel, après six années d'obscurité profonde, mais constituent une lentille grossissante pour interpréter la situation actuelle de l'Église. Ratzinger parle d'une Église voulue par nous qui, en fin de compte, est une suggestion de Satan, puis d'une Église de martyrs, indestructibles, et il le fait en citant l'Apocalypse elle-même.

Pour quelqu'un comme moi qui, en Italie, mais plus seulement, dit depuis deux ans que nous sommes en présence d'une anomalie sans précédent - celle d'un vrai pape forcé à démissionner et d'un autre (le cardinal Bergoglio) élu invalidement, dans un faux conclave piloté par des 'pouvoirs forts' - et qui, pour cette raison passe auprès de l'opinion pour un prêtre illuminé et excessif, qui a subi deux excommunications, une suspension a divinis, le retrait de sa paroisse, l'isolement ecclésial et humain, la dérision médiatique, la condamnation unanime, eh bien, pour don Minutella ces derniers événements sont rassurants.

Pourquoi Benoît XVI signe-t-il encore "PP"? Pourquoi son secrétaire le présente-t-il encore comme le Pape Benoît XVI, sans l'inutile et trompeur «émérite»?

Depuis deux ans, je me bats pour soutenir les raisons d'une anomalie qui risque de ruiner l'Église pour toujours. Il n'y a jamais eu, en effet, de coexistence de deux papes. C'est vrai qu'il y en a eu jusqu'à trois en même temps, mais ils étaient assez intelligents pour se disqualifier les uns les autres, précisément parce que Pierre est un et que le munus n'a jamais été ni extensible ni participatif; à la limite, il y a plutôt la collégialité qui, comme vous le savez bien, est autre chose, car elle renvoie au thème du primus inter pares. La primauté personnelle et immuable reste une fois de plus garantie. Jésus dit à Pierre: tu es, et pas vos estis.

Certes, j'apparais désormais comme quelqu'un qui a radicalisé la question, mais je vous assure que je l'ai fait et que je continue à le faire, non seulement en payant de ma personne, mais surtout parce que je vois que le catholicisme post-conciliaire n'est absolument pas préparé et même indifférent au sort que l'Église de Rome risque de subir.

Ainsi, encouragé par ces dernières «sorties», qui pour moi sonnent comme des confirmations de mon inlassable vagabondage non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi dans les villes de toute l'Italie, je réaffirme avec une force intacte et passionnée que le Pape est Benoît XVI et que la messe n'est possible qu'en union avec lui, pas avec l'autre, sous peine d'invalidité. Moi aussi, j'avais commencé à célébrer la messe uno cum Francisco. Les deux premières années passées avec un faux pape ne sont pas une faute, mais le temps a tout clarifié, par disposition de la Providence qui guide l'histoire. Les pères disaient : ubi Petrus ibi Ecclesia. Où est Pierre aujourd'hui? Surtout qui est Pierre? Et donc, aussi, où est l'Église?

Si nous décidons de continuer à fermer les yeux, nous assisterons à la mort du catholicisme romain et la consécration définitive du pseudo-catholicisme post-conciliaire de Bergoglio, autrement dit la fausse Église, celle clairement prophétisée par le troisième secret de Fatima. Saint Ambroise disait que la vraie Église est celle qui reconnaît à sa tête l'évêque de Rome. Il ne s'agit pas ici de soutenir l'idée d'un pape hérétique. C'est une direction incomplète, il faut plus d'audace prophétique. L'institution, qui est rouillée, a besoin d'un séisme charismatique, d'un sursaut prophétique. Il faut dire que l'évêque de Rome est et ne peut être que Benoît XVI. Tout ce qui est vécu en communion avec l'autre vêtu de blanc est un substitut scénique, un échafaudage qui, comme l'écrit le pontife en personne, a finalement le diable lui-même comme metteur en scène.

J'ai été invité à plusieurs reprises à faire silence, à me retirer dans un monastère, à me taire pour toujours. Parce que je suis diviseur. Tous l'ont demandé. Tous sauf un. Précisément ce Benoît XVI qui, s'il n'a pas dit un mot en ma faveur, n'a rien dit contre moi, et ce n'est pas rien. Et nous savons bien que l'affaire Minutella, même si l'on veut la faire passer pour l'histoire d'un Masaniello [révolutionnaire napolitain du XVIIe siècle qui s'insurgea contre la couronne espagnole] déguisé en prêtre, inquiète en réalité beaucoup les franges bergogliennes, sinon je ne serais pas le seul prêtre miséricordieusement frappé par deux excommunications (...).

Je dirais plus. Je serais prêt à me retirer, à rester silencieux pour toujours. Mais à condition que Benoît XVI
o abandonne le nom de pape et prenne celui de cardinal Ratzinger.
o parte pour toujours de Rome, comme Célestin V, et qu'on en perde toute trace.
o retire les clés des armoiries papales.
o reste fidèle à la promesse initiale de silence et de prière, dans un munus passif du ministère pétrinien !
o rejette l'adjectif inutile Emeritus, simplement parce qu'il n'existe pas.
o surtout, enlève l'habit blanc et endosse à nouveau le noir ou le rouge.

Plus d'une personne, parmi les milliers qui me suivent [sur les réseaux sociaux], me demande pourquoi Benoît XVI n'est pas plus explicite.
Savez-vous ce que je dis ?
Evidemment, je repense à l'histoire de l'armoire! Je veux parler de l'incroyable réponse que le Pape a donnée au journaliste qui, quelque temps après sa démission, lui a demandé pourquoi il n'avait pas enlevé la soutane blanche et ne portait pas la noire [en fait, Tornielli s'était payé le toupet de demander au Pape émérite des comptes sur sa démission, cf. benoit-et-moi.fr/2014-I]. Il a répondu que dans son armoire, les soutanes étaient toutes blanches. Six ans ont passé et je ne crois pas que tous les tailleurs de Rome sont morts ou qu'il n'y ait plus de tissu noir nulle part!

Cette histoire, singulière, qui sent l'Apocalypse, n'est pas une histoire journalistique ou un goût pour le roman policier, non! C'est seulement de l'amour pour l'Église, celle qui vit là où est Pierre. Et Pierre, aujourd'hui, demeure Benoît XVI.
Espérons que la conspiration maçonnique sera bientôt connue de tous !

 

Don Alessandro Minutella

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