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"Ratzinger" répond à Tornielli

Un article ahurissant d'Andrea Tornielli sur Vatican Insider, qui a reçu une lettre du Pape émérite (26/2/2014, mise à jour)

>>> Ci-contre: Le Pape salue Tornielli à la sortie de l'Eglise Sainte Anne, le 19 mars 2013 (http://youtu.be/qMbviZuhiPQ?t=3m30s) (Explications: [1])

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"Aucun doute sur ma renonciation"

Le site Vatican Insider publie un article que je lis à l'instant avec une certaine stupéfaction (www.lastampa.it/).
Il confirme que l'apparition de Benoît XVI au Consistoire samedi dernier était clairement "on demand".
L'article est signé Andrea Tornielli, dont nous savons le rôle de "conseiller officieux du Pape" qu'il remplit depuis un an.
Fait inouï, il a OSÉ envoyer au pape émérite, le 13 février dernier, une série de questions à propos de présumées pressions et complots qui auraient provoqué sa démission (rappelons que le 9 février, Antonio Socci avait écrit un article certes polémique, mais respectueux pour les deux Papes: Qui a poussé Benoît XVI à partir?)
Et Benoît XVI lui a répondu.
Tornielli présente les choses ainsi:

"Benoît XVI a pris le papier et la plume (pouvait-il faire autrement? pouvait-il dire autre chose?) pour couper court aux interprétations sur son geste historique d'il y a un an, relancées par différents médias à l'occasion du premier anniversaire. Il l'a fait en répondant personnellement à une lettre avec plusieurs questions, que nous (s'agit-il d'un pluriel de majesté?) lui avons envoyée ces jours derniers, après avoir lu certains commentaires sur la presse italienne et internationale, concernant sa démission. De manière synthétique mais extrêmement précise, Ratzinger (quel manque de respect!!) a répondu, démentant les présumées coulisses secrètes et invitant à ne pas charger de significations impropres certains de ses choix, comme celui de conserver l'habit blanc même après avoir quitté le ministère d'évêque de Rome".

Le Pape émérite lui a répondu en substance qu'il avait conservé l'habit blanc parce qu'il n'avait rien d'autre à se mettre:

"Le maintien de l'habit blanc et du nom Benoît est une chose simplement pratique. Au moment de la renonciation, il n'y avait pas d'autres vêtements à disposition. Du reste, je porte l'habit blanc de manière clairement distincte du Pape. Là encore, il s'agit de spéculations privées de tout fondement"

On voit mal le rapport entre le maintien du nom de Benoît, et la garde robe du pape émérite!! Apparemment, Tornielli se contente de peu.
A un autre endroit, Tornielli écrit:

"Après l'élection de François, la nouveauté de son pontificat, la secousse qu'il apporte à l'Église par sa parole et son témoignage personnel, il était physiologique que quelques-uns - comme cela a cependant toujours été le cas à l'occasion d'un changement de pontificat (mais pas dans le même sens!!!) - l'opposent à son prédécesseur. Une opposition que Benoît XVI lui-même a toujours refusée. Au cours des dernières semaines, alors que nous approchions du premier anniversaire de la renonciation, certains sont allés plus loin, supposant même l'invalidité de la démission de Benoît et donc un rôle plus actif et institutionnel à côté du pape régnant".

Sans complexe, Tornielli se permet de poser au Pape émérite une question sur l'authenticité de la lettre qu'il avait adressée à Hans Küng (c'est quand même un comble de prendre HK comme témoin de moralité!!). Le Pape émérite a confirmé que c'étaient les termes exacts de sa lettre (cf. Le Pape émérite m'a écrit)

Enfin, dit Tornielli: "Benoît XVI conclut avec l'espoir d'avoir répondu de manière claire et suffisante aux questions posées".

On peut supposer que la réponse n'est pas exempte d'ironie.
Attendons de voir la lettre (qui est évidemment authentique, cela ne fait aucun doute).

* * *

Je réagis un peu à chaud (ce qui est toujours néfaste, je le sais!!).
Il n'est pas question de mettre en doute la sincérité de Benoît XVI, ni la validité de sa renonciation, encore moins de faire du complotisme au rabais, qui serait insultant pour le pape émérite...
Mais je trouve INACCEPTABLE (en fait, les mots me manquent pour qualifier!) le ton employé ("Ratzinger"!!!) et surtout le principe de cette lettre-interrogatoire de Tornielli, dont je me demande de plus en plus quel rôle il joue au Vatican.
Il n'est qu'un journaliste laïc, de la presse la plus laïque (La Stampa), et il n'a AUCUN titre à interpeller le pape émérite, pour lui demander de confirmer sa renonciation! Il s'agit d'un manque de respect inqualifiable.

Comme je n'imagine pas un seul instant que la lettre ait pu être écrite sans l'accord du Pape François (et encore moins la réponse), il se pourrait que nous soyons face à un phénomène classique d'hétérogenèse des fins (càd qu'on arrive au résultat inverse de celui recherché): loin de mettre un terme aux rumeurs, cette démarche douteuse (et très maladroite!!) risque de les enflammer de plus belle.

En attendant, ne pourrait-on pas laisser enfin le pape émérite tranquille?

* * *

Mise à jour (Monique)

Tornielli met en demeure "Ratzinger" de lui fournir des explications sur sa renonciation! Le succès monte à la tête de ce vaticaniste et il n'a plus aucune notion de la hiérarchie! Oui, c'est scandaleux!
Mais à toute chose malheur est bon.
La lettre du pape émérite permet de faire le point, et de faire taire des rumeurs infondées.

Etant donné que Benoît XVI a jugé utile de répondre, plutôt que d'ignorer la lettre, nous n'allons pas déplorer qu'il l'ait fait. Il est bien le meilleur juge de ce qui le concerne.
A propos de l'histoire de l'habit blanc et du nom, je crois que Benoît XVI se paie la tête du journaliste prétentieux! Joseph Ratzinger est capable d'une ironie mordante avec les orgueilleux (ex: envers Küng).

Je ne mets pas en doute la validité de la renonciation (puisque Benoît XVI lui-même l'affirme) mais le fait est qu'on l'a mis dans une situation ingérable et sans issue, depuis des années. Ce qui s'est passé juste avant le 11 février n'a pas pu être déterminant puisque Benoît XVI avait pris sa décision depuis longtemps. Quand il a déposé son pallium sur la tombe de Célestin V, le 4 juilletb 2010, il devait déjà y songer d'une manière imprécise (benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/sur-les-pas-de-celestin-v.php).
Je remarque qu'en décembre 2012, il a consacré sa visite charitable de Noël à une maison de retraite (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/quand-benoit-xvi-parle-aux-vieux.html): je crois que c'était un signe.

Note

[1] Le visionnage de cette vidéo (voir ici) prouve que Tornielli connaissait très bien le Pape AVANT l'élection (j'imagine qu'il l'avait déjà interviewé en Argentine), et qu'il existait entre eux une relation d'amitié (on entend le Pape dire "Ah! Andrea").
Ce n'est évidemment pas un reproche, mais cela justifie-t-il le rôle quasi-officiel qu'il joue aujourd'hui? Imagine-t-on Peter Seewald, ou Messori, qui avaient tous deux interviewé longuement le Cardinal Ratzinger, et le connaissaient très bien, ayant développé eux aussi avec lui des relations d'amitié, faire en 2005 la même chose avec Benoît XVI, pourtant si attaqué?
Non évidemment! Et le cas échéant, que n'aurait-on entendu!!