Ex-président de la République italienne, "grande gueule", catholique de conviction, c'était aussi un grand ami du Saint-Père, qui a exprimé sa douleur. Une interviewe posthume sur le site de Gianluca Barile (18/8/2010)

C'était un grand ami du saint-Père, qui a exprimé son chagrin (cf ESM ).
Un homme politique catholique, courageux, une voix sage (même si on été jusqu'à l'accuser d'être fou) et forte, au-dessus de la mêlée. Je ne vois rien de comparable en France, et pourtant, nous avons nous aussi nos présidents de la République émérites!

Ayant forcément colonnes ouvertes dans la presse, il lui arrivait assez souvent d'écrire des "lettres ouvertes", et le 29 juin 2009, il en adressait une, dans le Corriere à son ami Silvio Berlusconi, alors cible des féroces attaques de la presse italienne gauchiste.

J'écrivais alors (http://benoit-et-moi.fr/2009-II/... ):

La figure de Francesco Cossiga, prestigieuse personnalité politique italienne de centre-droit, de moralité et d'envergure indiscutées, ex "premier", ex-président de la République de 1985 à 1992, sénateur à vie, grand admirateur de Benoît XVI, a déjà croisé ce site à différentes reprises pour ses relations avec le saint-Père:
- Eloge de Spe Salvi
- Lettre ouverte à Mgr Fisichella à propos de l'affaire de Récife
- Lettre ouverte d'excuses au pape, après la Gay Pride de juin 2007 .

Pour l'anecdote, il a aussi concédé en 2007 au premier quotidien italien, Il Corriere della Sera, une interviewe dans laquelle il remettait en cause la version officielle des attentats du "nine eleven" (impliquant d'ailleurs Berlusconi, ce qui prouve qu'il jouit d'une grande liberté). Cette interviewe a reçu peu d'écho en France. Etait-elle trop gênante?

 


Sur son site, Raffaella indique le lien vers une interviewe posthume accordée il y a quelques semaines au site "Petrus" de Gianluca Barile (papanews.it).
Un beau texte, à méditer, pour plusieurs raisons.
Ma traduction:

En mémoire d'un ami " picconatore" (ndt: picconare se traduit par "piocher")
Gianluca Barile
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" Le cardinal Carlo Maria Martini ? Désobéissant envers le pape , snob et progressiste : je n'ai jamais pu l'estimer. Tout comme son successeur à Milan .
- Le Cardinal Dionigi Tettamanzi ?
" Oui , lui. Il semble que l'élève est pire que le maître. S'il pouvait, je crois qu'il transformerait le Siège de saint Ambroise (ndt: l'archidiocèse de Milan) en une mosquée . Je n'ai rien de personnel contre les musulmans , mais Tettamanzi semble un imam , et non pas un évêque catholique ! Et quand il ne se comporte pas comme imam, il fait comme un protestant! Je suis consterné encore aujourd'hui quand je pense qu'il y a quelques années, il donna son accord à des danses tribales effectuées par des femmes nues à l'intérieur de la cathédrale".

« Picconate » (piques) de Francesco Cossiga , offertes ces dernières années en exclusivité à « Petrus » , au cours de plusieurs longs entretiens que le sénateur à vie nous a toujours accordés de bonne grâce, ne nous laissant pas manquer son estime et son amitié , montrant une grande attention envers la réalité de l'Eglise et une admiration infinie pour Benoît XVI , ne se privant jamais non plus du «plaisir» de polémiquer - comme c'était dans son style inimitable - avec ceux qui , comme les cardinaux Martini et Tettamanzi , ne sont pas toujours apparus cohérents et fidèles au Magistère .

" J'ai fait une grosse erreur - nous confia t-il une fois - en contresignant en tant que chef de l'Etat , comme c'était prévu par le Concordat , avant sa révision , la nomination de Martini comme archevêque de Milan. Si j'avais pu imaginer le tort qu'il ferait à l'Eglise , j'aurais opposé mon refus".

Il se qualifiait lui-même de catholique enfant, le « picconatore » . Mais il savait par cœur le catéchisme et le Code de Droit Canonique . Et surtout , il suivait avec une grande lucidité ce qui se passait au Vatican .

" L'aile progressiste ne s'est pas remise de l'élection de Benoît XVI et fait tout pour lui mettre les bâtons dans les roues - accusa t-il une fois dans les colonnes de notre journal. Il suffit de penser aux Cardinaux Martini et Tettamanzi . Ou à ceux qui se rebellent contre le Motu Proprio Summorum Pontificum, pour la libéralisation de l'ancien rite. Tous ces maux viennent de loin , du Concile , pour être précis. Je ne suis absolument pas contre le Concile , mais j'oppose une censure à l'herméneutique révolutionnaire et progressiste qui a suivi et qui semble toujours à la mode sous la bannière du soi-disant 'cattobuonismo'. Le 'cattobuonismo' de Martini et de Tettamanzi pour tout dire.

À un moment donné , on en vient spontanément à se demander s'il a des comptes personnels à régler avec les deux derniers archevêques de Milan. Mais il nie. Il explique :
" Que voulez-vous , je suis fidèle à la fois au théologien Joseph Ratzinger et au Pape Benoît XVI , et je m'énerve contre tous ceux qui sont contre lui , comme Martini et Tettamanzi" .

Inoubliable, la déclaration qu'il nous fit, et que nous avons publiée , à l'époque du gouvernement Prodi , sur la décision de réviser les avantages fiscaux accordés à l'Église.
- Monsieur le Président, vous êtes d'accord avec le premier ministre ? lui avions-nous demandé .
Et lui, sournois, déclara:
" Comment donc... Je dirais même plus : je conseille au catholique adulte Prodi, après consultation de ses partisans , d'envoyer les Marines de l'autre côté du Tibre , d'occuper militairement le Vatican , d'emprisonner le Pape et d'abolir les Accords du Latran (..)".

Quand fut publiée l'encyclique « Spe salvi », ce fut Cossiga lui-même qui nous contacta :
" Ecrivez qu'elle m'a plu encore plus que la précédente consacrée à la charité . Si jamais quelqu'un avait des doutes , il est désormais convaincu : Benoît XVI , en fait, est déjà un docteur de l'Eglise et l'un des plus grands papes de l'histoire de l'Église . Je le définirais ainsi : le cerveau de Dieu" .

Tellement, tellement de dialogues avec le Président . Le dernier, il y a seulement quelques semaines .
" L'heure est venue et les valises sont prêtes , dit-il .
Il ajouta :
" Je vais avoir 82 ans et je ne peux pas me plaindre. Et puis, comme Jean XXIII aimait à répéter : « nous sommes faits de Ciel » , alors nous devrions être heureux d'y aller" .
Comme ces phrases nous semblaient de mauvais augure , nous avons essayé de dédramatiser:
- Président, ne vous laissez pas abattre , vous êtes encore jeune et fort.
Et lui, ironiquement :
" Ici, le seul qui est encore jeune et fort, c'est Andreotti . Reste à voir s'il n'a pas fait un pacte avec le diable ...".
- Président , qui voudriez-vous rencontrer en premier, au ciel ?
La question était venue spontanément par la facilité avec laquelle Cossiga parlait de la mort. Il affirma :
" Les membres de ma famille qui m'ont précédé . Et un ami qui est mort innocent ...".
- Qui?
" Aldo Moro " .
La voix du président se rompit d'émotion et nous prîmes congé . Le « picconatore » venait de céder la place à l'homme .