Réflexions... et un article de Sandro Magister, citant le grand et libre Cardinal Biffi (26/8/2010)

Les quelques mots prononcés par le Pape à l'issue de la prière d'Angelus du dimanche 22 août, mais surtout interprétés par les medias, ont suscité une nouvelle tempête.
On l'aurait qualifiée de bourde de communication si elle avait visé d'autres groupes.
Ces mêmes medias se sont ensuite emparés des déclarations de quelques ecclésiastiques, appartenant ou non à la hiérarchie catholique, pour leur faire dire ce qu'ils avaient envie de leur faire dire.
Ce matin (26 août), le cardinal Vingt-Trois était l'invité de Jean-Pierre Elkabach, et il a été grossièrempent reçu. Le dinosaure europunien s'est permis de lui demander s'il trouverait licite que l'on souhaitât à "ce" Pape "allemand" de mourir d'une crise cardiaque... (allusion aux déclarations médiatisées d'un pauvre curé qui a oublié son devoir au point de servir d'idiot utile aux ennemis forcenés du catholicisme).
Je regrette que le cardinal ne soit pas sorti sans un mot. Les raisons qui l'ont fait rester m'échappent. Il n'y avait rien à gagner.
Le but recherché a toutefois été atteint: diviser les catholiques, et écarter les catholiques conservateurs du Pape, en une France laïcisée, qui n'en a vraiment pas besoin.
Il est évident que le problème de l'invasion migratoire ne peut pas être balayé d'un revers de main, surtout pas par la hiérarchie ecclésiastique, au nom d'un "angélisme", qui fait plus de mal que de bien. La réaction des blogs conservateurs est compréhensible (1). Mais la mise en cause du pape, elle, est inacceptable. Il n'y avait aucune intention politique ou polémique dans ses mots, sinon celle du père qui dit à ses enfants: "cessez de vous disputer".
C'est ce que met clairement en évidence la "Rolls" des blogs, celui de Sandro Magister. Il se réfère au grand Cardinal Biffi (voir par exemple ici: http://tinyurl.com/2wjq2to), génial archevêque émérite de Bologne, souvent cité (et admiré) ici - utiliser la fonction "recherche": l'accent mis sur la mission évangélisatrice de l'Eglise à l'égard de tous les hommes , donc aussi ceux qui viennent habiter chez nous, est insuffisant . "


Article ici: http://magister.blogautore.espresso.repubblica.it/

Ma traduction:

Eglise et immigrés . Le Cardinal Biffi avait raison
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" Les textes liturgiques d'aujourd'hui nous répètent que tous les hommes sont appelés au salut . C'est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines , à la suite de Jésus venu pour réunir les peuples de toutes les nations et toutes les langues . Chers parents , puissiez-vous éduquer vos enfants à la fraternité universelle . "

En disant ces mots à l'Angelus du dimanche 22 août, Benoît XVI ne s'est pas contenté de faire écho aux textes bibliques proclamés ce jour dans les messes du monde entier , c'est-à-dire aux paroles de Jésus dans l'Evangile de Luc ( 13, 29 ):
" Ils viendront de l'Orient et de l'Occident , du septentrion et du midi" , et à la prophétie d'Isaïe (66 , 19-20) "Ils viendront de Tarsis , Put, Lud , Mésec , Ros , Tubal , Iavan et des îles lointaines ... sur des chevaux , des chars , des litières , des mulets , des dromadaires".

La grande migration évoqué dans les deux textes bibliques est pour "se mettre à la table du Royaume de Dieu" et "voir sa gloire" .
Mais justement, le Pape en a tiré une leçon d'accueil fraternel universel, ici et aujourd'hui.

Et le fait qu'il ait dit ces mots en français, en saluant une paroisse de la banlieue de Paris pleine d'immigrants asiatiques et africains, (?) a fait que son appel a été interprété comme une critique de l'expulsion des Roms irréguliers mise en œuvre en France par le président Nicolas Sarkozy .

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A dire vrai , toutefois, ceux qui ont parlé en termes spécifiquement critiques de l'initiative de Sarkozy et d'un comportement similaire des dirigeants italiens, ce n'est pas Benoît XVI - qui s'en est tenu aux généralités - mais deux membres éminents du Vatican et de l'Eglise italienne : les prélats Agostino Marchetto et Giancarlo Perego, tous deux chargés de l'immigration .

Ni l'Osservatore Romano ni l'Avvenire n'ont mis l'accent sur les critiques de Marchetto et de Perego , ce dernier particulièrement dur.

Il n'empêche qu'en matière d''immigration , il y a eu une fois de plus cette dichotomie entre les principes et la réalité qui est l'une des faiblesses de l'intervention de l'Eglise dans ce domaine .

C'est cette dichotomie que le politologue Angelo Panebianco a souligné dans un éditorial - intitulé "Les principes et la réalité" du Corriere della Sera , le lundi 23 août. Il écrit notamment:

" A en juger par les positions d'au moins une partie des dirigeants de l'Église, ils semblent souvent être plus influencés par la minorité catholique engagée dans le volontariat pro-immigration , que par les opinions sinon prédominantes, du moins fortement représentées parmi les fidèles assistant à l'office du dimanche .
Trois aspects rendent les messages des dirigeants de l'Église les plus impliqués dans ces questions moins efficaces que ce qu'ils pourraient être.
- D'abord, le manque de reconnaissance du fait que, si l'Eglise, dans ses œuvres d' assistance et de solidarité, ne peut certes faire une distinction entre les immigrés légaux et les immigrés illégaux , les États ont des devoirs différents , et cette distinction est indispensable pour eux, elle ne peut pas être la pierre angulaire des politiques de l'État sur les migrations .
- Deuxièmement , le fait que ces hauts prélats parlent beaucoup des droits des immigrés et très peu de leurs devoirs.
- Troisièmement , leur apparente indifférence aux questions de sécurité liées à l'immigration. Dès lors que, dans les différents pays européens , l'Italie notamment , il y a une majorité claire en faveur de politiques plus strictes en matière d'immigration illégale et d'engagement sur les questions de sécurité, il est clair que ces préoccupations sont partagées par de nombreux catholiques pratiquants . Mais de cela, il semble y avoir peu de traces dans les prises de position récurrentes de ces représentants autorisés du Vatican .

Un autre chercheur qui a mis en évidence le conflit fréquents entre les principes et la réalité dans les interventions de l'Eglise dans le domaine social est Luca Ricolfi dans son dernier livre : "Illusions italiennes. Comprendre le pays dans lequel nous vivons , sans écouter les lieux communs" .

Bien sûr il y a dans la hiérarchie de l'Eglise des éléments à contre courant (ndt: Pensons à Mgr Luigi Negri). "L'Avvenire" , par exemple , se donne beaucoup plus de peine pour offrir les faits à ses lecteurs que pour enfourcher la protestation contre chaque acte accompli au nom de la sécurité et la légalité.

Mais la pression exercée par le catholicisme militant pro-immigration est si forte que le journal de la CEI ne pourra jamais s'approprier noir sur blanc les considérations de Ricolfi ou Panebianco , même si, par hypothèse, il les partageait.

Et un évêque ou un cardinal , qui en privé, le penserait, pourrait encore moins le dire à haute voix .

L'unique, grande exception a été celle du cardinal Giacomo Biffi , à qui le parler clair n'a jamais fait défaut.

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Dans une mémorable conférence du 20 Septembre 2001 - quelques jours après la destruction des tours jumelles - le Cardinal Biffi a dit sur l'immigration des choses encore étonnamment actuelles .

Il a dit que l'État semblait avoir été frappé de surprise par la vague d'immigration, montrant une incapacité à "gérer la situation de façon rationnelle, entre des règles auxquelles on ne peut renoncer et les limites d'une coexistence civile ordonnée".

Mais il a dit que l'Eglise aussi semblait dépassée :

" Les communautés chrétiennes , admirables dans de nombreux cas, par leur promptitude à se prodiguer pour le soulagement de la misère et de la douleur , mais jusqu'à présent privées d'une vision qui n'est pas abstraite, ont été elles aussi prises par surprise . [...] L'exaltation générique de la solidarité et de la primauté de la charité évangélique - qui, en soi et , en principe, sont légitimes et même un devoir , sans distinction de race , de culture , de religion et sans renir compte de la légalité de la présence de l'homme en difficulté - s'avère plus généreuse et bien intentionnée qu'utile, si elle refuse d'affronter la complexité du problème et la rugosité de la réalité .

" Dans notre prise de conscience de pasteurs, nous aussi [...] nous avons eu sur ce sujet deux documents conséquents. [...] Tous deux visent en grande partie ( et à juste titre ) à construire et à diffuser dans la chrétienté une "culture de l'accueil" . Ce qui manque, en revanche, c'est un peu de réalisme pour apprécier les difficultés et les problèmes; et surtout, l'accent mis sur la mission évangélisatrice de l'Eglise à l'égard de tous les hommes , donc aussi ceux qui viennent habiter chez nous, est insuffisant . "

Voilà ce qu'a dit le Cardinal Biffi il y a neuf ans . Depuis lors , le gouvernement italien a fait quelque chose pour "gérer rationnellement" le phénomène migratoire .

L'Eglise aussi a fait quelque chose . Mais la substance des limites signalées par le Cardinal reste toujours valable . Comme le professeur Panebianco l'a souligné dans les points un, deux et trois de son argumentation mentionnée ci-dessus.

Note


(1) Texte signalé par Carlotta, un excellent commentaire trouvé sur le site des 4 Vérités... sauf qu'il implique injustement le Pape:
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Roms : un cléricalisme dévoyé et ridicule
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Les médias et la gauche se sont emparés des déclarations du curé lillois protecteur des Roms et de son renvoi de sa décoration de l’ordre du mérite.

Je prie le ciel, a-t-il dit, que Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque. Le Pape, les évêques, les prêtres le relayent, prêchent dans les églises la nécessaire hospitalité pour les étrangers (les Roms et les autres) et le dégoût d’une politique qui tente de les renvoyer dans leur pays.

C’est une illustration de la confusion du religieux et du politique qui, au cours des siècles, a vu des hommes d’Église prendre le vent et soutenir avec le même élan les rois et le peuple, les grands et les petits, les vertueux et les vicieux, les tyrans et les victimes… On se souvient de l’admiration béate de nombreux dominicains pour Mao Tsé Toung… Attitude caractérisée par la revendication de la bonne conscience des clercs accompagnée de leur abyssale naïveté. Nous voilà au stade ultime : celui de la perversion de la doctrine chrétienne.

C’est en effet pathétique et odieux à la fois de mettre la religion chrétienne et sa revendication principale, l’amour d’autrui, au service de gens qui revendiquent l’athéisme et détruisent la foi. Une fois de plus, voici le christianisme utilisé comme une arme politique. L’Église l’a dit, affirment tous les médias : Sar­kozy est un voyou, un salaud et un assassin… La condamnation est tombée urbi et orbi.

Je compare le christianisme en France à un agonisant, ses ennemis le tiennent et l’empêchent de respirer mais, de temps en temps, ils desserrent l’étranglement et permettent à l’agonisant de lâcher une parole favorable à ses bourreaux. Les médias se précipitent et donnent une résonance maximale à l’affaire. Alors la gauche exulte. Les propos des hommes d’Église sont relayés et amplifiés avec jubilation.
Il y a la scandaleuse politique raciste de droite qu’il faut combattre et les vertueux gens de gauche qui nous sauvent. Et les assassins du christianisme proclament avec la victime qu’ils étouffent : « Voyez, écoutez la parole de Dieu, elle dénonce les méchants et nous sommes du côté des bons. Votez pour nous, gauche de la fraternité ! »

Est-ce que le Christ a pris des positions politiques ? Certainement pas et même tout au contraire, puisqu’il a refusé de libérer son peuple oppressé par l’occupant romain.
(...)
La perversité de ce curé de Lille, c’est de faire récupérer ses petits gestes charitables par le combat médiatique et politique permanent. Pitoyable instrument, il transforme sa mission et dénature le christianisme qu’il prétend défendre. Un homme d’Église souhaitant la mort d’un président de la république et le disant publiquement, c’est vraiment le signe de la fin d’un processus qui a remplacé la foi, l’espérance et la charité par la lutte politique contre la droite : un tel christianisme n’est, non seulement, plus crédible, mais vraiment détestable.
Le christianisme français est en voie d’extinction. Bientôt, la gauche ne voudra même plus utiliser sa caution, car son audience sera définitivement éteinte. Il était simplement ridicule, le voici odieux.