Là où les medias veulent cantonner la religion et le Pape: une institution de charité, et une agence de notation à utiliser pour mettre les gouvernements (de droite) en difficulté sur le thème de l'immigration. Ce que pense vraiment le Pape, et ce que pensait le cardinal Ratzinger, il l'a déjà dit, dans des circonstances absolument analogues (23/8/2010)

-> Récupération indécente du Pape

Photo ci-contre: roms profitant de "l'aide au retour" faisant la queue pour embarquer à l'aéroport de Roissy
(AFP)


Nous assistons à une surenchère. Le Pape fait un vrai triomphe. Ce qui est franchement anormal.
D'autant plus que TOUTES les autres prises de position du Saint-Père sont soit ignorées, soit massacrées.

Des journalistes qui ne se donnent même pas la peine de s'informer (c'est pourtant facile, avec Google, surtout pour des gens qui passent leur temps à débusquer sur internet des "buzz" imbéciles) et qui surtout n'attendent qu'une occasion pour lui manquer de respect, se répandent en conjectures vaseuses sur "la condamnation par Benoît XVI de la politique de Sarkozy" (sic), allant jusqu'à souligner qu'il s'était exprimé pour l'occasion en français!
Des paroissiens ont été interrogés à la sortie de la messe, et comme par hasard, ceux qui sont habituellement "très réticents aux prises de position du Vatican", sont cette fois "entièrement d'accord avec les déclarations" du Pape, mis pour l'occasion dans le même sac qu'un curé qui connaît son heure de gloire pour avoir souhaité une crise cardiaque à Nicolas Sarkozy! Les autres trouvant que "le Vatican" ferait mieux de s'occuper de ses affaires (pédophilie et "silence" de Pie XII pendant la Shoah!!): une petite méchanceté en passant, ça ne fait pas de mal.

Comme ce qu'a dit le Saint-Père était le Bien, ce fracas médiatique ne peut relever que d'un malentendu.

Commençons par répéter qu'il ne s'agit absolument pas d'une "première", alors que certains medias prétendent que c'est la première fois que le Pape s'exprime sur ce sujet!
En mai 2009, les "respigementi", au large de la Sicile, de réfugiés en provenance de Lybie avaient provoqué de vives polémiques en Italie, avec la tentative par les medias (de gauche!) d'instrumentaliser l'Eglise, à travers la Conférence épiscopale, contre la politique migratoire du gouvernement Berlusconi, en particulier son ministre de l'intérieur de la Ligue du Nord, Roberto Maroni (ici et ici).
Voir aussi Le saint-Siège et l'immigration, avec l'avis de Messori.

Un peu plus tard, à Rosarno, dans le sud de l'Italie, deux immigrés avaient été blessés par balles aux jambes , dans le cadre de tensions persistantes avec la population locale "raciste et xénophobe", bien entendu, et après des manifestations d'immigrés qui avaient dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre.
Et lors de l'Angelus du 10 janvier 2010, le Saint-Père avait fait allusion de façon très claire (beaucoup plus qu'hier) à l'épisode.
Plaidant non pas pour l'immigration, mais pour les migrants, c'est-à-dire les hommes. Réclamant simplement la paix au sein de la "grande famille humaine".
Je crois qu'il est important de relire ce qu'il disait alors. On verra qu'on est très loin des commentaires consternants des incultes abyssaux qui nous désinforment.
(cf. http://benoit-et-moi.fr/2010-I/... )
J'ai mis entre [-] ce qui ne s'appliquait pas directement à la situation des Roms en France.


Chers frères et sœurs!

Ces derniers jours, deux événements ont attiré particulièrement mon attention: la condition des migrants cherchant une vie meilleure dans les pays [qui ont besoin, pour diverses raisons, de leur présence], [et les situations de conflits dans différentes parties du monde où les chrétiens sont l'objet d'attaques, parfois même violentes].

Il faut repartir du cœur du problème! Il faut repartir du sens de la personne! Un immigré est un être humain, différent par son origine, sa culture et ses traditions, mais c'est une une personne à respecter, avec des droits et des devoirs, en particulier dans le milieu du travail, où la tentation de l'exploiter est facile, mais aussi dans le domaine des conditions concrètes de la vie.
La violence ne devrait jamais être pour personne le moyen de résoudre les difficultés. Le problème est avant tout humain! J'invite à regarder le visage de l'autre et à découvrir qu'il a une âme, une histoire et une vie; c'est une personne et Dieu l'aime comme il m'aime.


Le Saint-Père avait justement consacré une partie de l'homélie de Noël au thème du "visage de l'autre".
Voici ce qu'il disait:

Méditer sur le mystère du visage de Dieu et de l'homme est une voie privilégiée qui conduit à la paix.
En effet, celle-ci commence par un regard respectueux, qui reconnaît dans le visage de l'autre une personne, quelle que soit la couleur de sa peau, sa nationalité, sa langue, sa religion. Mais qui, sinon Dieu, peut garantir, pour ainsi dire, la "profondeur" du visage de l'homme? En réalité, ce n'est que si nous possédons Dieu dans notre coeur, que nous sommes en mesure de saisir dans le visage de l'autre un frère en humanité, non pas un moyen mais une fin, non pas un rival ou un ennemi, mais un autre moi-même, une facette du mystère infini de l'être humain. Notre perception du monde et, en particulier, de nos semblables, dépend essentiellement de la présence en nous de l'Esprit de Dieu. C'est une sorte de "résonance": celui qui a le coeur vide, ne perçoit que des images plates, privées d'épaisseur. En revanche, plus nous sommes habités par Dieu, et plus nous sommes également sensibles à sa présence dans ce qui nous entoure: chez toutes les créatures, et en particulier chez les autres hommes, bien que parfois le visage humain lui-même, marqué par la dureté de la vie et du mal, puisse être difficile à apprécier et à accueillir comme épiphanie de Dieu. C'est donc à plus forte raison que, pour nous reconnaître et nous respecter tels que nous sommes réellement, c'est-à-dire des frères, nous avons besoin de nous référer au visage d'un Père commun, qui nous aime tous, malgré nos limites et nos erreurs.

Dès l'enfance, il est important d'être éduqués au respect de l'autre, même lorsqu'il est différent de nous.
L'expérience est désormais toujours plus fréquente de classes scolaires composées d'enfants de plusieurs nationalités, mais même lorsque ce n'est pas la cas, leurs visages sont une prophétie de l'humanité que nous sommes appelés à former: une famille de familles et de peuples.

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Un rappel


Pour terminer sur ce sujet, il est intéressant de rappeler ce que disait le cardinal Ratzinger - et donc pas le Pape.
Je renvoie à cette interviewe accordée par le préfet de la CDF en 1997 au Corriere della Sera, alors que le naufrage d'un navire de boat people albanais en collision avec une vedette militaire italienne faisait 87 morts et suscitait une vive polémique en Italie.
Je crois qu'on y trouve la clé de la recommandation paternelle faite hier au pélerins français, dans le cadre intime et familial de Castelgandolfo, très loin de la stigmatisation du gouvernement français (quelque contestable qu'il soit, ceci est une toute autre question):
Je pense que la défense d'un certain égoïsme contre la présence de facteurs qui perturbent le rythme de la vie quotidienne est profondément inhérente à l'homme (...)
Il faut de la patience. C'est un défi important pour l'Église d'éduquer les gens à ouvrir leurs cœurs.


* * * * *

(...) il serait inhumain de rejeter à la mer ces gens en fuite. Notre devoir est d'aider ces gens à rentrer chez eux et à y construire une vie digne. Cela doit être la perspective. Mais aujourd'hui, en attendant ce retour, nous devons leur offrir l'hospitalité.
(...)
Nous ne voulons pas être «perturbés». Il nous manque cette capacité de partager avec autrui, de les accepter, de les aider. C'est quelque chose que l'homme apprend difficilement. Je pense que la défense d'un certain égoïsme contre la présence de facteurs qui perturbent le rythme de la vie quotidienne est profondément inhérente à l'homme. Et que nous avons besoin d'une éducation permanente pour surmonter l'égoïsme, afin de faire face à des cas de ce genre.
(...)
[L'égoïsme] est un phénomène très humain. Je me souviens en Allemagne après la guerre, quand sont arrivés des millions d'Allemands expulsés de l'Est. Ils étaient Allemands comme nous, il était normal de les accepter. Cependant, l'hospitalité, dans les premiers jours, n'était pas si généreuse. Et ils ont souffert, en voyant ces cœurs endurcis. D'un autre côté, nos gens disaient, nous sommes déjà si pauvres ...
Il est très naturel d'avoir comme première réaction la défense de la normalité de sa propre vie. Il faut de la patience. C'est un défi important pour l'Église d'éduquer les gens à ouvrir leurs cœurs.
(...)
La politique doit être régie par des valeurs et participer à l'éducation aux valeurs. On peut défendre le patrimoine d'un peuple mais on ne peut pas vivre dans une île qui se sépare du reste du monde. Une fermeture du type "Nous allons bien, nous ne voulons pas ceux qui vont mal" est pour moi, une politique immorale."

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