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JOSEPH RATZINGER ET LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION
 

C'était le thème de réflexion choisi cette année par le Ratzinger Schülerkreis. Gianni Valente, sur le site Vatican Insider nous renvoie à une conférence donnée par le cardinal en 2000. Comme dans l'avion vers Madrid, il citait alors la parabole du grain de sennevé. (4/9/2011)




 

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A propos du Ratzinger Schülerkreis: Le séminaire estival du Pape (benoit-et-moi.fr/2010-II/..)
La conférence du Cardinal Ratzinger, en 2000, sur le thème de la nouvelle évangélisation: www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/....



 

Ratzinger, Teilhard et la Nouvelle Évangélisation
Le sujet abordé par les élèves de Ratzinger sera le thème du prochain Synode des Évêques, prévu à l'automne 2012
Source: Vatican Insider , ma traduction.
Gianni Valente
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La prochaine année du pontificat de Joseph Ratzinger sera fatalement traversée par le fil rouge de la Nouvelle Evangélisation. La formule inventée par Wojtylia était au centre de la rencontre annuelle, qui vient de s'achever, du Ratzinger Schülerkreis, le cénacle des anciens élèves qui se réunissent chaque année à Castel Gandolfo pour réfléchir ensemble dans un séminaire à huis-clos sur un thème spécifique, et rencontrer à cette occasion leur ancien professeur. Dans les prochains mois, en vue de ce rendez-vous important pour l'Eglise, le nouveau dicastère du Vatican créé à cet effet - et confié à Mgr Rino Fisichella - fonctionnera à plein régime, avec la tâche de relancer la mission apostolique, en particulier dans les pays occidentaux d'antique évangélisation, aujourd'hui les plus touchés par une déforestation évidente de la mémoire chrétienne.

Comme à son habitude, durant ce temps, le pape Ratzinger écoutera chacun avec respect et prendra en compte sans idées préconçues des analyses, opinions et conseils de provenance et de milieux divers. Mais sur celle question spécifique, il a aussi ses propres idées. Et justement, les lignes directrices de la sensibilité ratzingérienne sur cette question débattue peuvent offrir des antidotes puissants aux clichés qui réduisent la nouvelle évangélisation à une opération de marketing, un slogan pour une campagned'auto-promotion du produit-Eglise.

Une exposition achevée de la pensée de Ratzinger sur la nouvelle évangélisation se trouve dans un exposé que le cardinal bavarois fit le 10 Décembre 2000, prenant la parole au Congrès des catéchistes et des enseignants de religion organisé à Rome par la Congrégation pour le Clergé (1). À cette occasion, le futur pape , pour tracer les lignes de la nouvelle disposition évangélisatrice que l'Eglise du troisième millénaire est appelée à assumer, est parti de la parabole évangélique du grain de sénevé, proposé par Jésus dans l'Evangile de Matthieu comme une image du royaume de Dieu (« Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les graines, mais une fois poussée, elle est plus grande que lee autres plantes du jardin et devient un arbre , de sorte que les oiseaux du ciel viennent faire leur nid dans ses branches »).

Selon Ratzinger, quand on parle de la Nouvelle Evangélisation, il faut avant tout éviter « la tentation de l'impatience, la tentation de chercher immédiatement le grand succès, de chercher les grands nombres ». Cela, selon Ratzinger, « ce n'est pas la méthode de Dieu », pour lequel « est toujours valable la parabole de la graine de sénevé ». La nouvelle évangélisation « ne peut signifier: attirer immédiatement avec de nouvelles méthodes sophistiquées les masses qui se sont éloignées de l'Eglise ». L'histoire elle-même de l'Église enseigne que « les grandes choses commencent toujours par la petite graine et les mouvements de masse sont toujours éphémères ».

Pour développer ses arguments, à cette occasion le préfet de l'ex-Saint Office n'a pas hésité à citer un auteur en général pas vraiment valorisé dans les palais du Vatican: « Dans sa vision du processus de l'évolution », a rappelé Ratzinger « Teilhard de Chardin parle du "Blanc des Origines" (en français dans le texte): Le début des nouvelles espèces est invisible et introuvable pour la recherche scientifique. Les sources sont cachées - trop petites. En d'autres termes: Les réalités grandes commencent dans l'humilité. Laissons de côté, si et dans quelle mesure Teilhard a raison avec ses théories évolutionistes: la loi des origines invisibles dit une vérité - une vérité présente précisément dans l'agir même de Dieu dans l'histoire: « Ce n'est pas parce que tu es grand que je t'ai élu, au contraire - tu es le plus petit des peuples; je t'ai élu, parce que Je t'aime ... » dit Dieu au peuple d'Israël dans l'Ancien Testament, et il exprime ainsi le paradoxe fondamental de l'histoire du salut. Certes, Dieu ne compte pas avec de grands nombres; le pouvoir extérieur n'est pas le signe de sa présence. Une grande partie des paraboles de Jésus indiquent cette structure de l'agir divin et répondent ainsi aux préoccupations des disciples, lesquels attendaient bien plus de succès et de signes du Messie - des succès du type de ceux offerts par Satan au Seigneur ».

Lors de cette conférence, la croissance phénoménale du christianisme dans les temps apostoliques a elle aussi été reconduite par Ratzinger aux paraboles évangéliques de l'humilité et de l'apparente marginalité: « Bien sûr, à la fin de sa vie, Paul a eu l'impression d'apporter l'Evangile jusqu'aux extrémités de terre, mais les chrétiens étaient de petites communautés dispersées dans le monde, insignifiantes selon les critères séculiers. En fait, ils furent le germe qui pénètre la pâte et porte en soi l'avenir du monde ».

Les images et les critères proposés par Ratzinger à l'époque, préservent la Nouvelle Évangélisation de toute rhétorique triomphaliste et de toute névrose de "reconquista". Ils suggèrent également des conséquences opérationnelles pratiques concernant les méthodes les plus adéquates à sa réalisation. Il ne s'agit pas «d'élargir la place » de l'Église dans le monde. Dans son exposé devant les catéchistes, Ratzinger notait: « Nous ne recherchons pas l'écoute pour nous, nous ne voulons pas augmenter notre pouvoir et l'extension de nos institutions, mais nous voulons servir au bien des personnes et de l'humanité, donnant de l'espace à Celui qui est la Vie. Cette expropriation du moi en l'offrant au Christ pour le salut des hommes, est la condition fondamentale de l'engagement vrai pour l'Evangile ». Une Eglise auto-référentielle, qui renverrait seulement à elle-même, serait un instrument de confusion et de contre-témoignage, parce que « la marque de l'Antéchrist est de parler en son nom propre », alors «le signe du Fils est sa communion avec le Père». Ainsi, «Toutes les méthodes raisonnables et moralement acceptables doivent être étudiées - c'est un devoir de faire usage de ces possibilités de communication. Mais les mots et tout l'art de la communication ne peuvent gagner la personne humaine à cette profondeur à laquelle doit arriver l'Evangile. (...). Ce n'est pas nous qui devons gagner les hommes. Nous devons les obtenir de Dieu pour Dieu. Toutes les méthodes sont vides sans le fondement de la prière ».

À une autre occasion, en 1986, prêchant une retraite pour les prêtres de Communion et Libération (méditations par la suite rassemblées dans le petit livre "Regarder le Christ" , publié en France par Fayard) le cardinal Joseph Ratzinger repropose comme source de toute dynamique évangélisatrice authentique l'attrait de la grâce, opérée par le Christ lui-même et non par des programmes de l'Eglise. À cette occasion, le cardinal bavarois s'étend sur une comparaison éclairante avec ce qui s'est passé dans les premiers siècles chrétiens, notant que « l'Eglise primitive, après la fin de l'époque apostolique, développa comme Eglise une activité missionnaire relativement réduite, elle n'avait aucune stratégie propre pour l'annonce de la foi aux païens, et malgré cela, son temps devint la période de plus grand succès missionnaire. La conversion du monde antique », souligna Ratzinger devant les prêtres de CL, « n'a pas été le résultat d'une activité ecclésiale planifiée, mais plutôt le fruit de la vérification de la foi, vérification devenue visible dans la vie des chrétiens et dans la communauté ecclésiale. L'invitation concrète d'expérience en expérience, et rien d'autre, a été, humainement parlant, la force missionnaire de l'Église antique. (...) La nouvelle évangélisation dont nous avons tant besoin, nous ne la réalisons pas avec des théories habilement conçues: l'échec catastrophique de la catéchèse moderne n'est que trop évident .... "

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NDT:
(1) J'ai retrouvé le texte complet en français de cette conférence sur le site du Vatican:
www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/....




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