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Une interviewe du Père Lombardi

Dans le quotidien autrichien "Kurier" du 2 mai. Traduction de Marie-Anne (15/5/2010)

http://kurier.at/nachrichten/1998563.php

Le Père Lombardi s'exprime très librement sur les scandales pédophiles.
C'était avant le voyage au Portugal

Le pape ne dissimule pas “l’Affaire”
Entretien avec Federico Lombardi (*), directeur de la Salle de Presse du Vatican,
Sur le comportement du pape dans “l’affaire” de l’Eglise
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Un homme discret, élégant, dans son habit noir, entre dans le bâtiment de la Radio Vaticane, qui se trouve en face du Château Saint-Ange. Dans le hall d’entrée : les dernières nouvelles de la “Voix du pape”, et tout près de la grande armoire, un crucifix. Le père jésuite salue doucement et aimablement le personnel de l’accueil. Personne ne soupçonnerait qu’à cet instant c’est l’un des hommes les plus puissants du Vatican qui est entré à la Salle de Presse du Saint-Siège.

Federico Lombardi occupe un poste de commande dans la Rome cléricale. Agé de 67 ans, il contrôle non seulement la Radio et la Télévision Vaticanes, mais tout le travail du Service de Presse.

“Allons plutôt dans mon bureau” dit-il dans un allemand parfait, teinté d’un léger accent français. “Je n‘ai pas eu le temps de le ranger”. On y voit une statue de Guardiano di Finanza et un portrait souriant de Benoît XVI dans un cadre doré.

Tout au long de la conversation avec le KURIER (de Burgenland en Autriche), Federico Lombardi reste à la fois sûr de lui et décontracté lorsqu’on lui pose des questions délicates, gardant toujours le sourire. Pendant une heure et demie, il répond sans un moment d’hésitation à nos questions, sans se laisser déranger non plus par les sirènes parvenues des rues de Rome jusqu’à nous. A la fin de l’interview, il nous accompagne à la Piazza Pia et attend avec une patience d’ange l’arrivée du taxi. “Il est bon de respirer un peu d’air”, dit-il. En effet, ses journées commencent à 7 h 30 avec la célébration de la messe, et il ne quitte jamais son bureau avant 21 h.

Conny Bischofberger (envoyée spéciale du KURIER) lui pose des questions au sujet des abus sexuels :

- Père Lombardi, quand avez-vous vu le Saint Père la dernière fois ?
- F. L. : Ce matin même, à l’audience générale. Sinon, je le vois toujours lorsqu’il voyage, et aussi au déjeuner. Mais le plus souvent, c’est à la TV, puisque nous le suivons avec nos caméras durant les célébrations des messes solennelles (rire). Quant aux communiqués, et aux interventions, nous en parlons tous les jours avec son Secrétaire d’Etat, mais pas avec lui personnellement.

- Lorsque vous lui parlez, c’est en allemand ou en italien ?
- F. L. : Cela dépend des circonstances. S’il a vu avant moi son secrétaire privé, Mgr Georg Gänswein, il continue de parler avec moi en allemand, tout en s’excusant. Sinon, nous parlons en italien puisque le Saint Père le maîtrise infiniment mieux que moi l’allemand.

- En tant que porte-parole du Vatican, vous êtes pratiquement “la Voix du pape “.
- F. L. : Il est vrai que le pape lui-même ne se laisse interviewer que très rarement. Durant les cinq années écoulées, il n’a accordé que trois interviews : d’abord à la TV polonaise au sujet de Jean-Paul II ; ensuite à la Radio Vaticane, en allemand, avant la JMJ de Cologne ; enfin, à la TV bavaroise avant son voyage de 2006. Mais dans l’avion, il répond aux questions des journalistes qui me les donnent à lire auparavant.

- Et alors, vous en sautez quelques-unes ?
- F. L. : Je choisis des questions qui intéressent tout le monde. Mais ce n’est pas une censure.

- Pour le porte-parole du Vatican, le scandale des abus sexuels qui secoue toute l’Eglise représente un surcroît de travail, je suppose…
- F. L. : Ah oui, bien entendu, c'est une période où je suis sollicité plus souvent que d'habitude. Et je dois aussi corriger un certain nombre d'interprétations erronées. Mais cela fait partie de mon métier. Et ce n'est pas pour la première fois que cela arrive.

- L'Eglise dispose-t-elle d’ une agence pour temps de crise ?
- F. L. : Il faut comprendre le fonctionnement de l'Eglise. Ce n'est pas une multinationale, mais plutôt une communauté qui est enracinée en divers lieux, au niveau local, dans les paroisses et les diocèses, et aussi chez les évêques, dont il faut respecter les compétences.

- Mais le fonctionnement des médias, c'est tout le contraire. Si quelque part dans le monde il y a un scandale qui touche l'Eglise, cela rebondit sur l'Eglise tout entière, comme c'est le cas pour les organisation internationales.
- F. L. : Ce que pensent les médias, cela ne correspond pas toujours à toute la réalité. A ce propos je dirais que cela ne relève pas de ma compétence que de clarifier les directives des évêques allemands ou autrichiens ; il existe une répartition des domaines qu’il faut respecter. Le pape s’est engagé durant ces derniers mois surtout vis-à-vis de l’Eglise en Irlande. Mais ses déclarations sont valables aussi pour d’autres pays. J’ai communiqué sa lettre à la Presse et je réponds à ce sujet aux questions des journalistes qui sont accrédités chez nous à Rome. Tout doit se passer dans un certain ordre et dans la clarté.

- Beaucoup de personnes espéraient que le Saint Père ferait allusion dans son message de Pâques aux abus sexuels commis dans des établissements catholiques dans plusieurs pays. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?
- Le pape a déjà écrit une très longue lettre pastorale sur ce problème aux catholiques irlandais. Tout le monde a pu la lire et apprendre ainsi ce qu’il pensait sur la question. S’il a jugé bon de revenir durant la Semaine Sainte sur les mystères fondamentaux de la foi chrétienne, j’estime qu’il était libre de le faire : le pape peut choisir librement le sujet qu’il veut traiter à tel ou tel moment.

- Et aussi de se taire ?
- C'est faux. Personne n’a condamné de façon aussi vigoureuse ce qui s’était passé que le Saint-Père. Et pas seulement maintenant mais aussi par le passé. Benoît XVI a rencontré les victimes de ces méfaits aussi bien à Washington qu’à Sydney. Et des victimes du Canada sont venues aussi à Rome pour le rencontrer. Comme il le dit clairement dans sa lettre. Et à Malte, le sujet était aussi sur le tapis. Mais il ne peut évidemment pas parler maintenant que de cela.

- Le doyen du collège des cardinaux Angelo Sodano, a employé l’expression : ‘bavardage du moment’. Est-ce bien l’expression juste ?
- Ces paroles n’étaient sûrement pas bien choisies. Il voulait faire allusion aux paroles que le pape avaient employées quelques jours plus tôt mais dans un tout autre contexte. Le cardinal ne voulait sûrement pas minimiser le problème. Mais lorsque la situation est trop tendue, il arrive parfois, comme durant ces dernières semaines, qu’on commet des erreurs d’interprétation.

- Est-ce que le pape se sent affecté par ces reproches ?
- Le Saint Père sait très bien comment il veut procéder. Il suit une ligne très claire. La priorité, ce sont les victimes et leurs souffrances. L’Eglise doit essayer d’entreprendre un chemin de guérison. La rencontre avec les victimes est très importante pour le pape. Il a parlé aussi de la justice des tribunaux et de la responsabilité des coupables, en indiquant clairement quel procédé doit suivre l’Eglise. Avoir le courage de la vérité, sans rien dissimuler. Cela concerne aussi les communautés chrétiennes qui doivent assurer un climat où l’éducation puisse se faire en toute sécurité.

- Beaucoup trouvent révoltant que des prêtres qui se sont rendus coupables avaient été seulement déplacés à un autre endroit, par le passé, et ont pu donc rechuter.
- La plupart des cas remonte d’il y a 30 ou 40 ans déjà. On voit maintenant que c’était une erreur d’avoir donné à ces prêtres une autre affectation, d’avoir pensé qu'ainsi on résoudrait le problème. C’était une erreur qu'on a commise dans le partage des responsabilités. Et il est certain qu’aujourd’hui on procède tout autrement. Lorsqu’une accusation s’avère exacte il faut tout faire pour éviter que cette personne continue à nuire. Je parle des mesures préventives. Il faut aller jusqu’au bout du procès pour trouver les décisions nécessaires.

- Voulez-vous dire par là qu’aujourd’hui des choses pareilles ne peuvent plus se produire?
- Il est clair que personne ne voudrait que cela se reproduise et qu’il est nécessaire de trouver des solutions préventives. C’est un objectif prévu au programme des conférences épiscopales. Mais bien entendu, il faudra procéder avec sérieux et clarté.

- La grave accusation portée contre le pape d’avoir dissimulé un cas lorsqu’il était archevêque de Munich, est-elle un souci pour vous ?
- Le diocèse de Munich a répondu très clairement : Ce prêtre avait été accepté non pas par l’archevêque Ratzinger mais par le vicaire général. Un autre grief concerne les affaires traitées durant son mandat lorsqu’il était à la tête de la Congrégation de la Doctrine de la Foi. C’est le New York Times qui a publié des documents auxquels nous avons répondu clairement : Tout le personnel de la Congrégation peut attester que le Cardinal Ratzinger avait toujours suivi une ligne très claire dans ces questions, avec un comportement correct. Il était toujours pour la transparence, sans n’avoir jamais rien dissimulé. Et il exigeait d’appliquer le droit canon contre les coupables. Celui qui a émis des doutes concernant cette prise de position ne pouvait apporter du reste, aucun argument valable.

- La presse catholique avait annoncé que le pape Benoît XVI demanderait officiellement pardon pour les abus sexuels. Pouvez-vous confirmer cela ?
- Je n’ai aucune information sur cette question. Mais bien sûr, le pape est complètement libre de dire ou d’écrire quelque chose, s’il le trouve nécessaire, à la fin de cette Année sacerdotale. A mon avis on s’appesantit maintenant un peu trop là-dessus, même si le problème reste grave et important. Pour ma part, j’espère une belle parole d’encouragement venant du pape pour la majorité des prêtres qui n’ont commis aucun délit dans ce domaine mais qui sont restés fidèles et généreux dans le service du Seigneur et de son Eglise, et qui ont collaboré avec leurs contemporains durant de longues années.

- Tout ce scandale est aussi une catastrophe sur le plan financier. D’une part, il faut compenser les dégâts vis à vis des victimes, d’autre part, beaucoup quittent l’Eglise à cause de cela.
- Cela ne touche directement ni le Vatican ni le pape mais plutôt les églises locales. Le fait de quitter l’Eglise n’est pas un phénomène qui concernerait tous les pays, l’Eglise n’étant pas partout aussi centralisée. Cela ne touche donc pas l’ensemble de la chrétienté. Ceci relève des la problématique et de la réaité de telle ou telle communauté chrétienne. On ne fait pas de calcul pour cela dans l’Eglise universelle. L’essentiel, c’est la crédibilité et l’autorité morale de l’Église et la confiance des fidèles.

- Tout cela a-t-il provoqué une crise de crédibilité ?
- C’est tout à fait évident que les abus sexuels ne sont pas avantageux pour l’Eglise. C’est pourquoi il est important que l’Église poursuive de façon positive la confrontation avec ces problèmes, qu’elle tire la leçon de ce qui s’est passé et qu’elle sache se corriger dans l’avenir. Ce chemin a été déjà entrepris par plusieurs pays.

- Est-ce que l’Autriche en donne l’exemple ? Le Cardinal Schönborn s’exprime souvent et sans rien cacher, sur cette problématique.
- C’est exact. Mais les évêques allemands et américains traitent aussi le sujet avec loyauté. En particulier sous forme de tables rondes, comme cela se fait en Autriche et en Allemagne où toutes les couches de la société travaillent la question en concertation avec l’Église. Mais je voudrais dire aussi que le nombre des cas est infiniment moindre par rapport à l’ensemble de l’Église. J’ai l’impression que parfois on perd le sens des proportions.

- Le célibat, est-il une des causes de ce qui vient maintenant au grand jour ?
- Je ne pense pas. Il y a beaucoup de personnes compétentes qui ne voient pas de lien direct entre les deux. Nous savons que la grande majorité des pédophiles sont des gens mariés et donc ces méfaits se passent le plus souvent au sein des familles. Mais je ne suis pas un spécialiste de la pédophilie.

- L’Église, continuera-t-elle de s’attacher au célibat ?
- Le célibat des prêtres catholiques n’est pas un dogme, mais une discipline ecclésiastique qui remonte à une tradition ancienne et précieuse. Elle peut être étudiée et discutée du point de vue de l’histoire, de la spiritualité ou de la théologie, mais pas de ce point de vue-là.

- Est-il encore d’actualité ?
- Pour moi, oui. Durant toute ma vie j’avais des idées claires sur ce sujet et je me porte bien (rire).

- Vous êtes à un poste de commande au Vatican en tant que porte-parole du pape, directeur de la radio et de la télévision vaticanes, et aussi celui de la Salle de Presse. Comment pouvez-vous concilier tous ces jobs ?
- Je les ai reçus au fur et à mesure, pas tout à la fois. Et j’ai des collaborateurs remarquables! Nous formons un équipage très vivant. L’avantage de mon poste, c’est de pouvoir assurer une bonne coordination entre tous ces lieux différents. La Voix du pape relève de la Radio Vaticane tandis que les images sont prises en charge par la TV Vaticane ; nous les envoyons en 40 langues, de façon que cette richesse linguistique puisse être utilisée par tous les journalistes du monde entier.

- Père Lombardi, avez-vous lu le livre de Gianluigi Nuzzi qui dévoile le Vatican? (ndr: cela évoque fâcheusement les projections du site Kreuz.net)
- Non… Ce livre ne contient pas beaucoup de nouveautés qui soient importantes pour nous aujoud’hui. Il s’agit plutôt du passé. Et il y est question surtout de l’IOR (Istituto per le Opere di Religione) qui est une sorte de banque résidant au Vatican, mais qui n’est pas une institution du Saint Siège qui aurait un rôle soit dans le gouvernement de l’Eglise, soit dans la Cité du Vatican. C’est pourquoi je n’ai pas de liens directs avec l’IOR. Mais je viens de recevoir justement ces jours-ci un mail de Nuzzi qui veut me parler. Il est bien possible que j’aurai l’occasion de le rencontrer bientôt…

- Père Lombardi, est-ce que le Vatican se soucie des cas comme celui de Wagner qui a causé un tel scandale en Autriche ? Ou encore de l’évêque Elmar Fischer qui a puni avec violence ? Il paraît qu’il a dû rencontrer le Saint Père à Rome, ce qui a attisé des rumeurs concernant une possible démission.
- Pour moi il y a une règle très claire quand il s’agit des personnes. Je dois rendre public tout ce qui est décision officielle, par exemple, lorsque le pape accepte la démission d’un évêque. En dehors de cela je ne cherche pas à entretenir des rumeurs.

- Quels sont les plus grands défis qui attendent l’Eglise universelle dans l’avenir ?
- Je peux énumérer ici les priorités du pape : Tout d’abord c’est la relation de l’homme avec Dieu. La question est de savoir comment nous pouvons rendre proches la religion et la foi chrétienne de la mentalité des hommes de notre temps, y compris des jeunes. Les grandes questions de notre temps ne peuvent pas avoir une réponse sans l’éclairage de la foi chrétienne. Ce sont l’œcuménisme, le dialogue, le sens de la vie, les menaces contre l’humanité, la justice, la paix, l’environnement. A toutes ces questions, l’Eglise doit apporter une réponse, et cela entraîne une grande responsabilité. Si elle réussit à offrir une solution, elle aura bien rempli sa mission.

* Le Jésuite Federico Lombardi Wurzeln est né le 29 août 1942 à Saluzzo, en Italie. Il est le neveu de la figure légendaire Riccardo Lombardi (cf. Mouvement pour un monde meilleur). Il rentre dans la Compagnie de Jésus en 1960, étudie la philosophie à Gallarate, les mathématiques à Turin et la théologie à la Faculté de Philosophie et de Théologie Saint George à Francfort sur le Main. C’est pourquoi il parle un allemand parfait, tout en étant Italien de naissance. C’est en 1972 qu’il reçoit l’ordination sacerdotale.

D’abord il travaille à la Revue Jésuite “La Civilta Cattolica” dont il devient vice-rédacteur en chef. De 1984 à 1990 il est nommé provincial des Jésuites d'Italie. En 1991 il arrive à Rome pour diriger le programme de Radio Vaticane. En 2001 il devient le directeur de la TV Vaticane et en 2005 le directeur général de la Radio Vaticane.

Après la démission de Joaquín Navarro-Valls, le 11 juillet 2006, il est nommé par le pape Benoît XVI porte-parole du Vatican.

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Le Père Lombardi avait accordé en juin 2009 une interviewe au quotidien britannique The Catholic Herald, traduite ici: http://benoit-et-moi.fr/2009-II/...

Légion du Christ: un lecteur m'écrit Obrigado: Merci, très Saint-Père