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Le temps de construire

Zapatero est parti. Et maintenant ? Plutôt que de lancer des invectives contre le gouvernement sortant, JL Restàn pense qu'il serait temps de renouveler la recherche de cette rencontre entre la foi et la pensée laïque dont Benoît XVI nous montre (et a montré aux espagnols, l'an dernier, à Barcelone et à Saint-Jacques de Compostelle) le chemin. (23/11/2011)

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Article original ici: www.paginasdigital.es
Traduction de Carlota.

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Le temps de construire
José Luis Restán
23/11/2011
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Il semble évident que durant les deux législatures de Zapatero, les diverses articulations du monde catholique se sont constituées, sans plan ni coordination préalable, en un pôle de résistance sociale et culturelle, pour quelques-uns en une véritable opposition de facto. Mise à part l’exagération que cela peut supposer, il est indubitable que l’hostilité au laïcisme et à l’ingénierie sociale de Zapatero ont été un stimulant pour la mobilisation, pour l’adoption d’un profil public beaucoup plus visible (1). Or, avec le déclin du Zapatérisme surgit la question, et maintenant, quoi ? Quelle est l’urgence dominante et quels sont les chemins pour la mener à bien ?

C’est le moment de rappeler quelques-unes des choses dites par Benoît XVI en terre espagnole il y a un peu plus d’un an (à Barcelone et Saint Jacques de Compostelle), des indications et des pistes particulièrement courageuses en ce moment.

Pour commencer son invitation à ce que l’Espagne joue un rôle central pour ce qui fait référence au dialogue entre foi et laïcité. Tout ce qui est arrivé ces dernières années démontre jusqu’à quel point c’est une matière en suspens : en ce qui concerne les laïcistes bien sûr, mais reconnaissons le aussi pour les catholiques. Et si nous pouvons dire, pour qualifier la « résistance » qu’elle a été d’un niveau plutôt élevée, on ne peut pas dire qu’il en a été de même de la tentative (toujours ardue) d’avancer dans le dialogue, que nous avons différé trop longtemps. L’archevêque Fernando Sebastián (ndt Monseigneur Fernando Sebastián Aguilar né à Calatayud, en Aragon, en 1929 ; archevêque émérite de Pampelune, Navarre) le signale avec une grande sincérité et loyauté, quand il plonge dans les marécages de notre XXIème siècle dans son livre récent « Evangelizar » Évangéliser (voir ici).

Dès lors que l’anomalie d’un gouvernement sectaire a quitté le devant de la scène, il serait temps de renouveler la recherche de cette rencontre entre la foi et la pensée laïque. Certes c’est un devoir qui revient aux responsables de l’Église : théologiens, évêques, responsables de la société civile… Mais aussi à l’ensemble des chrétiens et de leurs communautés, parce qu'à côté du nécessaire dialogue intellectuel, il faut le dialogue de la vie.

Là encore, le Pape avec son réalisme, nous guide, en nous indiquant que les non-croyants, ceux qui cherchent et ne trouvent pas, vivent à notre côté, travaillent avec nous, se divertissent avec nous. C’en est assez que chaque regarde d’un autre côté, que chacun aime et cultive ses vieux préjugés: pour eux, le préjugé que nous, les catholiques, nous sommes les ennemis du progrès et que nous prétendons imposer à tous notre façon de penser et d’agir ; pour nous, que le monde laïc est nécessairement ennemi du christianisme et est dominé par des gens agressifs et sans valeur (ndt: Depuis plus de 200 ans, les faits, tout au moins en France, ne contredisent pas totalement ce terrible préjugé!)

Une autre indication de Benoît XVI a été que nous mettions au centre la question religieuse.
Nous avons fréquemment tendance à nous affronter durement sur les questions morales, mais pas tant sur la valeur civile de la religiosité. Le Pape a dit à l’Obradoiro (ndt la place de l’Atelier, Praza do Obradoiro en galicien, de Saint Jacques de Compostelle, discours lors du pèlerinage 2010 de Benoît XVI , texte ici) que la tragédie de l’Europe est que beaucoup se sont convaincus de ce que Dieu est « ennemi de l’homme et de sa liberté ». L’Espagne, évidemment, n’est pas un cas à part. Une grande tâche pour ces années serait d’ouvrir un espace à Dieu dans la vie espagnole, en montrant son véritable visage à travers ses témoins, à travers la charité et la beauté qui naissent de la vie chrétienne. Si l’homme est le chemin de l’Église, alors la proposition de l’Église doit rencontrer l’homme dans ses labyrinthes, dans sa rébellion et dans sa révolte, de façon à ce qu’elle n’apparaisse pas comme une espèce de policier des bonnes mœurs, mais comme un lieu de vie qui entre en un dialogue dramatique avec ses attentes.

Il y a quelques jours le cardinal Martínez Sistach (ndt: archevêque de Barcelone) disait dans l’émission radio de la chaîne COPE que depuis la consécration de la Sagrada Familla par Benoît XVI, on observe une nouvelle ouverture chez quelques non croyants, une demande plus claire, et un rapprochement plus simplement à ce que signifie cette foi qui au travers de Gaudí a élevé une telle symphonie de pierre.
C’est certain, nous ne disposons pas d’un Gaudí toutes les semaines et à chaque coin de rue, mais le christianisme est générateur de beauté dans tous les domaines de la vie, de la cohabitation, du travail, de la famille, de l’art, etc…Dans la ville sécularisée, le chemin de la beauté est essentiel pour ouvrir un espace à Dieu, c’est une dimension essentielle de ce que le Pape entend par « nouvelle évangélisation ».

Et il faut dire la même chose des oeuvres sociales qui montrent la fécondité de la sève chrétienne. Le cardinal Rouco (ndt: archevêque de Madrid et président de la Commission des Évêques en Espagne) vient de le souligner dans le contexte de la crise énorme que nous vivons. Il fait explicitement référence à la Caritas (ndt: l’Espagne utilise le terme générique latin et international, en France c’est le Secours Catholique), mais n’oublions pas que le tissu de la charité est beaucoup plus vaste : les banques alimentaires, les familles d’accueil, les centres pour immigrants, la coopération internationale. Tout cela est bien présent et est une partie essentielle de la construction civile que réclame le monde catholique. Sans oublier que la charité implique toujours le jugement historique de la foi, une compréhension de la réalité qui naît de l’expérience chrétienne, parce que sinon elle s’éteint dans le sentimentalisme ou dérive vers un moralisme triste et inutile.

Et après en être arrivé là, cela me bourdonne dans les oreilles.
Quid du Gouvernement? Qu’est ce que nous lui demandons? Que pouvons-nous en attendre?
Nous nous débarrassons de cet étatisme que nous aussi avons placé au dessus. La régénération morale et culturelle que nous désirons ne peut venir que des sujets vivants de la société, ainsi la première exigence au nouveau gouvernement devrait être qu’il ouvre le champ pour que s’expriment, construisent et éduquent les réalités vivantes de la société civile, et parmi elles, bien sûr, l’Église. Nous pouvons réclamer que disparaisse définitivement l’ingénierie sociale du zapatérisme et en échange pratiquer la subsidiarité. Qu’il [le gouvernement] transforme le laïcisme en une laïcité ouverte et positive. Nous en sortirons tous gagnants.

Toujours très conscient de ce que le Parti Populaire est un parti laïc, une plateforme dans laquelle cohabitent des identités culturelles diverses, il est raisonnable de demander au nouveau Gouvernement une réforme éducative qui favorise la liberté des parents et la liberté d’initiatives et qui renforce les contenus de la grande tradition humaniste occidentale. Et aussi qu’il reconnaissance sans ambages que la famille est un bien social de première importance, qu’elle n’est pas interchangeable avec d’autre type d’unions et de formes de cohabitation, et que pour cela elle doit être politiquement protégée. Enfin il est juste de demander un message clair en faveur de la vie, en supprimant cette aberration du droit à l’avortement.

Pour le reste, nous ne prétendons pas qu’un Gouvernement (pour bon qu’il soit, et nous espérons que le prochain le sera, pour ce qu’il nous doit) réalise ce qu’il ne peut pas et ne doit pas entreprendre.
Un certain titre acerbe signalait dernièrement que « les catholiques ont de nouveau gagné ». Je ne le crois pas, en tout cas, espérons qu’ils ont gagné la liberté et le sain pluralisme.
Parce que là, nous pourrons développer notre tâche au milieu des hommes, avec sympathie vers leurs aspirations et désirs, témoins de la surprenante humanité qui naît de la foi, toujours prêts à donner raison à notre espérance.

Ndt:

(1) Il est certain que ce n’est pas comme veulent le faire croire certains l’échec économique de Zapatero qui a apporté ce militantisme des Espagnols, mais bien un ras le bol.
Il a réussi certes à perdre les électioins, mais il y a 7 députés ETA (le fameux Amaiur que j’ai pudiquement qualifié de gauche, puique ETA a soit disant déposé les armes et a eu le droit d’avoir un parti légal) au parlement ! Pas mal non plus comme cadeau de départ.

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