Juan Vilanova , un catholique contre Darwin

Pour nous changer un peu de l'actualité, une belle histoire…et un grand savant catholique à découvrir grâce à un article de Carmelo López Arias - traduit par Carlota (5/10/2012)

Texte en espagnol ici: www.religionenlibertad

 

>>> Pour aller plus loin: Quatre sermons de Carême prononcés par le Cardinal Ratzinger en 1981, et publiés en 2005 en France sous le titre:
Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.

 

Juan Vilanova, père de la géopaléontologie en Espagne: un catholique contre Darwin
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Quand Juan Vilanova y Piera mourut, il était professeur de Géologie et de Paléontologie à l’Université Centrale de Madrid et le plus grand expert espagnol de son temps en ce qui concerne les fossiles. Il était ainsi pratiquement l’unique scientifique qui soutenait l’authenticité des peintures de la grotte d’Altamira (ndt: cf. ici).

Le débat se résumait alors à deux positions: les darwinistes n’admettaient pas cette perfection artistique chez un homme primitif dont l’habileté devait être substantiellement différente de celle de l’homme contemporain; alors que pour les adversaires du darwinisme, le fait que cette beauté avait des milliers d’années confirmait leur conviction de l’identité de la nature humaine dans le temps.

Père de la géo-paléontologie et de la préhistoire espagnoles
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La discussion avait beaucoup d’idéologie dans ses motivations, mais était expérimentale dans les arguments utilisés, à une époque où la multiplication des découvertes paléontologiques, de même que leur datation et analyses suscitaient des passions. Et Vilano, qui avait décrit le premier dinosaure trouvé en Espagne en identifiant des restes d’iguanodon à Ytrillas (Teruel -Aragon) et à Morella (Castellón - Valence) s’était rendu célèbre, en particulier, au regard de son travail d’investigation étendu et internationalement reconnu, pour s’être opposé aux thèses de Charles Darwin sur l’origine des espèces.

L’histoire de cette polémique a été rappelée dans un livre récemment publié par la Députation de Valence, la ville natale de Juan Vilanova y Piera (Valence 1821- Madrid 1893), sur l’œuvre de ce naturaliste et préhistorien originaire de la province de Valence, et dont les auteurs sont Francisco Pelayo López et Rodolfo Gozalo Gutiérrez. Il inclut la reproduction d’un chapitre du Manuel de Géologie de Vilanova intitulé «Concordance entre la Genèse et la science » (cf. ici).

La vérité de la Bible et la vérité scientifique est la même
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Au delà de la polémique évolutionnisme-antiévolutionnisme, qui continue à être vive aujourd’hui sous des paramètres distincts - plus génétiques que morphologiques (1) - se détache la cohérence de la position de Vilanova. Son argumentation contre le darwinisme est scientifique, non religieuse, et ce qu’il expose c’est la compatibilité entre tout ce que dit la Bible, et les connaissances sûres que fournissait la science de son époque.

« Moïse ne s’est pas proposé d’écrire un traité de Géologie, et ne s’est non plus adressé à un peuple de savants pour leur parler de ces conceptions philosophiques » souligne-t-il. Et son objectif, c’est de présenter « les harmonies entre la Genèse et les sciences modernes le jour où les progrès successifs de ces dernières et la meilleures interprétation de la Genèse ont permis de l’établir et d’en avoir la jouissance ».

« On a pu noter » continue-t-il « que toutes les observations, tous les faits que les sciences ont conquis à travers les siècles et en luttant contre des difficultés sans nombre, sont bien plus qu’une confirmation complète des faits établis par Moïse dans ce livre sublime, dont l’authenticité et la très ancienne date ne sont mises en doute par personne. Et cela ne pouvait se passer d’une façon moindre, car si la révélation est la vérité qui émane de Dieu, les sciences ne pouvaient pas être en opposition, son objectif final étant aussi la recherche de la vérité ». Étant pris en compte, en outre, le « langage entièrement symbolique et métaphorique de la langue hébraïque et des peuples d’Orient » qu’utilise la Bible.

Avec la censure ecclésiastique
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Vilanova, catholique convaincu et militant, était très attentif à ces affirmations sur les Saintes Écritures. Quand il a publié son « Origine, nature et ancienneté de l’homme » en 1842, il a soumis à la censure ecclésiastique les pages concernant le récit de la Création.
« La formation successive des différents êtres que rapporte l’historien sacré est en harmonie parfaite avec la doctrine que suit M. Vilanova en ce point ; et bien que sur le terrain de la science il assure que l’ancienneté de l’homme sur la terre est plus importante que celle que l’on suppose par les calculs variés faits sur ce point, cependant nous pensons qu'il n’est pas contraire au dogme catholique de soutenir cette opinion, puisque l’Église n’a pas déclaré le nombre fixe d’années que l’homme a sur la terre… Nous n’avons pas vu non plus une contradiction avec le texte sacré quand la géologie a découvert que les couches terrestres nous démontrent que la vie a du se succéder graduellement sur la terre et même en raison directe avec la complication de l’organisme ; puisque cette théorie se déduit de la Genèse elle-même », a dit le Vicariat ecclésiastique de Madrid.

La censure ecclésiastique conclut en rappelant que « L’Église est toujours allée de l’avant dans les connaissances scientifiques et a protégé en tout temps les sciences naturelles (pour autant que la médisance dise le contraire) ».

Périodes cosmiques et géologiques
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Quant à la question chronologique, par exemple, Vilanova affirme, dans « Concordance entre la Genèse et la science », que la période d’apparition de la matière qui devait constituer plus tard les centres planétaires, les planètes et leurs satellites (période que nous avons appelée cosmique) » fut « d’une durée indéfinie pour la science comme pour Moïse », et la seconde période de la Création fait référence « à l’histoire particulière de la Terre et correspond aux temps que nous appelons géologiques ». Comme déjà l’avaient établi les exégètes bibliques, l’expression « jour » dans la Genèse ne fait pas référence à une période de vingt-quatre heures, pour laquelle Vilanova ne voyait aucune contradiction avec les périodes de milliers d’années que sa science commençait à étudier.

Il ne s’agissait pas, donc, d’opposer des vérités religieuses à des vérités scientifiques, mais d’examiner lesquelles étaient réellement des vérités religieuses et lesquelles étaient réellement des vérités scientifiques, parce que, entre les deux la contradiction était impossible.

Donc, sans entrer dans la période concrète actuelle de la polémique sur l’évolution, il semble clair que Vilanova a eu raison en ce qui concerne les grottes d'Altamira, il a eu raison en ce qui concerne le darwinisme, - tenu à l’écart par les évolutionnistes sauf en ce qui concerne l’intuition de Darwin qui est à l’origine de l’hypothèse transformiste (2), et il a eu raison en formulant il y a plus d’un siècle les critères avec lesquels l’Église approche aujourd’hui chaque nouvelle découverte scientifique.

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(1) Je vois ici un article dans le « Monde » qui laisse pantois et défie toute logique y compris dans l’utilisation du mot « espèce ». Un parfait exemple de ce que peut-être l’idéologie au-delà des connaissances scientifiques. Il serait intéressant de demander à des élèves de faire une explication de texte du document. Mais c’est vrai que le Monde a son spécialiste des religions et notamment du catholicisme, alors pourquoi n’aurait il pas son spécialiste des hominidés (des hommes ?) de la préhistoire.

(2) Le problème de la « disparition » de certaines espèces a fait naître la théorie de l’évolution des espèces et du transformisme (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Transformisme ), exposée d’abord par le Français Jean-Baptiste de Lamarck mais effectivement près d’un siècle plus tard Charles Darwin se rendit célèbre en évoquant le sujet.