La voûte de la Sixtine a 500 ans

et demain, Benoît XVI y célébrera les vêpres. Dans l'OR, le directeur des musées du Vatican explique les risques que le tourisme de masse fait peser sur le chef-d'oeuvre absolu de Michel-Ange. (30/10/2012)

Demain (31 octobre) à 18 h, Benoît XVI présidera des Vêpres dans la Chapelle Sixtine, pour commémorer le cinquième centenaire de l'achèvement des fresques de la Voûte par Michel-Ange. Le 31 octobre 1512, Jules II avait inauguré l'oeuvre par les Vêpres solennelles de la Toussaint.

L'OR donne à cette occasion la parole à Antonio Paolucci, directeur des musées du Vatican, "un des collaborateurs les plus appréciés de Benoît XVI", nous dit Salvatore Izzo. Qui ajoute que le pape lui-même a souhaité expressément ne limiter en aucune façon l'accès aux Musées. On sait que le Saint-Père considère l'Art (et d'autant plus dans sa forme la plus parfaite) comme le meilleur auxilliaire de la nouvelle évangélisation.

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Le 31 Octobre, 1512 le pape Jules II inaugurait la Chapelle Sixtine que Michel-Ange venait d'achever
Cinq siècles de lumière aveuglante

Les Musées du Vatican travaillent à sa conservation optimale et il n'est pas vrai que cela nécessitera l'adoption d'un nombre limité de visiteurs
Antonio Paolucci, directeur des musées du Vatican

Chaque jour, au moins dix mille personnes, avec des pics de 20 000 dans les périodes de pointe d'afflux des touristes, entrent dans la chapelle Sixtine.
Ce sont des gens de toutes provenances, langues et cultures. De toutes religions, ou sans religion. La Chapelle Sixtine est l'attraction fatale, l'objet du désir, l'objectif essentiel pour le peuple international des musées, pour les migrants de ce qu'on nomme le tourisme culturel.
En ce 31 Octobre 1512, quand Jules II inaugura avec la liturgie des vêpres la voûte de Michel-Ange, terminée après un effort immense de quatre ans (1508-1512), le Pape ne pouvait pas imaginer que de ces plus de mille mètres carrés de fresques allait déferler sur l'histoire un violent torrent de montagne porteur de félicité, mais aussi de dévastation (?), comme l'écrivait Woelfflin en 1899 avec une belle métaphore (Heinrich Wölfflin, né à Winterthour le 24 juin 18641 et mort à Zurich le 19 juillet 1945, est un historien de l'art, écrivain et professeur suisse).
En effet, après la Voüte, l'histoire de l'art en Italie et en Europe changea radicalement. Rien ne serait plus jamais pareil. Avec la Voüte a commencé cette saison de l'art que les manuels appellent «maniérisme». Le plafond - écrit Giorgio Vasari - deviendra la lanterne servant à éclairer l'histoire des styles pour de nombreuses futures générations d'artistes.
Bien sûr, aujourd'hui, cinq millions de visiteurs par an à l'intérieur de la chapelle Sixtine, vingt mille par jour pendant les périodes de pointe, représentent un problème très difficile. La pression anthropique, avec les poussières induites, avec l'humidité que les corps transportent avec eux, avec le dioxyde de carbone produit par la transpiration, impliquent une gêne pour les visiteurs et, à long terme, des dommages pour les peintures.

Nous pourrions limiter l'accès, introduire un numerus clausus. Nous le ferons si la pression du tourisme devait augmenter au-delà des limites raisonnables de tolérabilité, et si nous ne pouvons pas résoudre le problème avec une efficacité adéquate. Mais, contrairement à ce qui est apparu dans certains médias, je crois que dans le court et le moyen terme, l'adoption d'un numerus clausus ne sera pas nécessaire.
En attendant, il convient de mettre en œuvre toutes les possibilités technologiques les plus avancés capables de garantir l'élimination des poussières et des polluants, une ventilation rapide et efficace, le contrôle de la température et de l'humidité.
Giovanni Urbani (1925-1994, critique d'art italien et directeur de l'Institut central de la restauration des oeuvres d'art), disait qu'il n'est pas donné à notre époque d'avoir un nouveau Michel-Ange. Il nous est toutefois donné de maîtriser la technique qui nous permettra, si elle est correctement appliquée, de préserver le Michel-Ange que l'histoire nous a confié, dans les meilleures conditions et le plus longtemps possible.

(©L'Osservatore Romano 31 octobre 2012)