Le coeur des jeunes n'est pas virtuel

... et c'est pour cela que le Pape va sur Twitter. Bien au-dessus des polémiques "pour ou contre les réseaux sociaux". Très bel article sur Il Sussidiario (5/12/2012)

>>> Image ci-contre: Paul devant l'aréopage d'Athène

     

Le Pape va sur twitter parce que le coeur des jeunes n'est pas virtuel
Paolo Ponzio,
Il Sussidiario (ma traduction)
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«Dieu ne s'est pas enfermé dans son ciel, mais il s'est penché sur les histoires de l'homme: un grand mystère qui va jusqu'à dépasser toutes les attentes possibles».
Par ces mots, il y a quelques jours, Benoît XVI commençait son homélie devant les étudiants, au cours des premières vêpres de l'Avent, samedi 1er décembre (texte en italien ici).
«Dieu n'est pas enfermé dans son ciel»: ce n'est pas un Dieu lointain, le Dieu chrétien, un Dieu enfermé dans son espace divin, absolu, hyperbolique et "hyperuranique" (ndt: selon Platon, l'hyper-uranie est une zone au-delà du ciel où résident les idées). Ce n'est pas un Dieu qui reste à regarder de l'extérieur de la réalité, mais un Dieu qui se penche sur l'homme, marche avec lui, faisant un bout de chemin avec lui: un Dieu proche de l'homme, au point de rentrer dans l'histoire et de se faire son compagnon. A partir de ce moment, tout ce que l'homme pensait de Dieu a subi un changement étrange: les hommes eux-mêmes qui ont partagé avec ce «nouveau Dieu» une période de leur vie (trois ans, nous disent les récits historiques) ont commencé à en refaire l'expérience, partageant avec ceux qu'ils rencontraient l'espérance qu'Il avait suscitée en eux. Ainsi Pierre, le pêcheur, réticent, rencontre le premier païen et le baptise, et Paul de Tarse se décide à parler à l'Aréopage d'Athènes, le berceau de la culture païenne et laïque, comme nous dirions aujourd'hui.
Alors, comme aujourd'hui, les chrétiens non seulement n'ont jamais cessé d'annoncer ce qu'ils avaient rencontré, mais ont aussi toujours cherché de nouvelles façons de le communiquer et d'en témoigner, en tenant compte à la fois des interlocuteurs et du contexte, suivant - encore une fois - ce que Jésus lui-même leur avait montré quand parlait aux scribes, aux pharisiens, aux pauvres, aux gens.

Seul ce même amour, propre au Christ, peut pousser un homme de 85 ans à vouloir dialoguer sous une forme inattendue et très éloignée de ses pratiques habituelles, en utilisant l'un des canaux innovants les plus populaires.

Le Pape ne «débarque» pas sur Internet avec le compte twitter @pontifex, ou avec la nouvelle application «Le pape» pour l'iPhone, pas plus qu'il ne se prépare à bénir la réalité virtuelle au détriment de celle «matérielle», comme cela a été dit dans les commentaires de certains des journaux les plus lus de la péninsule italienne. L'objectif poursuivi par Benoît XVI est bien différent, comme il l'a rappelé dans son son message pour la Journée mondiale de la Jeunesse à Rio de Janeiro (1): «C’est à vous, jeunes, qui vous trouvez presque spontanément en syntonie avec ces nouveaux moyens de communication, qu’incombe, en particulier, la tâche de l’Évangélisation de ce "continent numérique" ».

C'est cela, le motif pour lequel le Pape entre dans le monde du Réseau, pour nous montrer le chemin en faisant avec nous un bout de route. Comme Jésus avec les apôtres (et plus tard, ceux-ci avec ceux qu'ils ont rencontrés), le Pape ne veut pas laisser seul l'homme "cybernétique", mais il désire l'accompagner en s'impliquant à la première personne.
Il ne s'agit pas de prendre position sur ce que la réalité virtuelle représente ou même de vouloir promouvoir le syndrome japonais "hikikomori" de celui qui s'isole du monde réel: à d'autres endroits, le Pape s'est exprimé contre le risque de dépendance à Internet, le risque de confondre le monde réel et le monde virtuel en remplaçant la rencontre réelle par des contacts virtuels.

De façon analogue à ce qui s'est toujours produit dans l'histoire du christianisme, le Pape sur Twitter n'a d'autre but que de témoigner la foi dans le Dieu unique qui s'est fait homme, Jésus de Nazareth. Sans, toutefois, que cela devienne dogme pour les chrétiens: le magistère ordinaire du Pape, en effet, n'assume aucun caractère d'infaillibilité, étant seulement l'une des possibilités par lesquelles croyants ou non-croyants peuvent s'approcher du Christ.
A nous, donc, il ne reste qu'à nous rappeler de la recommandation de Paul à la communauté de Thessalonique, juste quelques années avant l'avènement d'Internet: «.. éprouvez toutes choses ; retenez ce qui est bon» (Thes. 5:21)

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[1] Je voudrais signaler deux domaines dans lesquels votre engagement missionnaire est particulièrement requis. Le premier champ d’apostolat est le monde des communications sociales, en particulier le monde d’internet. Très chers jeunes, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, « engagez-vous à introduire dans la culture de ce nouvel espace communicatif et informatif les valeurs sur lesquelles s’appuie votre vie ! (…) C’est à vous, jeunes, qui vous trouvez presque spontanément en syntonie avec ces nouveaux moyens de communication, qu’incombe, en particulier, la tâche de l’Évangélisation de ce « continent digital ». Usez donc ce moyen de communication avec sagesse, en évitant les pièges inhérents à internet, en particulier le risque de dépendance, le danger de confondre le monde réel et le monde virtuel, de substituer la rencontre et le dialogue direct avec les personnes par des contacts sur le web.