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Benoît XVI, le sacré et le saint

Réflexion sur la démission de Benoît XVI. L'auteur, Stefano Fontana, réfute "la version dé-sacralisante" avancée par certains médias, selon laquelle " la papauté allait devenir une charge comme tous les autres, laïcisée, dans le temps, et dans un but fonctionnel (1er/4/2013)

Dans un article écrit au lendemain de la démission de Benoît XVI, Stefano Fontana mettait en garde sur la Bussola contre ce qu'il appelait "la réduction moderniste": il ne faut pas que la démission du Saint-Père serve de prétexte aux modernistes pour faire avancer leurs thèses, en opposition à tout son Magistère de Pape et son enseignement de théologien, à l'encontre de son vrai message... et au détriment de l'Eglise (traduction ici: benoit-et-moi.fr/2013-I)

Un mois après, le 11 mars, donc juste avant le début du Conclave, le même Stefano Fontana, toujours sur La Bussola, prolongeait cette réflexion dans un autre article intitulé "Minimalisme papal" (cf. www.lanuovabq.it). L'article (trouvé grâce au site ami Totus Tuus) est également repris sur le site "Osservatorio Internazionale Cardinale Van Thaän" sur la doctrine sociale de l'Eglise (Bulletin n ° 463 du 18 Mars 2013).

Benoît XVI, le sacré et le saint
par Stefano Fontana
http://www.lanuovabq.it
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La douloureuse décision de Benoît XVI de quitter le pontificat a immédiatement été interprétée de différentes façons. Parmi celles-ci également la version dé-sacralisante: la papauté allait devenir une charge comme tous les autres, laïcisée, dans le temps, et dans un but fonctionnel. Le pape «un des nôtres». La Nuova Bussola a tout de suite mis en garde contre ces interprétations qui sont toutefois assez fréquentes, même dans l'Église, et surtout à la base, à travers les hebdomadaires diocésains.

Ces jours-ci un théologien a écrit: «Au fond, le christianisme a désacralisé la religion: en se faisant chair, Jésus a comblé le fossé avec les hommes. Pour nous chrétiens, la grandeur est dans la sainteté, et pas dans le caractère sacré: le caractère sacré indique une distance, contrairement à la sainteté ». Le geste du pape est donc vu comme un abandon du sacré pour passer à la sainteté.
Selon ma façon de voir dans la vie de l'Église, il y a la sainteté et le sacré. Bien sûr, les personnes ne sont pas sacrées, mais parfois saintes. Chaque croyant est appelé non pas à se sacraliser lui-même, mais à se sanctifier. Cela ne veut toutefois pas dire qu'il n'y a pas aussi le sacré, comme dépôt objectif de la grâce dans lequel puiser pour être saints. L'Écriture Sainte est sacrée. Les sacrements sont sacrés. L'Eucharistie est sacrée. Le Tabernacle, et l'Eglise comme lieu, sont sacrés. Marie est sans aucun doute Très sainte, mais elle est également sacrée, parce que Tabernacle vivant. L'Église est sainte, mais aussi sacrée, en tant que mystère. Le prêtre peut être plus ou moins saint, mais il est certainement sacré, tout comme est sacrée la consécration qu'il fait sur l'autel. Notre corps possède sa propre sacralité car il est le temple de l'Esprit Saint. Le Pape et les évêques peuvent être plus ou moins saints comme fidèles, mais ils sont aussi sacrés, en tant que successeurs de Pierre et des apôtres.

Le Christ a désacralisé la religion païenne, en ce qu'il s'est opposé au sacré comme mythe et a enseigné à adorer le Père "en esprit et en vérité". Il s'est certes fait chair, mais il ne s'est pas réduit à la chair. Il s'est fait l'un de nous, mais il ne s'est pas réduit à d'entre nous. Il s'est présenté lui-même comme le Temple et a dit qu'il pouvait être adoré aussi en dehors des lieux désignés pour cela. Mais il n'a pas cessé de se laisser trouver dans le caractère sacré de la grâce de Dieu et dans toutes les occasions sacrés où l'Église le célèbre et l'annonce.
Parler de sainteté en coupant les ponts avec le sacré, et même présenter la sainteté comme l'anti-sacré, comme l'abandon du sacré, comporte à mon avis beaucoup de malentendus. Cela signifie s'en remettre "mains levées" à la sécularisation, ce qui est souvent une désacralisation sans pour autant porter à la sanctification.

Pour en revenir à Benoît XVI, il a voulu continuer à vivre dans "l'enceinte de Saint-Pierre" la considérant évidemment comme un lieu sacré. Il a dit, utilisant une image de l'Evangile, vouloir se retirer "sur la montagne", bibliquement le lieu sacré par excellence. Il a dit rester uni à l'Eglise dans la sacralité de la prière. Il n'est pas devenu «un des nôtres», il n'a pas ôté l'habit blanc et ne s'est pas retiré pour une vie privée. Il n'est plus Pape, mais il n'est pas parti en retraite. Après cette démission, le Pape ne devient pas un employé de l'Etat du Vatican, saint, peut-être, mais plus sacré.
Papauté forte parce qu'humaine, comme le titrait un journal? Non, merci! Papauté forte, parce que divi ne.