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Le téléphone du Pape François

... ou comment se bâtit une légende (3/9/2013)

En trois articles lus dans la presse italienne, des explications, sans commentaires.

     

1. Les gestes de François (...)

Un extrait d'article (http://www.vinonuovo.it) qui permet de comprendre comment fonctionnent, auprès des gens, les "gestes" de Papa Bergoglio, avec en premier lieu, évidemment, les appels téléphoniques. L'auteur est probablement un catholique progressiste, mais c'est plutôt bien vu.

François, rien que François.
Guido Mocellin
1er septembre 2013
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Ce qui frappe, c'est que la dynamique de l'attention médiatique sur le Pape Bergoglio n'a pas grand chose d'artificiel


Reprenant, après des semaines de suspension estivale, le "monitorage" des "titres avec Dieu" sur les quotidiens italiens, je découvre l'eau chaude: dans la semaine du 24 au 30 août (mise à part l'importante nouvelle, sortie le 31 août, de la nomination de Mgr Parolin comme secrétaire d'Etat), comme dans celles précédentes, le Pape François a continué à catalyser de manière absolue l'attention de l'opinion publique intéressée aux choses de religion.
Son activité quotidienne et de célébration totalise en effet 43 titres religieux sur 160 (autrement dit, six par jour), alors que, y compris dans la bonne couverture obtenue par le second argument de la semaine - les institutions religieuses face à la crise égyptienne et syrienne, 26 titres - il y a de toutes façons une importante contribution de lui, en particulier en raison de l'audience au roi de Jordanie et à son épouse.
Et ce qui frappe, au moins à première vue, c'est que la dynamique de cette attention n'a rien d'artificiel. En d'autres termes: ce ne sont pas les médias qui, à partir du fait que François "tire", soulignent le plus petit et le plus insignifiant de ses gestes, mais c'est plutôt le pape Bergoglio qui, quotidiennement ou presque, accomplit des gestes ou prononce des mots qui méritent vraiment d'être mis en relief et commentés.
Parmi ceux-ci, les coups de téléphone directs et hors-prtocole , à des frères et soeurs particulièrement blessés par la vie.
Parmi les nombreuses hypothèses interprétatives que j'ai pu lire autour de cette indubitablement extraordinaire habitude, j'ai trouvé particulièrement convaincante celle formulée par Marco Politi sur Il Fatto Quotidiano (le journal de gauche relais des Vatileaks!, ndt) daté du 28.8.2013, selon laquelle il s'agit d'une exhortation, offerte surtout aux prêtres, à ne pas cesser d'exercer leur proximité de pasteurs: "Le pape-prêtre repropose au clergé de tous les continents la figure active du curé qui reste en contact étroit avec les fidèles, des prêtres qui connaissaient en chair et en os leurs paroissiens, leurs relations, leurs projets, leurs peines, leurs désillusions, leurs joies, leurs ivresses, leurs dépression".
(...)

     

2. Ce téléphone dans la chambre 201...

... fil direct de François avec le monde
Paolo Rodari
La Repubblica (source)
28 août 2013
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Il y a eu le temps de la communication de masse. Wojtyla qui parlait aux foules, avec les grandes manifestations, considérées comme un moyen pour arriver au coeur des gens.
Aujourd'hui, François parle à l'individu pour atteindre l'humanité. Il décroche le combiné du téléphone fixe, et depuis la chambre 201 de Sainte Marthe, en consultant un annuaire jauni par les années, il appelle ceux qui se sont adressés à lui pour une parole de réconfort, ou une confrontation intime. Ce sont des milliers de lettres que le service de poste du Vatican lui transmet chaque jour.
Don Alfred Xuereb, son secrétaire, ne peut pas les filtrer. Et le Pape d'ouvrir les enveloppes, l'une après l'autre, souvent l'après-midi. Et souvent de choisir qui il appelle.
Le dernier coup de téléphone date de dimanche dernier, à 15h50.
«Quand j'ai entendu la voix du Pape au téléphone, l'après-midi, il m'a semblé être touchée par la main de Dieu», a raconté l'argentine Alejandra Pereyra, 44 ans, victime d'un viol de la part d'un policier. François lui a parlé pendant trente minutes: «Vous n'êtes pas seule», lui a-t-il dit (ndt: si l'on en croit le récit de Rodari, il a donc employé le "Lei" qui est la troisième personne de politesse en italien. Comment s'est-il exprimé en espagnol?)
Autres temps par rapport aux messages glaciaux de Pie XII. Ou au coup de téléphone en direct de Stanislas Dziwisz durant l'émission Porta a Porta. «Je vous passe le Saint-Père».

Un bond en arrière, celui de François, qui, franchissant des décennies de communication erga omnes ramène les aiguilles de l'Eglise à l'époque du dialogue sans médiation entre Jean XXIII et les simples fidèles. Comme Angelo Roncalli, François sait bien, depuis les années à Buenos Aires, que rien ne rapproche autant qu'une parole amie. C'est pourquoi, dès le premier contact, il appelle son interlocuteur par son nom. Et pas seulement, le Pontife appelle sans passer par le central vatican, posant ainsi une certaine distance entre lui et la structure pontificale.
«Nous devons être normaux», dit-il aux journalistes, de retour du Brésil. Marquant en peu de mots le trait d'un pontificat qui cherche dans la quotidienneté son caractère extraordinaire. «Quel a été le pire moment de votre Pontificat», lui ont-ils demandé? «La sciatique, à cause d'un siège inadapté», a-t-il répondu avec un sourire.
Chaque jour, après le réveil le matin, et les deux heures passées seul à prier, François préside une messe où l'homélie est adressée aux fidèles a braccio. Puis la vie à Sainte Marthe, les repas pris avec les hôtes du jour. Même les audiences sont à l'enseigne de l'informalité. La plupart des gens sont invités à s'intaller dans une salle où le Pape entre après avoir frappé à la porte, sans se faire annoncer. De Sainte Marthe, François sort souvent à pied, improvisant une visite aux ouvriers travaillant au Vatican (9 août) ou aux fidèles venus dans les grottes vaticanes pour prier sur la tombe de Paul VI (6 août).
Roncalli arriva après PIE XII. La première nouveauté fut de style....
Recevant en audience le directeur de l'OR, il vit celui-ci s'agenouiller devant lui. Le Pape resta perplexe, et demanda: «Vous vous sentez mal?».
Comme François, il voulait une curie de service, et non de privilège.

Fin mars, les évêques italiens se réunirent pour l'habituelle assemblée générale. Le Pape leur expliqua que les évêques ne doivent pas être des «clercs d'Etat», préoccupés seulement d'eux-mêmes et de leurs carrières, mais des pasteurs qui marchent «au côté de leur troupeau, et derrière lui». Une préoccupation qui paradoxalement le rapproche du premier président des évêques italiens, et à trois reprises en pole position pour le Pontificat, le cardinal Giuseppe Siri. Quand, durant les années de la guerre froide, quelqu'un de gauche se vantait devant lui d'être anticlérical, il répondait: «eh bien, moi aussi». Autrement dit pour le conservateur par antonomase Siri, l'anticléricalisme était une vertu.
Le Père Antonio Spadaro, directeur de La Civiltà Cattolica, (ndt: jésuite, directeur de la revue des Jésuites italiens) dit: «Le Pape François considère que le contact direct avec les personnes est fondamental. Même quand il est devant des foules énormes, comme au Brésil, son attention est toujours tournée vers les personnes individuelles qu'il voit devant lui, vers leurs visages. Il suffit de regarder ses gestes et le mouvement de ses yeux. Et ainsi, sa communication a toujours été directe, également grâce au téléphone. Il en a toujours été ainsi, déjà quand le Pape était archevêque de Buenos Aires: il avait un rapport direct, y compris téléphonique, avec beaucoup de gens. En tant que Pape, il veut que cela continue, et c'est pourquoi il prend le combiné de son téléphone fixe, et il décroche. Le motif qui le pousse à ses comporter ainsi a deux racines: l'une profonde, et l'autre davantage liée à son expérience. Celle qui est profonde est liée à sa vision de l'Eglise comme "mère". Et la mère a des rapports directs avec ses enfants. Le Pape ne peut en avoir avec tous, bien sûr, mais il cherche quand même à faire émerger cette dimension personnelle directe, souvent physique, avec ses embrassades. Le motif plus personnel est lié au fait que, comme religieux, il ressent beaucoup le voeu de chasteté comme voeu de "fécondité". Il arrive souvent que les jeunes lui écrivent en percevant en lui une figure paternelle, et, dans des lettres très belles, ils lui ouvrent leur coeur. Et cette paternité spirituelle, bien qu'exprimée avec simplicité, même avec un simple coup de téléphone, est très importante pour lui. »
Spadaro ajoute: «Le désir de François est que personne ne reste sans réponse, au delà du fait que ce soit lui qui le fasse directement, ou qu'il le fasse à travers ses collaborateurs. Ce qui frappe, c'est que le Pape trouve le temps pour ces coups de téléphone. Il s''est plusieurs fois ddéfini comme "indiscipliné" lors de son voyage au Brésil. Toutefois, il a une perception précise de la discipline du temps. Il ne le casse pas, mais il l'ordonne en fonction de ce qu'il considère important. Et parmi les choses importantes, il y a certainement le fait d'avoir, en tant que pasteur, un rapport direct, autant que faire se peut, avec le peuple de Dieu».

     

3. La facture de téléphone du Pape

Sandro Magister,
Settimo Cielo
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On sait que le pape François utilise beaucoup le téléphone, à la différence de ses prédécesseurs qui y recouraient avec parcimonie, et de qui recevoir un appel téléphonique direct était une rareté.
Mais à présent, nous savons aussi qu'il aime plaisanter sur cette irrésistible propension.
A un évêque argentin de ses amis, il a dit: "Je gaspille pas mal en coups de téléphone, mais je compense cette dépense en restant vivre à Sainte Marthe, plutôt que dans le Palais Apostolique".

L'évêque est Oscar Vicente Ojea, qui, entre 2006 et 2009, fut auxiliaire de Jorge Maria Bergoglio à Buenos Aires, et qui aujourd'hui, est chargé du diocèse de San Isidro.
Mgr Ojea a raconté les détails de sa visite au Pape, avec des rencontres répétées entre le 16 et le 18 juillet derniers, lors d'une interviewe au bureau de communication de son diocèse, rapportée par l'AICA, Agencía Informativa Católica Argentina.
L''évêque a raconté, entre autre, avoir célébré la messe avec le Pape, consacrant des hosties confectionnées dans une maison d'arrêt de Buenos Aires.

Une autre confidence du Pape recueillie par Mgr Ojea concerne sa difficulté à parler dans des langues autres que l'espagnol et l'italien. Avant son voyage au Brésil, François prenait des leçons pour réviser son portugais. Mais avec de maigres résultats. "Déjà que je prononce mal le 'castellano'" (la langue espagnole parlée dans de nombreux pays d'Amérique latine, ndt), a-t-il dit. "Et alors, ce que je vais faire au Brésil, ce sera de parler un peu en portugais, et un peu en 'castellano'. Ce que je dis en portugais vient bien, mais c'est médiocre".
Parmi la suite du Pape au Brésil, il y avait en effet un fonctionnaire brésilien de la Secrétairerie d'Etat, qui a toujours été à ses côtés durant tout le voyage.
Ceux qui connaissent Bergoglio notent qu'ils parle un espagnol non seulement "Porteno" (un Porteño est un habitant de Buenos Aires, en général fils d'émigrants né à Buenos Aires, ndt), mais avec l'empreinte de l'argot typique de Buenos Aires, très utilisé dans le tango.

Une expression de cet argot est le verbe "balconear": observer les choses depuis un balcon, sans se laisser impliquer.
Le Pape François a utilisé ce mot en s'adressant aux jeunes qui se pressaient sur la plage de Copacabana, lors de la veillée finale des JMJ, le 27 juillet:
"Chers jeunes, s'il vous plaît, 'ne regardez pas la vie depuis le balcon', immergez-vous en elle, comme l'a fait Jésus".

“L’Osservatore Romano” du 30 août a dédié à cette expression argotique du Pape François une note de Jorge Milia, reprise par le blog “Terre d’America”. (cf. Le Pape m'a téléphoné)