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Les 2 Papes et les visions de Catherine Emmerick

Très troublant article lu sur "Il Foglio" (21/6/2013, mise à jour, puis Annexe)

     

Ce texte paru hier sur "Il Foglio" sous la plume de Mattia Rossi, se passe de commentaires: il est tout simplement troublant.
Les visions de Catherine Emmerich sont disponibles à l'édition, comme on peut le constater par exemple ici: http://tinyurl.com/k3kmxfg
Le fait qu'elle ait été béatifiée par JP II implique qu'une solide enquête avait été menée par l'Eglise, sans que l'on puisse formellement les lui attribuer. Voir à ce sujet la mise à jour .
Sauf erreur de ma part, la mystique allemande ne figure pas parmi les femmes auxquelles Benoît XVI a consacré une catéchèse.

Ceci dit, il est impossible d'affirmer que les prophéties se réfèrent à ce que nous vivons aujourd'hui. Mais on ne peut pas s'interdire d'y penser.

Texte original en italien: http://www.ilfoglio.it/soloqui/18721
Ma traduction.

     

Les prophéties de la mystique Emmerich et la ruine de l'Église avec deux papes
Mattia Rossi (Il Foglio)
20/6/2013
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Je me demande si Jean-Paul II, en 2004, aurait pu imaginer qu'un jour pas si lointain la religieuse allemande qu'il était surle point de béatifier deviendrait de grande actualité?

Neuf années seulement se sont écoulées depuis ce 3 Octobre 2004, quand le grand pape polonais, le plus grand «canonisateur» dans l'histoire de l'Eglise, éleva aux autels Anna Katharina (Catherine) Emmerick, religieuse augustinienne allemande qui vécut entre 1774 et 1824, la proclamant bienheureuse.
Catherine Emmerick, née dans une famille d'origine paysanne, est vénérée par l'Église universelle pour ses dons de mystique et de visionnaire. Grâce aux visions qu'elle nous a transmises, on a pu mettre au jour, près d'Éphèse, la maison qui, selon les archéologues, aurait abrité Marie et Jean, après la mort de Jésus.
Ses journaux - «la douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ» - révèlent quelques détails inédits concernant la mort de Jésus

Mais parmi les visions de la nonne allemande, il y a également des prophéties apocalyptiques sur le destin de l'Église.
Tout d'abord, Catherine Emmerich fut, je crois, la première à avoir anticipé certains aspects de la future réforme de la liturgie: «La messe était brève. L'Evangile de Saint-Jean n'était pas lu à la fin (jusqu'à la fin?)».

Mais ce qui saute immédiatement aux yeux, c'est sa prédiction d'une futur co-existence de deux papes: «J'ai vu également la relation entre les deux papes ... J'ai vu combien seraient néfastes les conséquences de cette fausse église. Je l'ai vue augmenter de dimensions; des hérétiques de toutes sortes venaient dans la ville (de Rome). Le clergé local devenait tiède, et j'ai vu une grande obscurité» (13 mai 1820).

Sur cette étape, le monde catholique le plus traditionaliste et critique envers l'évolution du magistère du Pape François jubile. L'Église qui est en train de se former, dans la prophétie d'Emmerick, est une église «fausse», à la doctrine corrompue (plus loin, elle dira protestantisée) et infestée par un clergé «tiède». Mais tout cela n'a pas empêché l'Église de «croître en taille» (la référence, pour beaucoup, est à l'«effet Bergoglio», une vague de consensus, d'églises pleines et de files d'attente aux confessionnaux.)

Même le changement de résidence, et la clôture de celui qui est maintenant le pape émérite ont été annoncés: «Je vois le Saint-Père dans une grande angoisse. Il habite dans un bâtiment autre que celui d'avant et il n'y admet qu'un nombre limité d'amis qui lui sont proches. Je crains que le Saint-Père ne souffrira beaucoup d'autres épreuves avant de mourir. Je vois que la fausse église des ténèbres fait des progrès, et je vois l'énorme influence qu'elle a sur les gens»(10 Août 1820). Là encore, une fois de plus, c'est la popularité et l'influence de la nouvelle Église qui inquiéte la Bienheureuse.

Voici ensuite la prophétie sur la protestantisation de l'Eglise catholique: «Et puis, j'ai vu que tout ce qui concernait le protestantisme prenait progressivement le dessus et la religion catholique tombait dans une décadence complète. La plupart des prêtres étaient attirés par les doctrines séduisantes mais fausses de jeunes enseignants, et tous contribuaient à l'œuvre de destruction. En ces jours, la foi tombera très bas, et elle ne sera conservée que dans quelques endroits, quelques maisons et quelques familles que Dieu a protégés des désastres et des guerres» (1820). Et encore, toujours sur la «grande église»: «Je vis que beaucoup de pasteurs se sont laissé entraîner dans des idées qui étaient dangereuses pour l'Église. Ils construisaient une Église grande, étrange et extravagante».

Mais cette prophétie ne s'arrête pas là, elle annonce également la doctrine qui depuis les années post-conciliaires, guide une grande partie de la pastorale ecclésiale, celle de l'œcuménisme et de la liberté religieuse: «Tous devaient y être admis, pour être unis et avoir des droits égaux: évangéliques, catholiques et sectes de toutes dénominations. Telle devait être la nouvelle Église ... Mais Dieu avait d'autres projets» (22 Avril 1823).

«Mais Dieu avait d'autres projets». Projets dont, bien sûr, aucun de nous ne sait rien: personne, en effet, n'est en mesure de dire si, comment et quand les prophéties de la Bienheureuse Emmerich sont d'actualité, ou même en train de se réaliser.
Mais on est surpris par la consonance avec de nombreux aspects, plus ou moins obscurs, de l'Église d'aujourd'hui.

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(*) Belgicatho consacrait en mars dernier un billet aux visions de Catherine Emmerich http://belgicatho.hautetfort.com/archive/2013/03/22/mediter-la-passion-avec-la-bienheureuse-anne-catherine-emmer.html

(**) Le consensus autour du Pape François ne laisse pas d'étonner, voire d'inquièter, comme en témoigne cet article: des "fans" comme Patty Smith, Karl Lagerfeld, Monica Bellucci et l'animateur Nikos, sans parler des milliardaires du foot, cela interpelle, pour le moins!

     

Mise à jour

Hier, j'avais fait quelques recherches sur Internet à propos de la mystique allemande, et je n'en avais pas fait état, car elles émanaient soit de Wikipedia, sujet à caution sur les questions religieuses, soit de sites dont je ne pouvais pas vérifier la fiabilité, tendance millénariste ou sédévacaniste.

Sur Wikipedia, je lis toutefois, sous l'avertissement d'usage:

Entre 1816 et 1824, Clemens Brentano [ (1778 – 1842) poète et écrivain allemand. Auteur de la ballade de la Lore Lay, il est l'un des premiers représentants du romantisme de Heidelberg], à son chevet, prend en note ses visions. Ses retranscriptions remplissent 40 cahiers in-folio. Il est difficile de faire la part de ce qui a été effectivement dit par la mystique allemande et de ce qui peut constituer une réélaboration du poète. Brentano décrit en détail des scènes et des récits (avant tout) du Nouveau Testament et de la vie de Marie.
...
Le premier procès de béatification fut suspendu en 1927, avant tout parce qu'il était difficile de juger l'authenticité des textes de Brentano, mais il fut rouvert en 1973 et se termina le 3 octobre 2004 avec sa béatification par le pape Jean-Paul II.

L'article de Wikipedia souligne la polémique qui entoure la transcription de Brentano, et la position de l'Eglise catholique, en particulier sur les révélations privées.

Le cardinal José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, lors de la béatification en octobre 2004 par Jean-Paul II écrivait dans l'OR:
"La bienheureuse Anne-Catherine Emmerick, ne nous a laissé que trois lettres dont l’authenticité soit sûre. Les autres écrits, qui lui sont attribués par erreur, ont des origines diverses: les “visions” de la Passion du Christ ont été annotées, réélaborées très librement et sans contrôle par l’écrivain allemand Clemens Brentano et ont été publiées en 1833 sous le titre La douloureuse passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. […] Les œuvres en discussion ne peuvent donc pas être considérées comme des œuvres écrites ou dictées par Anne-Catherine Emmerick ni comme des transcriptions fidèles de ses déclarations et de ses récits, mais comme une œuvre littéraire de Brentano qui a procédé à de telles amplifications et manipulations qu’il est impossible d’établir quel est le véritable noyau attribuable à la bienheureuse".


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Il est donc difficile d'accorder à ces "visions" un caractère d'authenticité - sans pour autant pouvoir prétendre qu'il s'agit de "faux", et qu'elles sont sans valeur. Et de toutes façons, il y a tout l'espace de l'interprétation. Personne ne peut dire aujourd'hui que nous vivons l'"époque des deux papes", mais on comprend l'insistance de certains à nous faire comprendre que nous n'avons qu'UN pape, ce dont nous n'avons pas de raison de douter...

Teresa m'a fait penser à consulter la notice biographique de la Bienheureuse, sur le site du Vatican, qui écrit simplement:
De nombreuses personnalités, qui participaient au mouvement de renouveau de l'Eglise au début du XIX siècle, cherchèrent à la rencontrer. La rencontre avec Clemens Brentano fut particulièrement significative. A partir de 1818, il lui rendit visite chaque jour pendant cinq ans, dessinant ses visions qu'il publia ensuite.

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Ceux qui sont intéressés peuvent lire ce site très riche - avec les précautions d'usage - qui reproduit des visions de Catherine Emmerich: prophetesetmystiques.blogspot.fr/2009/11/i-propheties-anne-catherine-emmerich.html

Annexe

A propos des visions intérieures, catégorie dont relèvent celles de Catherine Emmerick, il est intéressant de relire ce que le Cardinal Ratzinger disait en 2000, en présentant le 3eme secret de Fatima (http://benoit-et-moi.fr/2010-II)

La «vision intérieure» n'est pas une fantaisie, mais une manière véritable et précise d'opérer une vérification, comme nous l'avons dit. Mais elle comporte aussi des limites. Déjà dans les visions extérieures, il existe aussi un facteur subjectif: nous ne voyons pas l'objet pur, mais celui-ci nous parvient à travers le filtre de nos sens, qui doivent accomplir un processus de traduction. Cela est encore plus évident dans la vision intérieure, surtout lorsqu'il s'agit de réalités qui outrepassent en elles-mêmes notre horizon. Le sujet, le voyant, est engagé de manière encore plus forte. Il voit avec ses possibilités concrètes, avec les modalités représentatives et cognitives qui lui sont accessibles. Dans la vision intérieure, il s'agit encore plus largement que dans la vision extérieure d'un processus de traduction, de sorte que le sujet est de manière essentielle participant de la formation, sous mode d'images, de ce qui apparaît. L'image peut advenir seulement selon ses mesures et ses possibilités. Ces visions ne sont donc jamais de simples «photographies» de l'au-delà, mais elles portent aussi en elles-mêmes les possibilités et les limites du sujet qui perçoit.