Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

Vie et famille, la «trahison» des catholiques

Massimo Introvigne: Beaucoup de catholiques sont prisonniers de la dictature du relativisme, et pensent que certaines conquêtes sont irréversibles. Mais la lutte contre la culture de mort n'est pas un combat d'arrière-garde (20/6/2013)

>>> Article original: www.lanuovabq.it
Ma traduction.

     

Vie et famille, la «trahison» des catholiques

Massimo Introvigne
16-06-2013
----

Samedi 15 Juin se sont ouvertes à Rome les manifestations de la «Journée Evangelium Vitae». En attendant la messe du pape du dimanche, la journée de samedi a offert de nombreux moments de prière et de pénitence - parce que pour les péchés contre la vie, on doit d'abord faire pénitence - une catéchèse en italien du Cardinal Camillo Ruini et d'une conférence en anglais à l'Université Pontificale Urbanienne ouverte par le cardinal américain Raymond Leo Burke.
Personnellement, j'ai suivi la conférence de l'Urbanienne, et de la belle relation du cardinal Burke j'ai particulièrement apprécié un passage, d'ailleurs conforme à ce qu'a dit également le cardinal Ruini. Burke a dénoncé le lobby multi-milliardaire qui avec une puissance de feu inouïe mène son combat pour la «culture contraceptive», pour l'avortement et contre la famille. Il n'a pas mentionné explicitement la Fondation Bill et Melinda Gates, qui de ce combat contre la vie sont aujourd'hui les premiers bailleurs de fonds, mais c'est comme s'il l'avait fait. C'est vrai: c'est grâce à l'immense flux d'argent que la propagande contraceptive, abortiste et homosexualiste, nous martèle tous les jours, y compris à travers le cinéma, la télévision, et des romans tels que «L'Enfer» de Dan Brown, qui est un manifeste pour le contrôle de naissances par tous les moyens.

Mais le cardinal Burke est allé plus loin, en se demandant: pourquoi ces campagnes ont-elles du succès? Après tout, autant d'argent que l'on dépense, il s'agit de vendre la mort, ce qui ne devrait donc pas être si facile. Citant le bienheureux Jean-Paul II, le prélat américain a suggéré que la culture de mort vainc non seulement à cause de l'agressivité des ennemis de la vérité naturelle et chrétienne, mais aussi par la confusion doctrinale qui règne dans les rangs des catholiques. «La Bussola» illustre cette confusion chaque jour. Le Cardinal a raison: il y a de nombreux catholiques - y compris certains évêques - qui trahissent le catéchisme et le Magistère avec une ouverture déconcertante aux contraceptifs, à l'avortement, l'euthanasie et aux unions homosexuelles. Et Burke a très bien fait de rappeler comment tout a commencé en 1968 avec la contestation de tellement de théologiens contre l'encyclique «Humanae Vitae» du Serviteur de Dieu Paul VI. La question des contraceptifs, a dit Burke, n'est pas une question secondaire: le catholique qui cède sur les contraceptifs est prêt à céder sur tout le reste.

Il y a un second point, à peine mentionné dans le discours de Burke, qui me semble décisif.
La culture de mort ne l'emporte pas seulement parce qu'un certain nombre de catholiques trahissent la vérité sur terrain de la morale. Elle l'emporte parce que des millions de catholiques qui, sur le plan doctrinal, se disent fidèles au catéchisme, sur le plan de la théologie et de la vision de l'histoire, et ensuite sur le plan psychologique, ont été faits prisonniers par la dictature du relativisme. Le problème, sur lequel nous devons beaucoup réfléchir, c'est que beaucoup de catholiques acceptent, en silence, la thèse de la prétendue «irréversibilité» des «conquêtes» révolutionnaires. Ils pensent que «nous ne pouvons plus revenir en arrière» parce que certains processus sont irréversibles. Cette idée de l'irréversibilité a convaincu non seulement des évêques et des théologiens progressistes, mais aussi beaucoup de conservateurs, beaucoup de dirigeants catholiques et de prêtres qui ne nient pas les vérités morales du Catéchisme.

Ils ont acquis la conviction que l'histoire avance de façon linéaire, que la révolution contre la chasteté, l'avortement, le mariage gay, l'euthanasie - demain l'«avortement post-natal» c'est-à-dire infanticide, l'assassinat après la naissance des enfants malades et indésirables, la prochaine frontière de la culture de la mort, dont le philosophe Francis Beckwith a fait état de la progression sinistre à l'Urbanienne - sont le résultat de processus «irréversibles». On pense que le train est parti et qu'il progresse de façon linéaire. Tout au plus - comme cela s'est produit au cours des dernières années en Italie sur le sujet des unions de même sexe - le train peut être arrêté en gare pendant un certain temps, mais ensuite il reprend sa marche inexorablement.

Et aussi, beaucoup de «bons» qui s'opposent au mariage homosexuel et à d'autres fruits de la culture de mort croient qu'ils mènent un combat d'arrière-garde, qu'ils se battent pour l'honneur, mais sans aucune chance de gagner, parce que le «sens de l'histoire» est autre. Tous sont - dans une certaine mesure, nous sommes tous - victimes du mythe du progrès, et de l'idée issue des Lumières que l'histoire est linéaire, lesquels sont les piliers de la vision relativiste du monde selon laquelle la vérité n'est jamais absolue, mais est toujours fille de l'époque. Ou nous nous débarrassons de cette superstition, que la dictature du relativisme nous martèle dans la tête et le cœur chaque jour de l'année, ou le combat pour la vie et la famille est déjà terminé, nous l'avons déjà perdu et nous en viendrons donc aux mariages homosexuels, à l'euthanasie et finalement à l'«avortement post-natal».

Nous devons dénoncer le fait que ce qui constitue le «progrès» n'est pas évident en soi et est décidé par les pouvoirs forts, qui imposent ensuite leurs décisions à tous. Revenir sur l'idée des processus «irréversibles» est difficile, car les batailles perdues se sont accumulés. Pourtant, l'histoire n'a pas de sens humain prédéterminé et nécessaire, les batailles sont gagnées et perdues par les hommes, et pour le chrétien, aucune victoire du mal n'est «irréversible». Même le nazisme et le communisme soviétique semblaient invincibles et «irréversibles» mais ils sont tombés.

En fin de compte, croire que le mal est invincible et irréversible fait partie de ce désespoir historique qui, comme nous l'enseigne presque tous les jours le Pape François, vient du diable. Mais même le diable n'est pas invincible, et même, il est déjà vaincu par le Seigneur Jésus. Plus encore: strictement parlant il n'existe aucun sens de l'histoire en dehors de la victoire du Seigneur sur le mal, sur la mort et sur le diable. Participer à ce véritable unique sens de l'histoire, à cette victoire ancienne et toujours nouvelle du Seigneur, cependant, exige que nous nous libérions de la superstition du mythe du progrès: une libération que nous ne pouvons gagner que dans l'étude, la méditation et la prière.