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Une théologie de la femme

Parmi les questions posée par les journalistes au pape François dans la conférence de presse aérienne, il y en avait eu sur le rôle des femmes dans l'Eglise... (31/7/2013).

Cela donnait à peu près cela, dans la transcription de l'envoyé du Corriere, que j'avais traduite ici (Dans l'avion du Pape ):

- Quel rôle pour les femmes dans l'Église?

«Une Église sans femmes, c'est comme le collège apostolique, sans la Vierge Marie. Et la Vierge Marie est plus importante que les apôtres. L'Eglise est féminine parce qu'elle est épouse et mère. Il faut aller plus loin, on ne peut pas comprendre une Église sans femmes actives en elle. Dans l'Église, on doit penser à la femme dans cette perspective. Nous n'avons pas encore fait une théologie de la femme. On doit le faire. En ce qui concerne l'ordination des femmes, l'Église a parlé et a dit non, Jean-Paul II s'est prononcé avec une formulation définitive, cette porte est fermée. Mais rappelons-vous que Marie est plus importante que les apôtres, et donc la femme dans l'Église est plus importante que les évêques et les prêtres».

Nous avons déjà repris ici un extrait du dialogue de Benoît XVI avec Peter Seewald, qui abordait cette question (Sacerdoce féminin et rôle des femmes dans l'Eglise).

Voici un document de la CDF datant de 2004, portant la signature du préfet, le cardinal Ratzinger, qui dénonce en particulier le féminisme radical et la défense de l'homosexualité (et qui est donc à ce titre d'une grande actualité).
Il s'agit d'une «Lettre aux évêques de l'Église Catholique sur la collaboration de l'homme et de la femme dans l'Église et dans le monde».
(http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html )

...

Le paragraphe 4, intitulé «L'actualité des valeurs féminines dans la vie de l'Église», se rapporte plus spécialement aux propos de François.

15. Pour ce qui est de l'Église, le signe de la femme est plus que jamais central et fécond. Cela provient de l'identité même de l'Église, identité que cette dernière reçoit de Dieu et qu'elle accueille dans la foi. C'est cette identité «mystique», profonde, essentielle, qu'il faut garder à l'esprit quand on réfléchit aux rôles respectifs de la femme et de l'homme dans l'Église.

Dès les premières générations chrétiennes, l'Église s'est considérée comme une communauté engendrée par le Christ et liée à lui par une relation d'amour, relation dont l'image nuptiale est la meilleure expression. De là découle que le premier devoir de l'Église est de demeurer en la présence de ce mystère d'amour de Dieu, manifesté par le Christ, de le contempler et de le célébrer. A cet égard, la figure de Marie constitue, dans l'Église, la référence fondamentale. En utilisant une métaphore, on pourrait dire que Marie présente à l'Église le miroir où cette dernière est invitée à reconnaître son identité et les dispositions de son cœur, les attitudes et les gestes que Dieu attend d'elle.

Toute l'existence de Marie est une invitation faite à l'Église d'enraciner son être dans l'écoute et l'accueil de la Parole de Dieu, car la foi n'est pas tant la quête de Dieu par l'être humain, que plutôt la reconnaissance par l'homme que Dieu vient à lui, le visite et lui parle. Cette foi, pour laquelle «rien n'est impossible à Dieu» (cf. Gn 18,14; Lc 1,37), se vit et s'approfondit dans l'obéissance humble et aimante avec laquelle l'Église sait s'adresser au Père: «Que tout se passe pour moi selon ta parole!» (Lc 1,38). La foi renvoie sans cesse à Jésus — «Faites tout ce qu'il vous dira» (Jn 2,5) — et l'accompagne sur son chemin jusqu'au pied de la croix. À l'heure des ténèbres les plus profondes, Marie demeure avec courage dans la fidélité, avec pour seule certitude la confiance en la parole de Dieu.

C'est toujours de Marie que l'Église apprend à connaître l'intimité du Christ. Marie, qui a porté dans ses mains le petit enfant de Bethléem, enseigne à connaître l'infinie humilité de Dieu. Elle qui a accueilli dans ses bras le corps supplicié de Jésus, descendu de la croix, montre à l'Église comment accueillir toutes les vies qui, dans notre monde, sont défigurées par la violence et le péché. De Marie, l'Église apprend le sens de la puissance de l'amour, telle que Dieu la déploie et la manifeste dans la vie même de son Fils bien-aimé: «Il disperse les superbes... il relève les humbles» (Lc 1,51-52). Toujours de Marie, les disciples du Christ apprennent le sens et le goût de la louange devant l'œuvre des mains de Dieu: «Le Puissant fit pour moi des merveilles» (Lc 1,49). Ils apprennent qu'ils sont dans le monde pour garder la mémoire de ces «merveilles», et pour veiller dans l'attente du jour du Seigneur.

16. Cependant, regarder Marie et l'imiter, cela ne signifie pas laisser l'Église dans une passivité issue d'une conception dépassée de la féminité et la condamner à une vulnérabilité dangereuse, dans un monde où comptent surtout la domination et le pouvoir. En réalité, le chemin du Christ n'est pas celui de la domination (cf. Ph 2,6), ni celui du pouvoir dans le sens où le monde l'entend (cf. Jn 18,36). On peut apprendre du Fils de Dieu que cette «passivité» est en réalité la voie de l'amour; elle est un pouvoir royal qui triomphe de toute violence; elle est une «passion» qui sauve le monde du péché et de la mort, et qui recrée l'humanité. En confiant l'Apôtre Jean à sa Mère, le Crucifié invite son Église à apprendre de Marie le secret de l'amour vainqueur.

Bien loin de donner à l'Église une identité fondée sur un modèle contingent de la féminité, la référence à Marie, avec une disponibilité à l'écoute, à l'accueil, à l'humilité, à la fidélité, à la louange et à l'attente, situe l'Église dans la continuité de l'histoire spirituelle d'Israël. De telles attitudes deviennent, en Jésus et par lui, la vocation de tout baptisé. Indépendamment des conditions, des états de vie, des vocations diverses, avec ou sans responsabilités publiques, ces attitudes déterminent un aspect essentiel de l'identité de la vie chrétienne. De même, s'il s'agit d'attitudes qui devraient être le fait de tout baptisé, il appartient de manière caractéristique à la femme de les vivre avec une particulière intensité et avec naturel. Ainsi, les femmes ont un rôle de la plus grande importance dans la vie de l'Église, en rappelant ces attitudes à tous les baptisés et en contribuant de manière unique à manifester le vrai visage de l'Église, épouse du Christ et mère des croyants.

Dans cette perspective, on comprend aussi en quoi le fait que le sacerdoce ministériel soit exclusivement réservé aux hommes (cf. la
lettre apostolique de JP II "Ordinatio Sacerdotalis") n'empêche en rien les femmes d'accéder au cœur de la vie chrétienne. Pour tous les chrétiens, elles sont appelées à être des modèles et des témoins irremplaçables de la manière dont l'Épouse répond par l'amour à l'amour de son Époux.

Avec la lettre Apostolique de JP II "Mulieris Dignitatem" de 1988, cela me paraît une bonne base pour la réflexion que le nouveau Pape entend mener - dans la ligne de ses prédécesseurs, je n'en doute pas - sur la question du rôle des femmes dans l'Eglise. A la déception, sans doute, de certaines militantes de la parité...