Accueil

Le Père Lombardi contre-attaque

Il éreinte le livre de Nicolas Diat « L’homme qui ne voulait pas être pape » (19/2/2014)

>>> Cf. L'homme qui ne voulait pas être Pape

Pour ceux qui n'ont pas lu le livre, Nicolas Diat s'explique au cours de l'émission "Télé Matin" du 11 février. On y voit assez bien dans quel esprit le livre a été écrit: www.france2.fr/emissions/telematin/actu/nicolas-diat_188866
Il émerge de l'interviewe que le Vatican est un "nid d'espions", une sorte de "far west" (dixit le journaliste qui interroge l'auteur) et surtout que Benoît XVI n'était pas un homme de gouvernement (ce qui amène le journaliste à lui demander: "c'était un mauvais Pape?").
Sandro Magister, qui est un grand connaisseur, a toujours prétendu au contraire que Benoît XVI gouvernait bel et bien.

     

En livrant mes impressions de lecture sur l'ouvrage de Nicolas Diat, j'avais formulé quelques réserves sur le côté trop "intrigues curiales" (disons le mot: ragots), et aussi sur les témoignages anonymes, qui évoquaient trop un certain journalisme à sensation (dont Caroline Pigozzi est un représentant éminent) pour ne pas inspirer de la méfiance. Il joue, c'est vrai, un peu trop à l'initié, celui devant qui les portes s'ouvrent et les langues se délient, celui qui en sait long et qui ne dit peut-être même pas tout ce qu'il sait. C'est parfois agaçant.

Fait excessivement rare (ou totalement inédit ?), le Père Lombardi a publié un communiqué pour contester le livre - auquel il concède à regret de constituer un beau portrait de Benoît XVI (ici). Selon lui, l'auteur aurait pris des libertés avec la vérité, et aurait même rajouté un chapitre à la pénible affaire des Vatileaks que le Pape Benoît par sa miséricorde... et sa démission, et surtout le Pape François par l'impulsion résolument novatrice donnée à son pontificat, auraient définitivement close - ce qui est une affirmation pour le moins optimiste, et surtout un peu facile, sauf à supposer que Paolo Gabriele, condamné puis gracié et enfin pardonné par Benoît XVI était le seul responsable.
Le Père Lombardi regrette que le livre donne l'impression que "Benoît XVI était entouré de monstres".

Je veux juste faire une observation: je m'étonne que le Père Lombardi s’abaisse (lui et le Saint-Siège, qu'il représente ici), à critiquer un simple livre, pratiquant une sorte de censure "ecclésiastique" dont il ne me souvient pas l'avoir vu faire usage sous le Pontificat de Benoît XVI. Qu'un livre contienne des inexactitudes, des entorses à la vérité, voire des mensonges, après tout, c'est dans l'ordre des choses, il devrait le savoir : de 2005 à 2013, concernant Benoît XVI, c’était même davantage la règle que l’exception.

Puisque nous parlons de la France, il est sorti chez nous au cours des huit années du Pontificat des livres qui donnaient presque tous du Pape un portrait tendancieux, déformé, dont un particulièrement insultant, celui de Bernard Violet, intitulé "Erratum XVI" (http://benoit-et-moi.fr/2009). Sans parler d'un ou plusieurs ouvrages de Pietro di Paoli alias Pedotti, où Benoît XVI était carrément et explicitement insulté (il est vrai que cette dame a ses entrées à Radio Vatican). Le Père Lombardi n'avait alors pas battu un cil, se contentant de prendre acte, en février 2013, que Benoît XVI avait connu « un pontificat douloureux ». Etait-ce parce que les livres en question n'étaient pas suffisamment importants pour être mentionnés? Ou bien, parce que la cible était Benoît XVI, qui n'a jamais été défendu - alors que cette fois, Benoît XVI est simplement montré tel qu'il est, et qu'on s'en prend à la Curie?

Il est naturel que le Père Lombardi défende la Curie, ne serait-ce que par solidarité ecclésiale.
Il n’y a pourtant pas que les religieux, qui en prennent pour leur grade, dans le livre de Nicolas Diat. Il y a des laïcs qui sont effectivement, comme il le dit, cités par leur nom et prénom, et qui pourtant n'ont fait l'objet d'aucune poursuite. Et il a raison de dire qu'il est inacceptable que cela soit sur la base d'accusations anonymes.

Le cas de Domenico Giani
------
Quand il parle des « monstres » qui entouraient le Pape, le Père Lombardi pensait-il en particulier à l'un d'eux qui est la cible d’attaques extrêmement graves dans un chapitre qui flirte dangereusement avec la diffamation et pourrait donc connaître une suite devant les tribunaux ? Dans le ch. 31, intitulé "Domenico Giani et ses anges gardiens" (page 298), les accusations portées contre le commandant de la Gendarmerie du Vatican sont si énormes (*) et si explicites qu'elles auraient justifié une mention à part dans le réquisitoire du directeur de la Salle de Presse. Et comme par hasard, ces accusations s’appuient sur « la longue confidence d’un cardinal anonyme » et seraient censées « éclairer l’affaire Vatileaks d’une lumière nouvelle » (page 301). L’auteur met dans la bouche de ce courageux anonyme cette affirmation stupéfiante : « Je considère que Domenico Giani s’est rendu à plusieurs reprises coupable de haute trahison ». Rien de moins !!!

--

Ce chapitre est en fait un témoignage supplémentaire qu'il est très difficile de démêler la part de vérité, et la part d'exagération, voire d'affabulation, dans le tableau que Nicolas Diat brosse de la Curie, qui en a vu, et en verra d'autres. La vérité a sans doute des nuances, et le livre offre seulement un point de vue, celui de son auteur.

Cela justifiait-il une intervention officielle du porte-parole du Saint-Siège, bien plus discret lorsqu'il s'agit de réfuter les mensonges autrement lourds de conséquence de l'ONU ?

* * *

(*) Personnellement, je n'y crois pas un seul instant, sachant que le Commandant faisait (et fait encore) partie de la famille pontificale élargie autour de Benoît XVI, et que j'ai vu, de mes yeux, à plusieurs reprises la vénération qu'il lui porte.
Benoît XVI ne lui a jamais fait manquer sa confiance. On se rappelle le discours exceptionnellement chaleureux (qui était en fait un discours d’adieu !) adressé par le Pape le 11 janvier 2013 lors d’une audience spéciale au corps de gendarmerie du Vatican (benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/le-pape-reoit-les-gendarmes-du-vatican) - épisode raconté dans le livre, sans qu’on sache exactement quelle signification l’auteur lui attribue - en réponse au discours non moins chaleureux du Commandant Giani.
On l'a d'ailleurs encore vu aux côtés du Pape émérite lors de ses dernières apparitions publiques.

A propos de la "spiritualité" de Domenico Giani évoqué dans le livre, celui-ci est affilié à l'ordre franciscain.
>>> Voir ici une interviewe de l'"ange gardien du Pape" en mai 2013: benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/un-ange-gardien-du-pape-domenico-giani-2