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LES APPRENTIS SORCIERS DU MULTICULTURALISME
 

Une réflexion de Massimo Introvigne, à propos des émeutes de Londres. (10/8/2011)

Texte en italien ici: http://www.labussolaquotidiana.it/...
Ma traduction.




 
 



Londres, fin du multiculturalisme

Massimo Introvigne
10/08/2011
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La révolte des jeunes immigrés et anglais enfants d'immigrés, chômeurs - en grande partie d'Afrique et des Caraïbes - qui a éclaté dans le quartier londonien de Tottenham, après le meurtre dans une fusillade, du chauffeur de taxi et, selon la police, trafiquant de drogue Mark Duggan (1981-2011), risque désormais de s'étendre à toute la Grande-Bretagne.
Bien que certains militants qui tentent de la diriger soient affiliés à des mouvements islamiques, la révolte n'a pas de caractère religieux. Elle n'est pas non plus née, comme de nombreux journaux le disent, des Blackberry qui - chassés par la concurrence de l'iPhone - sont devenus à Londres le téléphone des pauvres et des immigrés, et ont servi à appeler les rebelles à coups de SMS, contournant la police qui regardait du côté de Twitter et Facebook . Le Blackberry est clairement l'instrument, et non la cause d'un phénomène qui est né - et en ce sens est similaire à celui des émeutes causées en Tunisie et en Egypte lors du «printemps arabe» - de la crise économique et la hausse du coût de la vie. Une fois encore, nous voyons des émeutes rappelant celles de la « vie chère » du XVIIIe siècle en France, qui, habilement dirigées et exploitées par les politiciens - mais ils ne les avaient ni suscitées, ni organiséées - préparèrent la Révolution française de 1789.
Toutefois, si la crise économique a produit et produit en Grande-Bretagne des phénomènes aussi graves, une cause doit être recherchée dans l'échec - désormais admis, même par une partie de la classe politique britannique - du modèle multiculturaliste, dont jusqu'à il y a quelques années Londres était fière, et même nous proposait comme une solution à tous les problèmes de l'immigration.

Le mot «multiculturalisme», en fait, est né au Canada en 1960 comme évolution du «biculturalisme», un terme créé au dix-neuvième siècle pour souligner la possibilité offerte à la communauté de langue française de maintenir sa langue et sa ses traditions. Malgré le séparatisme toujours vivant au Québec, l'expérience a réussi parce qu'aux Canadiens divisés sur la langue a été offert ce que le sociologue anglais Tariq Modood appelle «une histoire commune», un ensemble de symboles et de références à la patrie canadienne cimenté par la commune implication dans les guerres mondiales. Le succès du biculturalisme au Canada a permis au XXe siècle sa transformation en «multiculturalisme», accueillant d'abord trois grandes communautés - chinoise, italienne et jamaïcaine - qui ont maintenu, bien plus que les Etats-Unis, leur langue et leur culture.

En Grande-Bretagne, le multiculturalisme est devenu le mot d'ordre de la gauche et des "professionnels de l'anti-racisme " après 1968, et a signifié subventions et large autonomie pour les divers groupes ethniques du Nigeria, des Caraïbes, indiens, pakistanais. Mais la méfiance de cette gauche pour les patriotisme a empêché de transmettre aux immigrants un «récit commun» comme au Canada.
Le premier problème est né quand une revendication d'autonomie a été avancée par les musulmans qui, contrairement aux Italiens, aux Chinois et même aux Pakistanais, ne sont pas une groupe ethnique mais religieux, dont les demande vont bien au-delà de la préservation d'une langue, d'une musique, ou d'une cuisine et investissent la sphère fondamentale des relations de la famille et des droits humains.
Ce malentendu qui confond ethnicité et religion, a pour ainsi dire, abâtardi le multiculturalisme , le transformant, de respect des différentes traditions culturelles qui peuvent coexister - à l'intérieur, justement, d'une «histoire commune» - en concessions périlleuses aux demandes d'abord des musulmans et puis aussi à d'autres, leur permettant de s'organiser séparément en ce qui concerne le droit de la famille, des pratiques comme l'utilisation de certaines drogues «ethniques» et la gestion des districts où ils sont majoritaires.
En période de prospérité économique, un certain ordre public était au moins maintenu, non sans révoltes occasionnelles. En temps de crise économique grave et de chômage majoritaire parmi les jeunes, les quartiers, «ingérables» par la police explosent et la prétendue gestion responsable et séparée des communautés ethniques s'avère peu fiable.

Le multiculturalisme britannique, a donc échoué .
L'alternative, cependant, n'est pas l'uniculturalisme français, qui remplace le modèle multiculturel par une laïcité qui combat toute identité religieuse et culturelle autre que l'idéologie officielle de l'Etat laïque et des Lumières. Comme le Pape Benoît XVI le rappelle, la véritable alternative est le difficile équilibre entre une affirmation forte de l'identité et de l'histoire de la majorité - qui en Europe est chrétienne - et une liberté religieuse et culturelle offerte aux minorités, qui rejette sans ambiguïté toute violence et accepte les valeurs fondamentales de la société qu'elles rejoignent. C'est cela la véritable porte d'entrée à une «histoire commune».

En Italie, la situation est potentiellement non moins explosive qu'en Angleterre. A Turin, par exemple, vingt cinq pour cent des jeunes entre quinze et vingt ans a des parents non italiens , et le problème du chômage n'est pas moins grave qu'à Londres. Ce qui nous a épargné jusqu'à présent de révoltes dans le style de Tottenham - où le multiculturalisme est mort - et des banlieues parisiennes, - où l'niculturalisme est mort - est une «troisième voie» italienne qui a essayé d'éviter les quartiers et ghettos mono-ethniques, et sans excés à la manière française, a tenté de proposer aux familles individuelles d'immigrants une offre d'intégration, plutôt que de déléguer de façon ambiguë une "gestion séparée" à chacune des communautés. Mais notre histoire, elle non plus, n'est pas qu'une histoire de réussite, et la tentation de parcourir des routes erronées - par exemple, il y a encore dans notre Parlement des chantres du multiculturalisme - est toujours au coin de la rue.




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