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LE CARDINAL BARBARIN A VU "HABEMUS PAPAM"
 

La Vie (*) de cette semaine lui consacre sa couverture, et donne la parole au Cardinal, qui émet sur le film un jugement irréfutable (il sait de quoi il parle!) et magistral. (1er/9/2011)




 
 

Habemus Papam, le film de Nanni Moretti avec Michel Piccoli, sort le 7 septembre en France.

L'argument fait la couverture de La Vie, qui titre:

Le Pape Piccoli sème le trouble.

Et résume ainsi l'argument du film:
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Et si le pape, à peine élu, vacillait sous le poids de sa charge, soudain frappé d'une « sinusite psychique » ? C'est le point de départ de Habemus Papam, la comédie douce-amère de Nanni Moretti, dévoilée au dernier festival de Cannes. Le cinéaste italien a imaginé un cardinal, Melville - magnifiquement interprété par Michel Piccoli -, qui, au moment d'accéder aux plus hautes fonctions de I'Église, se dérobe.
Un film anticlérical ? Pas du tout. Loin d'étre un brûlot contre l'Église, "Habemus Papam" est le film d'un réalisateur qui, tout en jetant un regard « bienveillant » sur une institution et ses serviteurs, laisse résonner le désarroi du monde.
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Le film étant déjà sorti en Italie, certains de mes chroniqueurs favoris en ont parlé sur un ton allant de l'indulgence amusée à la franche critique, très éloignée de l'appréciation de "La Vie": on trouvera les traductions ici et .

La Vie , toutefois, a eu la très bonne idée d'interviewer le Cardinal Barbarin, qui fut protagoniste du conclave d'avril 2005. On ne saurait donc imaginer voix plus autorisée en France . Et cette voix est à la fois magistrale et exemplaire. Comme il est parfaitement bien élevé, il n'élève pas le ton, il ne délivre aucune diatribe. Mais ses propos réduisent l'argument du film à néant: une coquille vide! Car Jésus, dit-il, en est totalement absent!




 

Habemus Papam peut paraitre un film agressif, mais en fait il m'a plu (ndlr: à ne pas prendre évidemment au premier degré!). J'y ai vu une belle démonstration par l'absurde que l'Église, sans Jésus, n'est rien. Tout comme la foi, sans la vie éternelle.
Nanni Moretti ne retient de l'Église que l'institution.
Dans la première partie de son film, il nous montre un cardinal en pyjama qui s'adonne à une réussite, un autre qui se prépare un café, un groupe d'autres empressés de sortir du Vatican pour visiter une exposition et déguster une glace... Il n'y a là rien de scandaleux, mais c'est bizarre d'insister sur ces détails et de vider totalement la vie d'un cardinal de ce qui en est l'essence.
En entrant dans le conclave qui a élu Benoit XVI, je me suis confessé pour être dans la grâce de mon baptême au moment de l'élection, et j'imagine que je ne suis pas le seul à l'avoir fait... Au début, les cardinaux échangeaient sur une foule de sujets, les séminaires, l'oecuménisme, la situation en Chine ou en Afrique... Puis, ces débats épuisés, il ne nous restait plus qu'à nous tourner vers Dieu. Nous sommes entrés dans le silence et chacun, dans sa prière, demandait à Dieu de lui montrer celui qui serait le plus apte pour occuper ce poste.
Chaque fois que je me rendais à la chapelle, elle était pleine.
Mais Moretti ne montre jamais un cardinal en prière. Quand vous videz notre vie de ce qui en fait le coeur, que reste-t-il, quel sens peut-elle avoir ? J'ai relevé des choses justes, comme le stylo pour remplir le bulletin de vote (humour!!), mais aussi des petits délires : que les cardinaux tapent comme des névrosés sur leur table avec le stylo en répétant « Non, Seigneur, pas moi ! »... Or, dès le premier vote, on sait bien qu'il n'y en a que quelques-uns qui sont susceptibles d'être élus. Les autres demandent plutôt à Dieu que celui qui va être élu ait le courage d'accepter.

L'idée d'un effondrement nerveux, psychologique du pape est possible, bien sûr. Ce cri que pousse Melville au moment de se présenter aux fidèles, ne me perturbe pas. À son élection, nous avons senti une part de souffrance chez Benoit XVI. Comme s'il nous disait : « À mon âge, je souhaitais me retirer en Bavière, pourquoi m'avez-vous choisi ? » Rien de tel, en revanche, chez Jean Paul Il qui, d'emblée, se sentait à l'aise dans sa nouvelle mission.

À la fin du film, le pape apparait au balcon, sur la place Saint-Pierre, et appelle à une réforme de l'Église. Et la foule applaudit. Certains y verront de l'audace de la part de Moretti ! Moi, je trouve cela plutôt risible. Qu'il faille réformer l'Église, c'est bien entendu ; que ceux qui en ont la responsabilité le tentent, tant mieux ; qu'un pape le dise, au premier moment où il apparaît en public, oui. Et encore, dans ce cas, mieux vaut attendre de faire que de dire. Mais, surtout, comment peut-on imaginer que le successeur de Pierre s'adresse aux fidèles sans parler de Jésus ? C'est absurde ! Comparez ce discours de Melville avec les premiers mots de Benoît XVI : « Je suis un humble ouvrier dans la vigne du Seigneur », ou avec le beau cri de Jean Paul II « Ouvrez toutes grandes les portes de votre vie au Christ. » Dès la première minute, le pape parle de Jésus ou cite l'Évangile, dont il est pétri !

Moretti nous donne à voir un pape décérébré. Dans sa tête, il n'y a rien, sauf des bribes de Tchekhov ! Libre à chacun d'être en désaccord avec la pensée des papes, mais y a-t-il quelqu'un sur terre qui les considère comme des minus ou des « invertébrés gazeux » ? Jean Paul II était un colosse, Benoît XVI est un homme d'une intelligente ultra-raffinée, doté d'une culture immense, tout comme Paul VI qui, par ailleurs, jouissait d'une mémoire incroyable.

Mais Nanni Moretti ne croit pas plus à la psychanalyse. La seule chose qui importe aux yeux de son personnage, c'est l'organisation d'un tournoi de volley avec les cardinaux. Le reste, la foi, la prière, la théologie, la mission de pasteur... c'est zéro ! L'institution religieuse n'a rien à dire, comme si, de son point de vue, la foi n'était qu'une illusion. De même, pour lui, le psychanalyste ausculte en vain les profondeurs de l'inconscient, car tout cela, c'est du vide... Le ballon, en revanche, voilà une valeur sûre !
Effectivement, disputer un match de foot, se baigner, se promener en forêt... ce sont des moments riches et pleins d'humanité.Et je les goûte, comme tout un chacun. Faut-il en conclure que le reste de la vie est vide de sens, que tout notre bonheur tient à ces « plaisirs minuscules » ? Le carpe diem (cueille le jour) des épicuriens cache un profond désespoir. Car il sous-entend qu'au-delà du plaisir quotidien, il n'y a rien !

Aux yeux de Moretti, seuls comptent le clapotis des vagues, la surface des choses, les petits gestes, comme cette scène où une inconnue dans le bus prête son portable au pape non reconnaissable. C'est touchant et, là aussi, loin de moi 1'idée de dévaloriser de tels actes. Je garde en mémoire mille moments de ma vie, Mais je ne peux pas me retrouver dans les conclusions que Moretti en tire.




(*)

[J'ai scanné l'article sur la version-papier, que je viens d'acheter, et utilisé mon logiciel d'OCR habituel. Je ne suis pas sûre d'être "en règle". Mais après tout, c'est la voix de l'Eglise, et il est important, surtout quand elle est de cette qualité, qu'elle soit entendue]




Hola: un superbe album sur les JMJ | Pourquoi Benoît XVI a les jeunes de son côté