Les medias contre le Saint-Siège
Une lettre ouverte de Salvatore Izzo, le vaticaniste de l'agence AGI, dans l'Avvenire. Il y dénonce trop de "malentendus calculés": un témoignage capital, par un acteur direct (25/7/2009)
Ces pages se font inlassablement l'écho des manipulations médiatiques- en toute modestie, c'est vraiment ce que j'essaie de faire de mon mieux, en revenant autant que je peux aux sources de l'info.
Et ces manipulations sont loin d'être un fantasme d'obsédé du complot, hélas!
Le dernier épisode (modeste, mais significatif) a été une "alerte Google"(Le pape Benoit XVI fan de Harry Potter? ) complaisamment reproduite par les medias du monde entier, faisant état d'un Pape qui serait devenu fan d'Harry Potter. J'ai essayé d'en parler, et j'ai moi-même été mal comprise - par maladresse, sans doute - car mon petit article m'a valu une volée de bois vert de l'abbé T... qui m'écrit sévèrement:
Cette alerte google n'est qu'un montage : la sagesse aurait consisté à n'en pas parler du tout tellement c'est grossier car en parler c'est contribuer à la campagne des ennemis du pape à l'intérieur du vatican et qui utilisent les média et leurs échos pour donner une image trouble du saint Père et donc le discréditer
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Je suis entièrement d'accord avec l'abbé, à ceci près qu'il ne m'a pas comprise, et qu'en appeler à ma "sagesse" me paraît donc aussi superfétatoire que peu charitable...
Mais je le remercie quand même, de m'avoir poussée à mettre les points sur les "i".
L'incompréhension entre les medias et le pape n'est pas d'hier; elle a connu des manifestations à la frontière entre scandaleux et tragique, dans les épisodes récents (Luigi Accattoli, lui-même acteur direct, mais désormais en retrait, en a fait la liste: L'Eglise et les medias selon Accattoli ). Je les ai passés en revue dans ces pages, au fur et à mesure .
Certains "amis" ont incriminé pesamment "la communication" du pape, et nommément le Père Lombardi (Le Père Lombardi s'explique). Je pense sincèrement qu'il n'y était pour rien. Ce qui suit conforte mon impression.
Le témoignage de Salvatore Izzo est d'autant plus précieux, que lui aussi est un acteur direct, comme vaticaniste d'une des principales agences italiennes, AGI (je traduis souvent ses articles, et ils sont toujours de grande qualité), mais encore en première ligne.
Les faits sont suffisamment graves pour qu'il ait jugé bon d'écrire une lettre ouverte au directeur de L'Avvenire, le quotidien de la CEI.
Elle commence ainsi:
Trop d'incompréhension calculée dans la voix de l'Eglise...
Cher directeur,
Honneur au mérite: dans ta rédaction, on se préoccupe de contrôler les nouvelles, comme ce serait le devoir précis de nous tous, journalistes...
Il fait ensuite allusion à des épisodes de l'actualité transalpine que j'ai suivis "en diagonale", et revient méthodiquement sur toutes les récentes attaques contre le Pape relayées par les medias...
Et voici la conclusion, qui exonère définitivement (mais trop tard) cette fameuse communication du "Vatican", en particulier le Père Lombardi : les faits rapportés sont très graves, et jettent une ombre sur la fameuse "déontologie" d'une profession censée souffrir de persécution (reporter sans frontières...) et qui s'en réclame avec insistance!!
On lira avec effarement tout ce qui concerne la polémique de Ratisbonne et l'affaire Williamson...
En janvier dernier, dans les premières attaques de certaines agences, lors de la levée de l'excommunication aux évêques lefebvristes, le fait d'avoir ignoré l'affirmation faite immédiatement par le porte-parole du Vatican sur la portée limitée de la mesure qui - comme l'a dit clairement le Père Lombardi dans la salle de presse, répondant à nos questions, ne couvrait en aucun cas les position négationistes de Mgr Williamson, s'est révélé vraiment tragique dans ses conséquences.
Du reste, en septembre 2006 aussi, à Ratisbonne, le Père Lombardi avait tout de suite mis en garde les vaticanistes contre une possible équivoque sur l'islam, les avertissant de ce risque avant même que le Pape ne prononçât sa lectio magistralis: déclaration ignorée par la majorité, avec les conséquences que l'on sait.
Ces incidents témoignent à coup sûr de la nécessité que les sources clarifient rapidement les positions mal comprises, mais aussi, un tel effort ne servira pas si nous, vaticanistes des agences, ne garantissons pas une correction absolue en rapportant les paroles et les textes du Pape et du Saint-Siège, et ceux de la CEI, résistant aux pressions de ceux qui ont intérêt à instrumentaliser l'Eglise à des fins politiques, et poussent à la faire passer comme agitatrice, capable uniquement de prononcer des "non".
Personnellement, je vis tout cela comme un défi, bien conscient des limites de mes possibilités personnelles, encouragé, cependant par les signaux d'honnêteté intellectuelle de plusieurs jeunes collègues.
