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Réactions à l'Encyclique

Marianne a traduit quelques pages d'une table ronde du site Catholic World Report (14/7/2009)


Elle me signale aussi :
"À propos de cette encyclique, Georges Weigel a écrit un papier (l'encyclique incohérente) qui a provoqué une levée de boucliers de la plupart des blogueurs catholiques américains et aussi de Damian Thompson du Telegraph le 8 juillet" .

(mais au moment où j'écris ces lignes, le lien vers Damian Thompson est indisponible; la lettre de Weigel est ici et dans sa traduction en italien )

A suivre, donc.

CARITAS IN VERITATE

Le Catholic World Report a demandé à un groupe d’intellectuels de réfléchir sur l’encyclique, sa place dans l’ensemble de la doctrine sociale de l’Église et la vision qu’a Benoît XVI d’une société juste et bien ordonnée.
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J. Brian Benestad (professeur de théologie à l’Université de Scranton):

En 1986, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) a publié une Instruction sur la liberté chrétienne et la libération sous la signature de son préfet, le cardinal Joseph Ratzinger. On pouvait y lire que la doctrine sociale de l’Église devait naître de la foi chrétienne. L’enseignement social de l’Église naît de la rencontre du message évangélique et de ses exigences (résumées par ce commandement suprême de l’amour de Dieu et du prochain dans la justice) avec les problèmes de la vie en société (n° 72). La doctrine sociale de l’Église nous aide à connaître ce que l’amour et la justice exigent dans les diverses circonstances de la vie, connaissance qui, sans instruction, pourraient nous échapper. Dans son livre sur la morale de l’Église catholique, St Augustin avait souligné combien il était difficile d’aimer son prochain : « De ce commandement relèvent les devoirs relatifs à la société humaine, et sur ce point, il est difficile de ne pas se tromper ». Autrement dit, il est facile pour les êtres humains de s’aimer mal les uns les autres, tant dans nos relations personnelles que dans la recherche du bien commun, thème autour duquel tourne la doctrine sociale de l’Église. Si le travail de la société pour la justice était guidé par la vérité, dit le pape, elle ne permettrait pas l’avortement, l’euthanasie, la recherche sur les cellules de l’embryon, le mariage entre personnes du même sexe, la primauté des droits sur les devoirs et l’exclusion de la religion de la place publique. L’amour du prochain est incompatible avec ces procédés.

L’Instruction de 1986 éclaire aussi les différents niveaux d’enseignement trouvés dans Caritas in Veritatis ; elle distingue les principes dont la validité est permanente et les jugements contingents de la doctrine sociale de l’Église (n° 72). Contrairement aux deux premières encycliques, celle-ci contient un certain nombre de jugements contingents destinés à surmonter la crise économique présente, tel l’argument en faveur d’une « véritable autorité politique mondiale ».

Puisant dans l’encyclique de Paul VI Populorum Progressio (1967), le pape Benoît XVI offre au monde une vision du développement qui est plus riche et plus complète que ce que l’on conçoit communément. Il nous rappelle l’enseignement de Paul VI selon lequel « la vie en Christ est le premier et principal facteur de développement ». Celui-ci devrait donc, outre la lutte contre la pauvreté, la maladie, le chômage et l’ignorance, viser « la perfection la plus grande possible » pour toute personne, sans compter.

En guise de conclusion, je dirais simplement que Caritas in Veritatis propose un humanisme chrétien pour améliorer la productivité, l’éthique et la dignité de la vie économique des nations. L’exercice des vertus par tous les participants de l’économie moderne est plus important pour le bon fonctionnent du marché que n’importe quelle structure imaginée par les politiciens.

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Francis Beckwith (professeur de philosophie et des relations entre l’Église et l’État, Baylor University) :

Cette anthropologie théologique est le bon point de départ pour découvrir le bien auquel les êtres humains sont destinés. C’est le principe qui anime Caritas in Veritatis. Car sans une connaissance fondée de la personne humaine, on ne peut savoir comment sainement aimer son prochain. Comme l’écrit Benoît : « sans confiance, sans confiance et amour pour ce qui est vrai, il n’y a ni conscience ni responsabilité sociales et l’action sociale finit par servir les intérêts privés et la logique du pouvoir ; ce qui a pour effet la fragmentation sociale, surtout dans la société mondialisée au cours des périodes difficiles, comme en ce moment » (5).

Pour Benoît, qui nous sommes et ce que nous sommes, question de l’anthropologie théologique, est la clé pour bien comprendre nos relations les uns avec les autres, le progrès ou la régression économique, la nature de la famille et du mariage, l’intendance de l’homme envers la nature, la règle de la loi, la justice intergénérationnelle, tout comme notre ouverture à la vie humaine dès son origine, à sa fin et dans son déroulement. Oui, Caritas in Veritatis, mentionne tous ces sujets et bien d’autres. Mais la réponse à la question de savoir ce qui constitue le développement humain entier – c’est-à-dire ce que nous sommes et quel est le bien pour nous en tant qu’individu et société - est le principe qui les unit tous.

Les catégories qui dominent le discours aux États Unis – à savoir droite, gauche, libéraux et conservateurs – n’éclairent en rien le message de Caritas in Veritatis. Il est aberrant de diviser artificiellement la doctrine sociale de l’Église en aile gauche et aile droite. Que l’Église rejette le libertarisme économique et proclame les principe de subsidiarité et de solidarité n’est pas un appel au socialisme ou à l’appropriation par l’État des moyens de production, ou alors qu’elle réserve le mariage au seul couple homme-femme et défende le caractère sacré de toute vie – de la conception jusqu’à la mort naturelle ne signifie pas un refus de croire à la liberté individuelle.

Le « modèle binaire », comme l’appelle Benoît (41) limite arbitrairement notre vision des biens interdépendants et à plusieurs niveaux, qui mènent au développement humain intégral et aboutissent ainsi à la liberté individuelle de poursuivre le bien. Selon le pape, si nous croyons que notre foi et ses conséquences dans l’anthropologie théologique et la vie bonne sont vrais, nous pouvons alors proclamer que la liberté bien comprise nous empêche de rejeter des vérités inattaquables sur nous-mêmes, faute de quoi la liberté n’a plus de sens.

Pour l’Église, on ne peut pas séparer le Sermon sur la Montagne du commandement d’honorer son père et sa mère, de ne pas commettre d’adultère et de ne pas voler. C’est un tout et non une construction artificielle due à notre volonté. C’est un organisme vivant, créé par Dieu, dont chaque partie travaille de concert au bénéfice de l’ensemble. Ainsi donc, la « justice » dans la justice sociale se rapporte à une politique bien ordonnée, et non point aux idéologies défendues par un Ludwig Von Mises ou un Karl Marx. Dans la théologie chrétienne, vous pouvez gagner le monde entier et perdre votre âme (Luc 9, 25). Pour paraphraser St Paul, c’est une pierre d’achoppement pour les Autrichiens et folie pour les marxistes.

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Père Joseph Fessio, s.j. (responsable d’Ignatius Press et rédacteur au Catholic World report) :

Dans cette lettre encyclique, le pape Benoît a quelque chose pour chacun – de la louange du profit (21) à la défense de l’environnement (48). Mais là comme ailleurs, il en appelle au discernement et à la purification par la foi et la raison (56), ce qui devrait tempérer les enthousiasmes partisans. Une fois de plus, Benoît XVI montre qu’il est un théologien de la synthèse et des principes fondamentaux. Dans les titres de ses encycliques, il ne se sert que de 5 noms : Dieu, amour, espérance, salut et vérité – les réalités les plus essentielles. Dans le salut qu’il adresse au début de son encyclique, il en décrit succinctement le contenu : « sur le développement humain intégral dans la charité et la vérité ». Remarquez qu’avec cette même adresse, Benoît a changé tout le cadre du débat sur la question sociale. Cette encyclique devait porter et porte sur la « justice sociale » et, de fait, la « justice » et les « droits » trouvent leur juste place dans une synthèse plus générale. Mais d’emblée, il indique l’essentiel et établit les fondations, avec « la charité » et « la vérité ».

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Richard Garnett (professeur de droit à l’Université Notre Dame) :

De nombreux grands pontes et partisans ont réagi à Caritas in Veritatis non pas tant en retenant l’humanisme profondément chrétien du pape Benoît, mais en traquant dans le texte des citations qu’ils pourraient arborer pour la défense de leurs petites politiques. C’était à prévoir, mais il n’empêche que c’est regrettable. (Le pape, de son côté, presse les personnes de bonne volonté de « se libérer des idéologies qui souvent simplifient à l’excès la réalité de façon artificielle ») Loin de réfléchir sur la proposition centrale du pape – à savoir que pour être fidèle à l’homme il faut être fidèle à la vérité qui seule garantit la possibilité d’un entier développement humain – des commentateurs qui, d’habitude, lèveraient les yeux au ciel aux suggestions politiques de l’évêque de Rome, sont trop heureux d’extraire de l’encyclique quelques sujets de conversation comme la bonne intendance de l’environnement, le syndicalisme et la redistribution de la richesse.

Toutefois, Caritas in Veritatis n’est pas simplement une réflexion papale sur la crise économique actuelle ou les implications de la mondialisation. En accord avec la tradition de l’enseignement social catholique et avec l’œuvre de son prédécesseur, la lettre concerne la personne, qui nous sommes et pourquoi cela importe. Le socle de l’anthropologie morale chrétienne et de la bonne nouvelle sur la dignité, la vocation et la destinée de l’homme, soutient les propositions et diverses suggestions qui touchent des questions précises de politique.

Se contenter de prélever çà et là des sujets de conversation juste pour soutenir telle ou telle politique, c’est passer à côté de l’objet, et de la promesse, de cette lettre. Même si nos intentions ont l’air très nobles, nous ne pouvons espérer réaliser une véritable prospérité humaine avec une politique qui ne se soucie pas de la vérité au sujet de la personne ou qui la nie – et il existe une vérité – à savoir qu’en nous créant à son image, « Dieu a établi la dignité transcendante des hommes et des femmes et nourrit notre désir inné d’être plus. L’homme n’est pas un atome perdu dans un univers de hasard : il est la créature de Dieu, créature que Dieu a doté d’une âme immortelle qu’Il a toujours aimée ». Et le pape nous met au défi de répondre : « Oui, et après ? »

Réactions à l'Encyclique (2) Tribune libre: Galilée