L'Eglise et le Pape attaqués (II)
à travers la descente de police dans la cathédrale de Malines. Les fautes de l'Eglise en Belgique, et les mauvais fruits du Concile. Une réflexion publiée dans Il Foglio (8/7/2010)
Il Foglio: http://www.ilfoglio.it/soloqui/5693
Qu'y a-t-il derrière les attaques contre l'Eglise belge?
L'Eglise belge est aujourd'hui confrontée non seulement à la haine de moralistes improvisés, improbables et très intéressés, mais aussi à sa crise profonde , à ses immenses fautes
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Face aux évènements en Belgique , une question au moins surgit.
Pourquoi un magistrat séquestree-t-il une conférence épiscopale tout entière et fait-il percer les tombeaux de deux cardinaux depuis longtemps morts et enterrés ? Recherche-t-il des preuves , veut-il vraiment combattre la pédophilie , ou veut-il autre chose?
La question ne peut être éludée, sauf à passer pour un ingénu inhumain.
Parce que quiconque recherche des pièces à conviction, le fait avec intelligence , discrétion , et surtout là où il pense pouvoir les trouver . Le magistrat belge a-t-il vraiment pensé mettre la main sur des documents importants par la profanation de tombes ? Si nous y croyions, nous devrions aussi faire confiance aux mille blagues française sur l'intelligence des belges! Il est plus simple d'imaginer que la mise en scène a été considérée comme le moyen le plus approprié pour créer une énorme rumeur médiatique. Comme de toute évidence cela s'est passé.
Si donc l'intérêt était de faire un geste fracassant afin que la polémique explose , on en déduit que derrière l'«Opération Église » ( le nom lui-même est déjà significatif), une bonne dose d'idéologie n'est pas absente, ni un but non déclaré: mettre à nouveau l'Eglise , toute l'Eglise, y compris ses morts, au banc des accusés, pour en faire le coupable par excellence; pour en faire par antonomase le lieu de la pédophilie . C'est ce que différents pouvoirs essaient de faire depuis un certain temps . Et pourtant les choses sont un peu plus complexes , ou, si on met les préjugés de côté , plus simples.
La question de la pédophilie en Belgique comme dans le reste de l'Occident , est un problème qui touche l'ensemble de la société et , en elle, malheureusement, des ecclésiastiques . En tant qu'hommes , et non pas en tant que catholiques ni même, au moins en théorie , en tant que célibataires .
Il suffit de jeter un coup d'œil à des précédents illustres pour comprendre.
A la fin des années 90 éclate en Belgique l'affaire Marc Dutroux , d'abord condamné, avec sa femme, pour abus sur des enfants, et puis curieusement relâché. Dans sa maison-prison de Marcinelle on trouve deux fillettes, enfermées dans une citerne , encore en vie . Les victimes du monstre , tuées, sont au moins quatre! Dutruoux n'est pas un prêtre catholique , comme on pourrait maintenant le penser . Et derrière lui , il semble qu'il y ait d'autres personnages, très haut-placées. Les enquêtes effleurent des fonctionnaires de police , des politiciens et même le roi Albert; mais , comme par hasard, tout s'arrête. Aucune tombe percée, aucun ordre de perquisition dans la maison royale. Le Parlement lui aussi reste inviolé. Beaucoup de prudence, en somme, et le moins de bruit possible ...
S'il faut monter quelque scandale , on préfère la reine douairière, très catholique , Fabiola . Elle est accusé d'avoir reçu trop d'argent de l'Etat et elle , la femme du roi Baudouin , qui avait refusé de signer la loi sur l'avortement , montre comment elle les dépense : pour créer un établissement pour enfants malades et leurs parents!
Revenant à la question de la pédophilie, La Belgique a été bouleversée en 2004 par une nouvelle horreur : le garde-forestier Michel Fourniret avoue le meurtre et le viol de six fillettes au moins! Ensuite, il y a les perversions pédophilo-homicides d'un employé de station-service d'Ixelles , Patrick Derochette , et en 2006, deux petites filles , Stacy et Nathalie , sont assassinés et retrouvés dans une bouche d'égoût. Il y a deux pistes principales. L'une conduit à un ressortissant belge qui avait déjà violé sa petite-fille de six ans , puis rapidement remis en liberté , avait abusé d'une jeune fille de 14 ans après l'avoir assommée avec une pierre.
L'autre piste mène à la "famille élargie" des deux fillettes . Quelque chose qui arrive de plus en plus souvent . Parce que parmi les choses qu'on ne veut pas dire , il y a aussi ceci: que l'une des principales causes de la pédophilie est d'une part la soi-disant révolution sexuelle des années soixante qui depuis lors, afflige la vie de millions de personnes qui se considèrent "libérées", et de l'autre, la désagrégation de la famille, qui a conduit à une augmentation considérable d'inceste du père ou beau-père , sur le fils/la fille, ou le beau-fils/la belle-fille, et à des situations «confuses» où les enfants sont les premières victimes dans tous les sens .
Il reste à mon avis deux observations à faire .
1. La première : la tempête médiatique qui s'abat sur les hommes d'Église n'a donc d'autre objectif , très souvent , que l'Eglise en tant qu'institution. On veut faire passer l'idée que les péchés des individus sont des fautes collectives . Que, tandis que derrière un professeur de gymnastique ou d'un parent violeurs , il n'y a évidemment ni la gymnastique ni la paternité , derrière la violence d'un religieux, il y a la foi religieuse . Donc, la réalité est que la pédophilie comme crime abominable, comme maladie de l'esprit qu'il faut comprendre et prévenir, en plus de le punir , ne semble intéresser pratiquement personne. Comme elle n'intéressait pas avant que l'Église ne soit mise en cause, même si l'alarme des experts continuait de croître .
Cette triste vérité est démontrée par trop de discours en marge du débat, qu'on peut lire ou entendre dans les médias , surtout de gauche. Au premier rang, on trouve des affirmations plus ou moins explicites, du genre : étant donné que des ecclésiastiques se sont rendus coupables de tels crimes , l'Église doit cesser de "se ettre sur un piédestal" , elle devrait cesser de se considérer comme "la gardienne de la morale", elle doit, en un mot , renoncer à sa théologie et à son anthropologie , parce que le mal de certains de ses membres, en sape à la racine toute affirmation. Ce discours trouves des déclinaisons encore plus grossières, bien que moins hypocrites. A plusieurs occasions , y compris à la radio, j'ai entendu : "C'est pour cela que l'Eglise est contre l'avortement , pour que les prêtres aient des enfants à violer". Un commissaire d'un grand pays , en Emilie (!), l'a même écrit sur son blog .
Se déclenche ainsi un mécanisme pervers : la culpabilité , le péché , le crime de certains ne bouleversent pas les âmes , ne soulèvent pas un désir sain de bien et de justice , de repentir et de renaissance , mais deviennent un prétexte pour pouvoir affirmer le dernier dogme valide dans une société nihiliste: personne n'a la vérité ; c'est le Bien lui-même qui n'existe pas; personne ne peut me dire à moi, ce qui est bon et ce qui est mauvais !
Le résultat , bien sûr , est désastreux : la pédophilie en hausse dans la famille , dans la société , même parmi le clergé , n'est pas l'occasion d'un examen de conscience , afin de mieux comprendre l'origine du mal , mais devient , au contraire, le prétexte d'une auto-absolution de masse.
La culture nihiliste dominante, celle de l'avortement comme "petite roue" (ndt: "ruotine", il me semble que cela a à voir avec les petites roues des vélos des enfants), l'enfant choisi comme un droit, le divorce rapide et banal , la sexualité de plus en plus tôt ... Une fois l'ennemi identifié, dans la seule voix critique qui résiste et rappelle douloureusement à l'ordre, même si ses rangs sont de plus en plus réduits, on saisit l'occasion pour le faire taire , de sorte que la mélodie victorieuse reste seulement celle, auto-consolante, du relativisme absolu.
En effet, si l'Église chantait avec le choeur, unanime; si, comme l'anglicane , elle cédait à la modernité sur tout, qui aurait encore intérêt à l'attaquer ? N'est-il pas vrai qu'aucun journal , aucune télévision ne s'occupe de scandales similaires de pédophilie survenus dans le clergé anglican - qui lui, n'est pas célibataire ?
2. La deuxième réflexion est la suivant: L'Eglise belge (comme celle américaine ou allemande) , doit aujourd'hui faire face non seulement à la haine de moralistes improvisé, improbables et très intéressés, mais aussi à sa profonde crise, à ses fautes immenses. Il s'agit d'un Eglise hyper-progressiste, conduite depuis des années par des personnalités comme le cardinal Danneels et le cardinal Suenens qui ont contribué à la dissolution de la société belge à travers l'idée que l'abandon de la foi de toujours, face aux avancées des temps, était inévitable et même productif . Suenens a été le cardinal qui s'est rangé du côté de ceux qui voulaient éliminer la messe avant les rencontres du Concile : ce fait suffit pour comprendre combien l'idéal du sacerdoce lui était devenu étranger dans son vrai sens . Le résultat a été une baisse régulière du nombre de prêtres et de fidèles , et malheureusement aussi de leur qualité . Produite à travers la rébellion continue , même en matière de morale , à l'enseignement de Pierre : rappelons brièvement les Jésuites qui dans l'après-Concile ont travaillé avec les associations de planning familiale; et la forte opposition d'une bonne partie des épiscopats belges, néerlandais, américains et allemands à l'encyclique Humanae vitae; le combat, soutenu par des magazines et revues catholiques, en Belgique comme en Allemagne ou en Hollande , au nom du renouvellement , pour dédouaner l' auto-érotisme , la séparation entre sexualité et procréation , et parfois même le divorce et l'avortement ...
Je sais que je vais dire maintenant quelque chose qui résonne étrangement au sentiment commun, et pourtant, la croissance du phénomène de la pédophilie me semble justement liée à tout cela: quand la sexualité devient "génitalité" pure; quand le respect absolu de la vie de l'enfant est perdu ; quand les relations affectives deviennent de plus en plus lâches, et de moins en moins solides; quand le sexe, même solitaire, devient légitime , parce qu'il a perdu toute finalité plus noble , l'homme est inévitablement la proie plus facile de sa bestialité innée, d'un instinct sexuel qui, au lieu d'être connecté à la vie devient porteur de violence et de mort.
La condition des enfants est toujours le meilleur miroir pour comprendre une société; et aujourd'hui plus que jamais , dans le monde sans le Christ , les enfants sont victimes de l'égoïsme de leurs parents , de leurs très nombreux divorces , de l'avortement , d'une sexualité précoce dont ils sont les protagonistes et à un moment les victimes , d'abus sexuel et pire encore. Si seulement , réellement impressionnés par l'énorme tragédie de la pédophilie , nous pensions à cela, plutôt que de régler à bon compte des différends idéologiques !
Mais, comme je l'ai dit , cela ne semble pas être le cas , au moins au niveau général. Quant à l'Église , au contraire, c'est des crises, de son infidélité, de leur reconnaissance, qu'on ne peut désormais plus différer ( comme ils semblent loin les discours d'il y a seulement quelques années , sur les splendeurs de l'après-Concile!), que sont nées les contre-réformes: tandis que le monde se tortille sur ses misères , et se réjouit d'être en bonne compagnie (mal comune mezzo gaudio: mal en commun, demie-joie) , la sainteté de l'Eglise émerge lentement . Une sainteté qui ne consiste certes pas dans le fait que ses membres sont tous des saints , mais dans le fait que l'Eglise est et sera toujours le lieu où la sainteté est possible.
Ne serait-ce que par le fait qu'au Bien, maintenant , plus personne ne croit , si ce n'est quelque étrange personnage qui, comme Benoît XVI ne désespère pas , même face à un Mal qui semble galopant et désormais victorieux. Tout en demandant pardon d'un côté , de l'autre, il n'hésite pas à annoncer le Christ , unique salut , aux bourreaux , aux victimes , aux sépulcres blanchis , à tous ...