Le vol de l'aigle
L'aigle, c'est Benoît XVI, vu par José-Luis Restàn. Traduction de Carlota (9/7/2010)
Superbe bilan (écrit avec passion) d'une difficile mais très grande année pour le Saint-Père!
J'aime assez que l'on renvoie dos à dos, comme elles le méritent, les oppositions venant des deux côtés.
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El vuelo del águila
(Le vol de l’aigle)
Original ici: http://www.cope.es/...
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Je me rappellerai toujours le commentaire d’un vieil ami, tout sauf conservateur, qui au milieu de années 90 me disait que “Ratzinger vole comme un aigle, tandis que ses détracteurs ressemblent à des souris” (*) Et c’étaient les dures années durant lesquelles le Préfet de la Doctrine de la Foi affrontait les résidus d’une théologie sécuralisée qui jouissait des applaudissements de la grande presse. Nous pourrions dire avec l’Ecclésiaste qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Mais si, il y a du nouveau. Ou tout au moins, aujourd’hui nous le voyons mieux.
On pourrait voir la première moitié de l’année 2010 comme un authentique chevalet de torture pour Benoît XVI, mais lui l’a vécu comme une opportunité d’enseigner de nouveau ce qu’est le christianisme, une occasion pour revenir aux sources de la foi et pour régénérer le peuple chrétien.
Il n’y a pas eu de trêve pour le Pape : la lettre historique aux catholiques d’Irlande, les voyages à Malte, au Portugal et à Chypre, les rencontres poignantes avec les victimes des abus sexuels, l’impressionnante démonstration du peuple réuni sur la Place Saint Pierre le 16 mai, son approche novatrice sur le dialogue et la mission, l’inoubliable clôture de l’Année Sacerdotale, les nominations à la Curie romaine…Tout cela au milieu d’un torrent de boue déversé depuis les plus puissantes tribunes du pouvoir séculier, un torrent qui dans bien des cas recherche précisément Benoît XVI, oui lui, ce Pape étonnant mélange d’intelligence et de mansuétude, de passion et de sérénité, cet homme qui aime suffisamment la tradition vivante pour ne pas craindre les questions inquiétantes des modernes.
Encore cette semaine le New York Times lançait son énième attaque, son idéologie furieuse et pleine de constructions trompeuses et de mensonges grossiers contre un homme qui ne se défend pas, à Rome, contre ce Pierre du XXI ème siècle que les persécutions ne font pas trembler mais qui pleure de la trahison de ses fils. Et ce n’est pas que pour l’horrible péché des abus (face auquel il a lancé une formidable opération de nettoyage et transparence) mais pour l’immense dommage d’une foi contaminée, déformée et évidée. Encore cette semaine, un mesquin imitateur de la grande pompe new-yorkaise, notre rance El País (ndt cousin hispanique du Monde ! – Voir note en bas de page) lançait un éditorial- modèle condensé de mensonges échevelés sans se troubler. C’est vrai que Pierre est déjà un peu moins qu’une poubelle pour une certaine presse, mais au moins, nous espérions une certaine hauteur professionnelle de la part des grandes têtes de liste du monde laïque. Espérance ingénue.
Mais l’incompréhension et la haine ne viennent pas seulement du dehors. La Reppublica tirait orgueil d’un article du prétendu théologien Vito Mancuso qui lançait son anathème contre l’Église de Benoît comme si elle était un lieu de perdition, tandis qu’il entonnait son ennuyeux chant d’une communauté toute spirituelle et sans tache, démocratique et autogérée, un nouveau commencement du vrai christianisme.
Et d’un autre côté il y a ceux qui murmurent à voix basse contre ce Pape qui ne dégaine pas l’épée, qui va à la rencontre du monde moderne, qui pense et prie trop mais n’utilise pas les pouvoirs de l’histoire pour défendre la grande institution catholique, qui ne comprend pas la mission comme un lancer de partisans contre l’ennemi en une sorte de nouvelle bataille de Solférino (ndt: 1859, les troupes françaises de Napoléon III et du royaume de Sardaigne, contre celles de l’empire austro-hongrois, pour l’indépendance de la péninsule italienne).
Alors le Pape est seul, comme le disent tant d’analystes bien intentionnés ?
D’abord, Benoît XVI a un génie unique mais n’est pas une astéroïde. Il est le fils d’un peuple, de la terre de l’Église du XXème siècle, d’un flux vital, intellectuel et affectif, qu’a alimenté l’Esprit durant des décennies. Et ne manquent pas les compagnons avec lesquels il vit certainement une relation de saine paternité et de liberté, des collaborateurs francs et loyaux qui savent comme lui que la réponse à ces temps difficiles ne vient pas des programmes préfabriqués, ni d’astucieuses manœuvres. Elle vient de la conversion au Christ, même si pour tant d’ecclésiastiques de gauche comme de droite cela résonne comme une musique céleste (ndt expression employée quand une haute autorité donne une directive très importante mais qui ne se traduit pas en objectifs et actes. On pourrait peut-être traduire par cela "reste lettre morte").
Mais par ailleurs, comme en tant d’occasion tout au long de l’histoire, Pierre est spécialement en lien avec le peuple des simples (celui que les autoproclamés catholiques adultes d’un bord ou d’un autre abominent). Comme cette femme sans domicile qui l’a salué dans le centre d’accueil de la gare Termini : « Cher Saint Père, que Dieu vous donne la force de rester serein, fort et plein d’espérance, comme nous le sommes ». Ou comme celle qui a écrit au journal Avvenire que ce n’était pas elle qui soutenait le Pape mais lui qui la soutenait avec son témoignage dans ce labeur ardu de chaque jour. Ou comme la famille sicilienne qui un quart d’heure après son arrivée à la Place Saint Pierre le 16 mai repartait en courant pour ne pas rater son train pour rentrer chez elle. Quinze minutes pour lui apporter ce dans le cœur : « Nous continuerons unis avec confiance par ce chemin, et que les épreuves que le Seigneur permet nous propulsent vers une plus grande radicalité et cohérence » (note: tous ces épisodes ont été relatés dans ce site...).
Mais de même qu’avec les simples, le Pape se dépense pour assurer la paix et la communion dans le corps ecclésial, et il le fait avec une maestria incomparable. Nous nous rappelons sa lettre aux évêques du monde entier quand fut déclenché le tourbillon autour de la levée des excommunications des évêques ordonnés par Lefebvre, une lettre qui coupait presque le souffle par sa pureté et son authenticité évangéliques. Et ces jours-ci nous avons vu comment il s’emploie à fond pour restaurer la confiance au sein du collège des cardinaux entre Schönborn et Sodano, ou la façon dont à partir de la triste situation de l’évêque d’Augsbourg, Walter Mixa, il admoneste paternellement les évêques allemands, en leur rappelant que « dans une époque de contrastes et d’insécurité le monde attend des chrétiens un témoignage concordant qui naît de la rencontre avec le Seigneur ressuscité ».
Dimanche à Sulmona, en évocant Pedro Morrone, le souffrant Célestin V, le Pape rappelait que Jésus attend de ses disciples l’annonce sereine, claire et vaillante du message évangélique, également dans les moments de persécution, sans céder ni à la fascination de la mode, ni à celle de la violence ou de l’imposition. Peu après il disait aux jeunes que « la foi et la prière ne résolvent pas les problèmes mais permettent de les affronter avec une lumière et une fois nouvelle, d’une façon digne de l’homme ». Et il les invitait à avoir confiance dans le futur parce que « si nous regardons l’histoire de l’Église, nous verrons qu’elle est riche en figures de saints qui…illuminés par la foi surent trouver des solutions créatives, toujours neuves, par répondre aux nécessités humaines concrètes dans tous les siècles ». Les jeunes étaient enchantés, mais bien sûr qu’est-ce que cela peut signifier pour les sages du NYT ?
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(*): Dans un de ses articles, le Père Scalese avait comparé le Saint-Père à un aigle qui volait très beau dans le ciel, alors que les autres, en bas (auxquels il reconnaissait quand même une certaine utilité) étaient comparés à des poules, dans une basse-cour.... Pas mal non plus!
Note de Carlota
Ndt - El País:
Je découvre ce matin sur ce même journal, bien sûr une bonne pub sur le navet grandiloquent et ennuyeux de Christoph Mathaler (Suisse alémanique né en 1951 dans le canton de Berne) qui, moindre mal, se fait son petit plaisir artistico-cathophobe, mais avec l’argent des contribuables français, en présentant son énième « chef d’œuvre » au festival d’Avignon, « Papperlapapp » (qui signifie blabla en allemand). L’envoyé spécial du País à cette importantissime manifestation de l’Art avec un grand A, commence ainsi son article « Tremble Benoît XVI ! Hallucine, Rome ! Les pas des papes résonnent de nouveau, six siècles plus tard, à l’intérieur de murailles d’Avignon. Un nouveau transfert? La Babylone de l’Occident comme l’appelait Pétrarque scandalisé par son luxe? Un nouveau schisme? Les antipapes reviennent? Il ne manquerait plus que cela à l’Église Catholique avec ce qui lui arrive» (De moi : Que ne faut-il pas écrire quand on est journaliste pour vendre son papier ?). Voir l’article original ici .
Et le 1er juillet dernier l’on trouvait toujours, dans ce même journal, deux articles.
L’un intitulé « Déménagements dans le nid de guêpes » déclarait, notamment, au sujet des changements à la Curie : « (le Pape) C’est un monarque absolu et il s’est même doté du don de l’infaillibilité pour s’imposer. Mais il gouverne peu, désormais ». Dans le même article bien sûr était mis en avant le départ du cardinal Kasper: «Théologien excellent, adjoint dans sa jeunesse du grand Hans Küng […] Il resta, (ndt à la Curie et sous Benoit XVI) un penseur libre » (note de moi : évidemment les autres sont des marionnettes !) – Original ici
Dans l’autre article intitulé « Benoît XVI entreprend la rénovation de la curie de Wojtyla ». On pouvait notamment lire :
Le mouvement le plus étrange est la création d’un nouveau dicastère, la Commission Pontificale pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation. On sait que l’archevêque italien Rino Fisichella en sera le président et que son but sera quasiment mission impossible: lutter contre la sécularisation de l’Occident […] Médiatique et ambitieux, Fisichella est connu à Rome comme le bras religieux de la droite italienne, et était jusque là responsable de l’Académie pontificale pour la Vie, grande fabrique de propagande contre l’avortement et l’euthanasie. […]. « C’est une boite vide » affirme le vaticaniste Filippo di Giacomo; « Et il lui sera difficile de fonctionner car les évêques remplissent déjà cette tâche dans les diocèses » Original ici
Commentaire toujours de Carlota: C’est vrai qu’en matière de mauvaise foi et de méconnaissance de l’Église et des attentes du Peuple de Dieu, on peut difficilement faire mieux (ou pire!)