L'analyse contestée de Vittorio Messori
Réponses italiennes à son article sur "les racines de la haine contre les chrétiens". (9/1/2011)
Je constate, au lendemain de ma traduction, que l'article de Vittorio Messori suscite de très vives réactions négatives, notamment en Italie (Antonio Socci, Il Foglio), en raison d'un paragraphe perçu comme polémique, où il identifie dans "le tsunami ayant eu comme détonateur l'intrusion violente du sionisme", l'une des racines de la haine contre les chrétiens .
Bien entendu, il ne s'agit que d'une opinion, la sienne. Je conçois qu'elle puisse heurter certains. Personne n'est obligé de la partager, mais personne ne devrait l'empêcher de la formuler.
Comme je me méfie des idées toutes faites, j'ai traduit, à titre d'information, l'article très critique - non signé - paru dans le journal de Giuliano Ferrara, Il Foglio.
La flottille Messori
(ndt: le titre énigmatique trouve son explication dans la phrase finale)
---------------
L'histoire des Coptes est une chose, une autre est de dire que c'est la faute du sionisme
Dans le Corriere della Sera, Vittorio Messori a daigné fournir pour le massacre d'Alexandrie, "un cadre historique" adéquat, afin d' "éviter des diagnostics et des pronostics erronés."
Le cadre comporte évidemment des traits précieux, du reste la vaste culture de Messori témoigne pour lui. Il est juste d'expliquer comment la spécificité copte a rendu cette église, au cours des siècles, tour à tour alliée fidèle ou vassale du dominateur musulman, difficile à enrôler comme avant-poste de l'Occident dans le conflit des civilisations. Mais tout à coup apparaît le risque typiquement Messorien de glisser dans l'uchronie, (ndt: utopie chronologique - gennre littéraire à l'opposé de la science-fiction, qui imagine ce qui serait advenu si certains évènements avaient eu lieu , ou non (1)). c'est-à-dire d'offrir des interprétations qui, à force de vouloir être historiquement raffinées finissent par déraper dans l'abstraction.
Ainsi, si l'on peut être d'accord avec Messori, qui convient avec Al Tayeb que "l'attentat n'est pas contre les chrétiens, mais contre toute l'Egypte", l'affirmation selon laquelle "tous les gouvernements de toutes les nations musulmanes sont sous le tsunami qui a comme détonateur l'intrusion violente du sionisme qui est venu mettre sa capitale à Jérusalem" n'est pas acceptable. Et que c'est cela, ou pire, uniquement cela, qui est la cause d'un "pan-islamisme", qui entend instaurer la grande Oumma. Sans même rappeler que les attaques contre la cohabitation ont commencé avec le panarabisme laïque , bien avant que le mot Oumma ne devienne à la mode. Il est inacceptable de dire que "si ce diagnostic est le bon, il y a des «remèdes», comme ceux à la manière de Bush, qui aggravent et exaspèrent le mal."
Ce qui revient à dire que les chrétiens au Moyen-Orient, sont victimes du sionisme et de Bush, et pas d'Al Qaïda.
Il s'agit d'anti-histoire pure et simple.
Mais il y a un autre aspect sur lequel l'intellectuel catholique devrait refléchir. S'il est vrai que les coptes et les autres chrétiens au Moyen-Orient, ne nourrissent pas de sympathie particulière pour les juifs ou pour le sionisme, admettre que ceci est la seule perspective à travers laquelle les chrétiens aujourd'hui persécutés par l'islam (et non par les Juifs) peuvent voir les choses, c'est désavouer cette grande vision des racines judéo-chrétienne, qui, depuis le Concile, est le phare de la vision catholique de la relation entre les religions monothéistes. Finalement, emportés par la flottille idéologique de Messori, les coptes sont victimes deux fois: de l'Islam et de l'exclusion de l'histoire du christianisme.
© - FOGLIO QUOTIDIANO
Uchronie
Note:
-------------
(1) Voir à ce sujet: L'histoire revisitée. Panorama de l'uchronie sous toutes ses formes (Eric B. Henriet, ed. ENCRAGE)
Un exemple d'uchronie en rapport avec ce site est le roman délirant "Vatican 2035" signé de l'anonyme Pietro di Paoli.
