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Une interprétation des Vatileaks par le site catholique Corrispondenza Romana. (22/6/2012)

Du même site, sur ce thème, lire aussi les deux analyses du Professeur de Mattei :
¤
Que se passe-t-il au Vatican?
¤ Les fruits du Concile Vatican II

     



Le scandale des Vatileaks est-il explicable, comme le suggère cet éditorial, par les manquements des clercs, et ces manquements par les effets délétères du Concile, en particulier la trop grande ouverture au monde?
En partie seulement (enfin, je crois...). Il serait facile de rappeler, comme l'a fait Vittorio Messori, que l'Eglise est composée d'hommes, et que les chutes de son clergé font partie de son histoire.

Pendant ce temps-là, à l'autre bout de l'échiquier, il y a ceux qui proposent, parfois en toute bonne foi, les causes des maux comme remèdes, dénonçant la gouvernance inadaptée, le manque de collégialité, l'insuffisance d'ouverture au monde, justement. (cf. l'évêque émérite d'Amiens).

* * *

Éditorial: Crise du Vatican ou crise de la foi?
Fabrizio Cannone
Texte en italien ici.
Ma traduction
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Ces dernières semaines semble s'être déchaîné dans les Palais Sacrés, une lutte de pouvoir, à base de fuites de documents confidentiels, désinformation et manoeuvres illégales de toutes sortes. Les documents portés à l'attention du public, à la vérité, ne révélent aucun méfait particulier de tel ou tel prélat, encore moins du Saint-Père. Ce qui suscite effectivement l'étonnement, l'angoisse et la perplexité, c'est la situation de semi-anarchie, qui de fait s'applique également à la plus noble rive du Tibre (ndt: allusion à la situation du Vatican: Oltretevere, au-delà du Tibre).

Certains, devant les tirs des journaux laïques, toujours avides de commérages sur l'Eglise , parlent de la Curie romaine comme d'un repaire de la pègre, l'endroit où, par excellence, tout est corrompu, et pas par hasard, mais par sa nature même. Ceux-là, à qui l'histoire, y compris ecclésiastique, a très peu enseigné, semblent suggérer un subtil chantage à l'autorité légitime de l'Eglise: puisque, en dépit des nombreuses mises à jour post-conciliaires, vous ne voulez pas céder, dans le maintien d'une forme monarchique (et non d'une démocratie élective) de la Papauté - ni sur le célibat, ni sur l'ordination des femmes et ainsi de suite - vous êtes co-responsables des abus, typiques des vieilles Cours de pouvoir de tel ou tel souverain.

Les choses, en vérité, doivent être vues de manière diamétralement opposée. C'est précisément la tendance, autrefois protestante puis moderniste, donc post-conciliaire, favorable au pouvoir d'en bas, à l'auto-gouvernement et au refus du droit pénal dans l'Eglise, qui a fait prospérer la crise actuelle. Déjà en écrivant aux catholiques d'Irlande, à propos des abus du clergé sur des mineurs, Benoît XVI signalait le lien de causalité entre la mentalité large des années du Concile et l'absence de répression des crimes, laquelle a indubitablement favorisé et encouragé le mal de la pédophilie, et ainsi tous les autres maux (1).

A force de s'identifier avec le monde, et beaucoup moins avec le Christ, l'Eglise a commencé progressivement à penser comme le monde, lequel, depuis la Révolution française, prêche constamment la «liberté» et condamne parallèlement «l'autorité». Mais sans autorité, la liberté, tôt ou tard, devient arbitraire, licence, libertinage, et loi du plus fort. Et aujourd'hui, les forts sont les potentats de matrice laïco-maçonnico-financière, qui font la pluie et le beau temps, non seulement dans l'économie, leur domaine de prédilection, mais ce qui est plus grave dans la vie politique et dans la culture.
Par ailleurs, si les prêtres catholiques ne se forment plus à l'école de « l'imitation de Jesus-Christ» (2) et des Exercices Spirituels de saint Ignace, mais se (dé)-forment en suivant les nouveaux chanteurs de l'aggiornamento «no limits» de la théologie moderne, la recherche de la perfection et du détachement de la médiocrité (dont le nom est légion) devient une denrée rare, et même considérée comme inutile.

Si dans le choix des évêques prévaut non pas la fidélité à l'Evangile sine glossa (dans toute sa radicalité) et la vie droite et pieuse, mais la capacité de se rapporter de façon dynamique au contexte culturel en constante évolution, est-il surprenant que ces pasteurs ne veillent pas sur le troupeau qui leur est confié?
Et si, finalement, le Paradis est donnée gratis à tous et à chacun, pourquoi s'étonner si, parmi les difficultés de la vie et les tentations du moment, le prélat du jour met ses intérêts économiques et de carrière avant ceux de l'Eglise? La sombre lumière jetée, depuis le Concile, sur chaque forme de «moralisme», «fondamentalisme», «dogmatisme», «autoritarisme» n'a-t-elle pas conduit à la prévalence, sur les chaires, dans les commissions et dans les Curies, d'une génération de prélats le plus éloignés possible de toute intransigeance? Mais sans intransigeance, comment vaincre la chair, le péché et le monde?

Que le Pape, et ces évêques qui mettent du zèle à la restauration de l'Église, aujourd'hui en ruines, non seulement ne dévient pas de la suite du Christ, mais réaffirment avec plus de véhémence que la doctrine catholique n'est pas négociable et que l'Evangile ne change pas, que l'autorité de l'Eglise sera toujours monarchique, et que c'est justement la perte, dans beaucoup d'âmes, de ces certitudes, qui est la cause profonde des scandales actuels. Il y aura une purification, certes, mais pas dans le compromis avec le monde moderne sali de tant de virus, mais dans la lutte contre lui et sa mentalité athée, agnostique et anti-chrétienne.
Instaurare omnia in Christo!

* * *

(1) Lettre du Saint-Père aux catholiques d'Irlande: http://benoit-et-moi.fr/2010-I/

Au cours des dernières décennies, toutefois, l'Eglise dans votre pays a dû affronter de nouveaux et graves défis à la foi, découlant de la transformation et de la sécularisation rapides de la société irlandaise. Un changement social très rapide a eu lieu, qui a souvent eu des effets contraires à l’adhésion traditionnelle des personnes à l'égard de l'enseignement et des valeurs catholiques. Très souvent, les pratiques sacramentelles et de dévotion qui soutiennent la foi et lui permettent de croître, comme par exemple la confession fréquente, la prière quotidienne et les retraites annuelles, ont été négligées. Au cours de cette période, apparut également la tendance déterminante, également de la part de prêtres et de religieux, à adopter des façons de penser et à considérer les réalités séculières sans référence suffisante à l'Evangile. Le programme de renouveau proposé par le Concile Vatican II fut parfois mal interprété et en vérité, à la lumière des profonds changements sociaux qui avaient lieu, il était très difficile de comprendre comment les appliquer de la meilleure façon possible. En particulier, il y eut une tendance, dictée par de justes intentions, mais erronée, une tendance à éviter les approches pénales à l'égard de situations canoniques irrégulières. C'est dans ce contexte général que nous devons chercher à comprendre le problème déconcertant de l'abus sexuel des enfants, qui a contribué de façon très importante à l'affaiblissement de la foi et à la perte de respect pour l'Eglise et pour ses enseignements.

(2) Allusion à l'Imitation de Jésus-Christ, œuvre anonyme de piété chrétienne de la fin du xive siècle ou du début du xve siècle, représentative d'une nouvelle expérience spirituelle appelée devotio moderna. (http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Imitation_de_J%C3%A9sus-Christ )