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Rétrospective 2011

Un recueil de leurs témoignages vient de sortir en Espagne, et fait l'objet d'une recension sur Religion en Libertad. Traduction de Carlota. (2/1/2012)


Carlota:

« Así iban a la muerte » (C’est ainsi qu’ils allaient à la mort): je ne sais si ce livre sera un jour traduit en français mais les témoignages de ces jeunes martyrs de l’Espagne de la Seconde République méritent d’être connus. Ils sont de beaux échos à notre Jeanne…Ils ont la réalité de la foi (1).

(article original ici www.religionenlibertad.com/..)

* * *

Impressionnants témoignages

Ils avaient moins de trente ans et dans leurs derniers instants ils ont laissé par écrit à leurs êtres chers des messages qui coïncident d’une manière surprenante. Le fait que le témoignage ait été offert à l’article de la mort lui confère une authenticité toute spéciale Quand on le laisse pas écrit après être passé par le confessionnal et qu’on l’adressé aux êtres qui vous sont le plus chers, l’on approche de la pureté absolue. C’est dans ces circonstances que des centaines de jeunes durant la guerre civil, surtout à l’éclosion de la terreur de 1936, des religieux ou des laïcs dans l’attente du martyre, des militaires ou des civils à qui on avait annoncé qu’ils allaient être fusillés, des soldats au front qui risquaient la mort à tout instant…Là où l’inhumanité des circonstances n’a pas été absolue, beaucoup d’entre eux ont eu l’occasion de concrétiser dans une lettre les derniers mots aux parents, épouses, fiancées, enfants…qu’un compagnon de cellule ou quelque geôlier faisait parvenir à sa destination.
Le bénédictin Santiago Cantera Montenegro, prieur de l’Abbaye de la Vallée de Morts (Valle de los Caídos), a rassemblé des dizaines de témoignages dans un petit volume […] « Así iban a la muerte » (C’est ainsi qu’ils allaient vers la mort). Et surprenante coïncidente, il allaient vers la mort, surtout, heureux et bien préparés.

Quelques témoignages :

Salvador Pigem Serra, l’un des 51 clarétiens (ndt: voir ici) martyrs de Barbastro, fait un message de synthèse que nous trouvons réitéré parmi les autres: « Maman, ne pleure pas, Jésus demande mon sang, par amour pour lui, je le verserai: je serai martyr, je vais au ciel. Je vous attends là-bas ».

Le sens du sacrifice était très accusé. Fernando Vidal-Ribas, un Catalan de 24 ans, fusillé à Barcelone, consolait ainsi ses parents : « Accueillez ma mort, non pas avec tristesse, mais avec joie, Dieu le veut et l’Espagne a besoin de mon sang ».

Un au revoir plein d’émotion et chrétien

« Ne pleurez pas ma mort, car mourir pour Jésus Christ c’est vivre éternellement…Au revoir, jusqu’au ciel », dit au sien l’un des jeunes martyrs, José Figuero Beltrán. Ce sont des phrases qui reviennent d’une manière récurrente. « Au revoir, père, jusqu’au ciel », prend ainsi congé le bénédictin Aurelio Boix Cosials, 21 ans, également mort en août 1936 à Barbastro. Et il tranquillise sa mère avec un argument qui n’était pas une maigre consolation : « Je me réjouis rien que de penser à la dignité à laquelle Dieu veut vous élever, en vous faisant la mère d’un martyr ».
De la même façon un laïc catalan, Joaquín Lacort, tranquillise la sienne : « Tu peux être très fière d’avoir un fils choisi par Dieu pour être le martyr de la cause de la religion et du salut de la patrie ».

[…]

Des dates différentes, des personnes qui ne se connaissent pas, des lieux éloignés… et trois mots identiques: jusqu’au ciel. Tous ont la certitude absolue que nous avons été créés pour l’éternité et que ce monde n’est qu’un passage vers l’autre.

Mériter le ciel

« Au ciel nous serons tous réunis…Il me semblerait très mal, puisque c’est la volonté de Dieu, que tu souffres pour moi», répète dans différentes lettre à sa cousine Manolita, le prêtre de 28 ans, Antonio Pitarch Sanjuán. « Au ciel je vous attendrai », dit à ses petits neveux un autre curé martyr, Vicente Aparisi Escura. Il n’y en a presque aucun qui n’a pas fait sienne cette idée, sous une forme ou une autre, dans les lignes qu’il signe.

Or le ciel il faut le gagner. Beaucoup des missives rassemblent les recommandations de celui qui, sûr de mourir dans la grâce de Dieu, est conscient qu’il reste aux destinataires encore des années d’épreuves et de tentations.

« Alors qu’il me reste peu d’heures avant le repos définitif, je veux te demander seulement une chose, en souvenir de l’amour que nous avons eu et qu’en ce moment augmente encore, occupe-toi comme objectif principal du salut de ton âme, parce que de cette manière nous réussirons à être réunis au ciel pour toute l’éternité », écrit à sa fiancée Bartolomé Blanco, âgé de 22 ans, mort à Jaén.

« Ma dernière volonté, chère Carmina, ce que tu sois toujours très chrétienne, que tu ne fasse jamais un péché mortel qui te prive d’être unie à moi au ciel », dit Juan Soler-Espíauva à son épouse.

L’enseigne de vaisseau Juan de Araoz, assassiné à Málaga, était marié à Jeanne qui était anglicane : « Aidez-moi à sa conversion », demande-t-il à ses parents, « pour que le jour du jugement et de la résurrection de la chair, nous soyons tous réunis ». Et à sa femme il demande avec force: « Je ne te demande seulement à l’heure de ma mort que tu te fasses catholique et que tu pries pour moi et le jour du Jugement dernier nous nous trouvions ensemble devant Dieu. Je t’en supplie. La religion catholique est la vraie ». Jeanne accomplit sa volonté.

Bien se préparer, quitte à ne pas écrire

Il est si important de se préparer à la mort que certains n’ont même pas épuisé leurs dernières heures dans des déclarations d’amour. « Pardonne-moi, bien qu’il me reste quelques jours, de ne plus t’écrire. Dès lors je ne veux plus penser à rien d’autre qu’à l’autre vie », dit Rafael Cervera Cabello à sa femme. « Je ne veux pas m’attarder beaucoup dans cette lettre, pardonne-moi, mais j’ai peu de temps et je veux me préparer pour le passage dans l’autre vie », écrit à la sienne Juan Soler-Espíauva. « Je ne peux te dire plus car je veux me préparer à mourir chrétiennement », explique Juan de Araoz à son épouse.

Il a deux livres dans ce volume qui étreignent le coeur d’une façon toute spéciale.

Les larmes d’un Pape

L’une a fait pleurer le Pape Pie XI, quand il l’a lue, selon le témoignage de son secrétaire d’État, Eugenio Pacelli, le futur Pie XII.

C’est la lettre que Francisco Castelló Aleu (ndt le récit du martyr de ce Bienheureux est disponible en français aux éditions http://www.traditions-monastiques.com/fr/), âgé de de 22 ans, a adressée à sa fiancée Mariona, qui savait déjà ce que c’était de perdre des êtres chers pendant la guerre : « Je regrette ta peine, non la mienne. Sens-toi fière : deux frères et ton fiancé. Pauvre Mariona!...Je voudrais t’écrire une lettre triste en prenant congé, mais je ne peux pas. Je suis tout enveloppé d’idées joyeuses comme un pressentiment de gloire ».

L’autre est l’une des plus longues, elle est envoyée à ses enfants par Juan Ramos, capitaine de l’armée de terre, avant d’être assassiné à Bilbao. « Aujourd’hui je vous laisse, alors que vous êtes encore des enfants, que vous vous ne vous rendez pas compte que vous perdez votre père, votre conseiller, votre éducateur, mais Maman qui est si bonne, fera tout à la fois et du ciel, je solliciterai pour elle et pour vous. Là-bas, en haut, il se retrouvera avec la petite fille qu’ils avaient perdue ; « Cette petite sœur, qui, si Dieu le veut, je verrai bientôt ». À sa femme, Candelas, il lui offre une cour surnaturelle : « Je t’assure que, Si Dieu le permet, au ciel, où je crois que j’irai, parce que la foi sauve toujours, je serai ton chevalier servant depuis là-haut ; que je serai à intercéder pour tour, que je demanderai et j’interposerai tout l’amour que j’ai eu pour toi, devant le trône de Dieu, pour qu’il te comble de tous les bien qu’il puisse te concéder ». Le texte est une impressionnante somme de recommandations morales que le père, qui se sait pour toujours absent du foyer, veut laisser à ses enfants comme les meilleurs conseils pour la vie. Son seul héritage.


La paix de la confession

Nous trouvons d’autres leitmotvs: tranquilliser les leurs parce qu’ils ont pu se confesser à un prêtre également prisonnier, et qu’ils sont dans la grâce de Dieu. « Pour votre complète satisfaction j’ajoute que je me suis confessé en toute tranquillité et de bon cœur », précise à ses parents Virgilio Rodríguez Fernández, un soldat de vingt ans assassiné à Santander. Et il ajoute : « Je saurai mourir comme un bon chrétien, reconnaissant de la bonne éducation que vous m’avez donnée ».

Et c’est en effet un autre motif récurrent: la gratitude pour ceux qui en leur transmettant la foi, leur ont ouvert le chemin de la gloire au moment le plus difficile. « Je t’écris cette carte pour te remercier mille et une fois de m’avoir éduqué dans les saints principes de la religion catholique…Jusqu’à aujourd’hui je ne m’étais pas rendu exactement compte de l’énorme avantage de ceux qui comme nous ont la chance de penser ainsi », écrivait Rafael la Rosa à sa mère, peu de temps avant son exécution. « Je vous remercie infiniment de l’éducation religieuse que vous m’avez donné, car c’est à elle que je dois de mourir comme un vrai chrétien », transmet Fernando Vidal-Ribas. Et mourir comme un chrétien c’est le faire en pardonnant.

Le pardon

Je te demande, et de même à mes frères, neveux et autres parents, de ne pas essayer de te venger de mes accusateurs ni de mes persécuteurs. La vengeance, en tout cas, doit être de Dieu », demande à son épouse le martyr de Lérida (ndt en Catalogne) Anselmo García. « Ma dernière volonté et que vous ne gardiez jamais rancœur à ceux que vous croyiez coupables de ce qui vous paraît être mes maux. Et je le dis ainsi, parce que le véritable coupable c’est moi, avec mes péchés qui me font l’accusé de ces sacrifices », explique à ses oncles et cousins, Bartolomé Blanco, ouvrier et syndicaliste de l’Action Catholique (ndt « le véritable coupable » dans le sens catholique et non pas bien évidemment par un retournement psychologique de la part du prisonnier, selon ce qu’on appellera plus tard le « syndrome de Stockolm »). Nous voulons faire figurer que nous mourons en pardonnant à ceux qui nous ôtent la vie et en l’offrant pour l’ordination chrétienne du monde ouvrier », proclament les quarante clarétiens de Barbastro. « À tous mes ennemis je pardonne, mais vous devrez prendre en compte que la justice doit s’accomplir sans vengeance, sans rancune, et sans obscurcir ce qui doit être le fidèle reflet de la justice de Dieu avec la rancune d’une passion insatisfaite », signale Juan Ramos à ses enfants.

Principes de foi

Ces lettres constitutent un petit résumé de la doctrine catholique qui a jailli spontanément de la plume des personnes qui l’avaient en elle. La valeur rédemptrice du martyre, le besoin de la confession, la conscience de ce que le péché ferme les portes du ciel, la conformité à la volonté de Dieu, le pouvoir de l’intercession de ceux qui sont à Ses côtés, la gratitude pour la religion reçue.

Il est sûr que le sang des martyrs est semence de chrétiens, mais le bois de martyr ne s’improvise pas. En Espagne en 1936, il était là ce bois, et à la luxueuse finition. Ces lettres sont restées comme preuves.


NDLR

(1)
Le jour de son investiture, lors d'une cérémonie au monument de la cascade du Bois de Boulogne, après avoir fait lire la dernière lettre de Guy Môquet par une lycéenne, Nicolas Sarkozy annonce qu'il la fera lire dans tous les lycées du pays, en début d'année scolaire : « Un jeune homme de dix-sept ans qui donne sa vie à la France, c'est un exemple non pas du passé mais pour l'avenir [...] »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_M%C3%B4quet )

Certes, cette lettre est très émouvante.
Mais le Président aurait-il fait le même geste s'il s'était agi d'honorer non pas la mémoire d'un militant communiste, mais celle d'un jeune mort "in odium fidei"?
Pas sûr....
J’en parlais ici : http://benoit-et-moi.fr/2007/

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