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Vives tensions entre l'Eglise américaine et l'administration Obama, autour d'une décision inique qui remet en cause le principe de l'objection de conscience. Le dossier très détaillé de Paolo Rodari. (31/1/2012)

Ceux qui me lisent (!!) savent peut-être à quel point la méfiance vis-à-vis d'Obama était la règle dans les milieux catholiques (non "libéraux"), en Italie et aux Etats-Unis, bien avant son élection.
Bien sûr, il y avait l'obamalâtrie de certains. Parmi eux, John Allen qui rêvait que les deux hommes les plus puissants de la planète, Obama (versant temporel) et Benoît XVI (versant spirituel... comme si on pouvait les comparer!) se donnent la main pour dessiner un monde meilleur.
Malheureusement, les faits sont têtus...
Une récente décision de l'administration Obama, contraignant les organisations religieuses à offrir à leurs employés une assurance santé incluant le remboursement des frais de contraception et d'avortement, a enfin ouvert les yeux des plus obamaniaques, au point que l'un des éditorialistes du site progressiste National Catholic Reporter (dont la vedette n'est autre que John Allen!) a exprimé sa déception en termes vigoureux. A noter, John Allen, d'habitude si réactif, surtout lorsqu'il s'agit de critiquer les ratés du "Vatican" est resté étrangement silencieux (à moins que cela ne m'ait échappé).

C'est à cela que faisait allusion le Saint-Père, recevant en visites ad limina les évêques américains le 19 janvier dernier:

(... ) il est fondamental que l'entière communauté catholique aux Etats-Unis réalise les graves menaces au témoignage moral public de l'Eglise, présentées par un laïcisme radical qui trouve toujours plus son expression dans les sphères politiques et culturelles. La gravité de ces menaces doit être clairement appréciée à tous les niveaux de la vie ecclésiale. Sont particulièrement préoccupants certaines tentatives faites pour limiter la liberté la plus appréciée en Amérique, la liberté de religion. Beaucoup d'entre vous ont souligné que des efforts concertés ont été faits pour nier le droit d'objection de conscience des individus et des institutions catholiques en matière de coopération à des pratiques intrinsèquement mauvaises. D'autres m'ont parlé d'une tendance inquiétante à réduire la liberté religieuse à la simple liberté de culte, sans garanties du respect de la liberté de conscience.
(Discours aux évêque américains )

Paolo Tornielli fait ici un compte-rendu détaillé de la situation qui, en pleine campagne électorale, fait monter la tension entre le gouvernement Obama et une Eglise américain remontée à bloc, et bien décidée à ne pas se laisser faire.

Sur ce site, en lien avec l'article


Paolo Rodari

Vade retro Obama.
Source, ma traduction.
La grande guerre des catholiques aux Etats-Unis contre le président, «antilibéral» et pro-choix. Ils l'avaient soutenu, ils se sentent trahis
28 janvier 2012
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«Il est vraiment difficile de croire que ça s'est passé. C'est comme recevoir une violente gifle en plein visage. Pourtant, c'est arrivé. Barack Obama nous a dit en substance à nous autres catholiques: "To hell with you" - Allez au diable. Je ne sais pas comment expliquer sa décision absurde».

Ces mots sont ceux de l'évêque de Pittsburgh David Zubik, il y a quelques heures, très semblable par l'hostilité et l'amertume à ceux prononcés par Joseph McFadden, évêque de la petite ville de Harrisburg, près de Philadelphie: «Jamais auparavant le gouvernement n'avait forcé les catholiques et toutes les les organisations religieuses à acheter les yeux fermés un produit qui viole gravement leur conscience. Certaines choses ne devraient pas arriver dans un pays comme le nôtre où la liberté d'expression de la foi est en première place dans la Constitution. Zubik et McFadden sont deux évêques combatifs. Leurs déclarations, relancées par tous les journaux américains, expriment un sentiment aujourd'hui profondément enraciné dans les tripes du catholicisme américain, sans exception. Le leitmotiv est unique: «Obama nous a trahis». (ndt: qu'on me permette de dire qu'ils avaient été mal informés. Il était évident dès avant son élection qu'Obama n'avait aucune intention de s'aligner sur les "principes non négociables" des catholiques, bien au contraire...)

La protestation a éclaté au cours des dernières heures et la raison est simple: le gouvernement, par la voix du Secrétaire de la Santé et des Services sociaux, Kathleen Sebelius, a déclaré qu'à compter d'août 2013 les Églises et associations religieuses seront contraintes de proposer à leurs employés une assurance santé couvrant le remboursement de la contraception et de l'avortement. La directive, a dit Sebelius, réalise un «équilibre entre la liberté religieuse et un accès accru aux services de prévention.»

Initialement, les évêques américains ont temporisé. Avant de prendre la moindre initiative, en effet, il leur fallait attendre l'issue d'une audience spéciale, celle que jeudi dernier Benoît XVI a accordé à un groupe choisi d'évêques américains, parmi lesquels le cardinal archevêque de Washington, Donald W. Wuerl.

Avant la rencontre, il avait été fait parvenir au Pape un dossier détaillé sur la situation américaine, avec les paroles de Sebelius attachées au bas du document. Ratzinger a pris note de tous les détails et ensuite, de sa propre main, a écrit le texte de son discours aux évêques. «C'est comme si le Pape, en parlant aux évêques de Washington - dit Sandro Magister - avait voulu parler à l'administration américaine».

Et, en effet, son évocation de l'empêchement à l'objection de conscience «en matière de coopération dans les pratiques intrinsèquement mauvaises» semble faire allusion à rien d'autre qu'à la décision fatidique de Barack Obama, celle qui exige de toute organisation, même catholique, de payer pour ses employés une assurance maladie couvrant la contraception et l'avortement. Les paroles du Pape, pour les évêques américains, ont été sans équivoque: «Retournez dans votre pays et faites-vous entendre», a en substance voulu leur dire Benoît XVI.

Et c'est ce qui s'est passé. Et qui continue de se passer. Il s'agit d'«une infraction très grave à la liberté religieuse», a écrit dans une note officielle la Conférence épiscopale des États-Unis. Paroles relancées - c'est la caractéristique la plus importante de la protestation - également dans les franges les plus libérales du catholicisme américain.

Parmi ces dernières, il y la revue progressiste "obamianaque" National Catholic Reporter dans laquelle écrit la star du vaticanisme américain John Allen, celui qui, lorsqu'en Juillet de 2009, Obama se rendit au Vatican pour rencontrer le Pape avait parlé avec satisfaction de l'accueil chaleureux réservé par Ratzinger au président «que les Européens étiquettent comme pro-choix».

Aujourd'hui le vent a changé. Aujourd'hui, même pour le National Catholic Reporter, Obama n'est plus fiable. Que nous dit à nous catholiques la décision annoncée par Sebelius? «Elle dit que pour nous croyants, il n'y a pas de place dans ce grand pays», écrit sur la revue, lapidaire, Michael Sean Winters, professeur d'histoire de l'Eglise à la Catholic University of America et auteur de «Gauche à l'autel: comment les démocrates ont perdu les catholiques et comment les catholiques peuvent sauver les démocrates».

Il dit: «Je suis arrivée à cette conclusion amère, bien que je sois un libéral et un démocrate, un homme qui jusqu'à récemment a soutenu le président, quelqu'un dont le coeur a été réchauffé quand il a entendu Obama parler à l'Université de Notre-Dame: « Nous devons trouver un moyen de réconcilier notre monde qui se rétrécit avec sa diversité croissante, diversité de pensée, diversité de culture et diversité de foi. Nous devons trouver un moyen de vivre ensemble comme une seule famille humaine ». Aujourd'hui, je ne peux pas faire autrement que vous accuser, Monsieur le Président, d'avoir trahi ce libéralisme philosophique qui a commencé comme une défense des droits de la conscience. Bien sûr: en tant que catholiques, nous devons être honnêtes et admettre qu'il y a trois cents ans, la défense de la liberté de conscience n'était pas à l'ordre du jour de notre Église. C'est vrai, mais nous avons appris à accepter l'idée que la coercition de la conscience est une violation de la dignité humaine. C'est une leçon, Monsieur le Président, que vous et plusieurs de vos collègues libéraux ont apparemment oubliée».

Catholiques conservateurs et catholiques sur des positions plus libérales. Jamais auparavant le front des catholiques américains contre Obama n'a été si compact. Timothy Dolan, archevêque de New York, a été élu à la tête de la conférence épiscopale des Etats-Unis certainement pas parce qu'il est un conservateur. Quand il a été promu de Milwaukee à New York, il y en a même qui ont dit qu'avec lui, le temps de l'Église accrochée à la défense des principes (et contre la modernité), le temps de son prédécesseur, le cardinal Edward Michael Egan, était terminé.

Selon cette vulgate il manquait à Dolan le courage d'un condottière. « Homme de salon, homme du système, il y a une photo célèbre de lui jouant au baseball», disaient ses détracteurs. Et encore: «New York n'a pas encore trouvé l'héritier idéal de l'inoubliable Cardinal Francis-Joseph Spellman, archevêque de 1939 à 1967». Et pourtant, en ce moment, c'est lui - lui que la plupart des gens ne jugent pas comme un conservateur - qui utilise les mots les plus durs contre Obama, les coups de poignard les plus intransigeants et déterminés. «Le président nous dit que nous avons un an pour comprendre comment violer nos consciences», a-t-il déclaré il y a quelques jours. «Eh bien, sa décision n'est rien d'autre qu'une décision inconsidérée». Et encore: «Obama a tracé une ligne sans précédent dans le sable. L'Église ne restera pas à regarder, les évêques catholiques s'engageront à collaborer avec leurs compatriotes américains pour changer cette règle injuste».

Le climat est incandescent, surtout si l'on considère que la friction qui semble désormais irrémédiable, a lieu en pleine campagne électorale. Dans le monde chrétien, et pas seulement parmi les extrémistes de droite ou certaines franges de l'intégrisme traditionaliste, «Antéchrist» est l'épithète qui est le plus souvent cousue sur Obama. On voit revenir les accusations qui depuis la campagne électorale de 2008 se sont fait entendre contre le sénateur de l'Illinois: le site conservateur RedState.com avait été jusqu'à vendre des tasses et des t-shirts sur lesquels était imprimé un grand «O» surplombé de deux cornes démoniaques et des mots «L'Antéchrist». Bien sûr, les évêques aujourd'hui n'osent pas aller aussi loin, mais on n'en est vraiment pas loin.

Au Vatican aussi, beaucoup d'yeux sont fixés sur Obama. Après la sortie du Pape, jeudi dernier, et un article reprenant les propos de Dolan sur Obama publié dans l'Osservatore Romano, l'impression est que le Saint-Siège cherche à rester à couvert. Bien que, pour être juste, Radio Vatican n'est pas restée à regarder. Elle a demandé au juriste Carlo Cardia, professeur de droit ecclésiastique à l'Université Roma III de commenter l'affaire, et il a expliqué comment sont en jeu «non seulement la Constitution américaine, mais les chartes internationales des droits humains qui ont eu et ont, parmi les points essentiels, le respect de la liberté de conscience, qui à son tour, a une série d'applications. Nous nous souvenons tous de l'une des premières formes de l'objection de conscience, le service militaire, lorsque la valeur de défense de la patrie cédait face à l'objection de conscience de ne pas vouloir prendre les armes. Ce principe, qui a toute une gamme d'applications, est maintenant presque mis entre parenthèses. On fait presque comme s'il n'existait pas! L'attaque contre l'objection de conscience se produit sur plusieurs fronts, et je crois que cette érosion se fait de plus en plus pesante».

Les relations entre le Vatican et Washington sont délicates et tant que le nom du challenger républicain d'Obama ne sera pas connu, il est certain que le profil bas dans les relations avec la Maison Blanche sera le mot d'ordre. Profil bas à Rome, certes, mais liberté d'expression aux États-Unis. Sans surprise, après Dolan, un autre cardinal de poids est descendu dans l'arène.

Il s'agit du nouvel archevêque de Los Angeles, José Gomez, d'origine hispanique, qui a publiquement appelé à une levée de bouclier contre une décision qui «viole les principes non-négociables». Gomez est l'un des principaux interprètes de cette ligne épiscopale des «conservateurs créatifs» (copyright John Allen), grâce auxquels Benoît XVI est en train de refonder la majorité des diocèses américains. «Un évêque conservateur pour Los Angeles», titrèrent les journaux aux États-Unis en avril 2010, lorsque Mgr Gomez fut désigné comme successeur au cardinal Roger Mahony. Un choix de discontinuité, celui du mexicain Gomez, un homme qui a le vent en poupe, auquel aujourd'hui le Saint-Siège laisse la liberté d'action contre la décision «moralement inacceptable» - ce sont ses mots - de Barack Obama.

Lundi dernier, jour du 39ème anniversaire de Roe vs. Wade (la décision de 1973 qui a légalisé l'avortement), les évêques ont appelé les fidèles à manifester, leur demandant de rejoindre la Marche pour la vie. Ils étaient des milliers dans les rues, conduits par le cardinal Daniel DiNardo, archevêque de Galveston-Houston et à la tête de la Commission pour les activités pro-vie de la conférence des évêques américains.

L'Avvenire, le journal de l'avenir de la Conférence épiscopale italienne, écrit à ce sujet: « Pour le mouvement pro-vie Américain bigarré, faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes de partout dans le pays pour un happenings politique et religieux, est le signe d'un enracinement populaire qui dépasse le calibre d'événement folklorique d'une minorité, aussi motivée qu'elle soit». Et encore: «La grande Marche de Washington a donné le spectacle d'un rassemblement populaire bien plus impressionnant que ceux mis en scène par les "indignados", outre-Atlantique, à Wall Street et ailleurs, peut-être capables d'un plus grand "appeal" médiatique, mais certainement pas en mesure, autant que le "peuple pour la vie" de donner une voix à l'alphabet partagé d'une civilisation».

La substance est une. Le monde catholique s'est senti trahi par un président qui s'est dit encore récemment occupé à «réduire le nombre d'avortements». Le «bluff», comme le nomment les évêques, n'a pas été digéré, y compris par ceux qui dans le passé, avaient défendu la réforme des soins de santé. En premier, le nom de Soeur Carol Keehan, présidente de la Catholic Health Association qui, en 2010, malgré la demande de prudence exprimée par les évêques du pays, faisait l'éloge des effets du programme de santé lancé par la Maison Blanche disant que «des millions d'Américains ont été aidés à travers la couverture médicale dont ils avaient besoin».

Les contacts entre Dolan et le Saint-Siège sont constants. Rome pousse les évêques à élargir le plus possible le front de la dissidence. Un exemple en existe déjà, il est récent. Le 20 Novembre 2009, les catholiques, les protestants et les orthodoxes des Etats-Unis se sont unis pour défendre la vie et la famille. Ils avaient clairement la Maison Blanche dans le collimateur. Ils ont signé un appel public intitulé «Manhattan Declaration: A Call of Christian Conscience» - «Déclaration de Manhattan. Un appel de la conscience chrétienne » en défense de la vie, du mariage, de la liberté religieuse et de la liberté de l'objection de conscience. La rédaction finale du texte a été confiée à un catholique, le P. Robert George, professeur de droit à l'Université de Princeton, et et à deux évangélique, Chuck Colson et Timothy George, ce dernier professeur à la Beeson Divinity School, dans la Samford University de Birmingham en Alabama. Parmi les autres signataires, il y avait le Metropolitain Jonas Paffhausen, primat de l'Eglise orthodoxe en Amérique, l'archiprêtre Tchad Hatfield, de Séminaire théologique orthodoxe de Saint-Vladimir, le révérend William Owens, président de la Coalition of African American Pastors, et deux figures de pointe de la Communion anglicane: Robert Wm. Duncan, primat de l'Eglise anglicane en Amérique du Nord, et Peter J. Akinola, primat de l'Église anglicane du Nigeria.
Obama était très occupé à faire passer le plan de réforme des soins de santé aux États-Unis. Défendant la vie humaine depuis la conception et le droit à l'objection de conscience, l'appel disait en termes sans équivoque que les signataires «ne se laisseraient réduire au silence ou à l'acquiescement, ou à la violation de nos consciences par aucunpouvoir sur terre, qu'il soit culturel ou politique, indépendamment des conséquences pour nous-mêmes». Et encore: «Nous donnerons à César ce qui est à César, en tout, et avec générosité. Mais en aucune circonstance nous ne donnerons à César ce qui appartient à Dieu».
Aujourd'hui, la promesse a été tenue. Contre Obama, il y a encore de nombreux signataires de la Déclaration de Manhattan. Et beaucoup d'autres.

Et c'est encore Michael Sean Winters qui rappelle que cette fois, Barack Obama «a tout le monde contre lui», y compris ceux qui l'ont soutenu dans le passé. Winters ne rappelle pas seulement le nom de Soeur Carol Keehan, mais aussi du président de la Caritas les Etats-Unis, le père Larry Snyder, qui s'est dit «profondément déçu». Et puis le père John Jenkins, président de l'Université catholique de Notre Dame, en Indiana. En 2009, il avait invité Obama à recevoir un diplôme honoris causa. Les catholiques se sont insurgés à cause du «soutien ardent et constant d'Obama à des politiques en faveur du droit à l'avortement». Jenkins avait défendu Barack Obama et déclaré que l'invitation était une possibilité de dialogue. Aujourd'hui, Winters rappelle à Obama: «Ces gens ont des cicatrices à montrer pour la faute de leur disponibilité à travailler avec vous, pour vous avoir soutenu dans la dure lutte politique. Ils sont nombreux. Mais je pose la question: est-ce une façon de traiter des gens qui sont descendus sur le terrain pour vous?».