Hier, fête de Notre-Dame de Lourdes, Vittorio Messori dévoilait, pour la Bussola, le sujet du livre sur lequel il travaille (le travail de toute une vie), qui sortira en Italie à l'été. Et révélait, non sans humour, comment en 1994 des catholiques adultes l'avaient empêché de devenir directeur du Bureau de presse de Lourdes. (12/2/2012)
Hier, 11 février, le calendrier liturgique célébrait Notre-Dame de Lourdes.
Vittorio Messori qui se fait rare sur la Bussola, a mis à profit cette date pour expliquer les raisons de son relatif silence. Il travaille à la grande oeuvre de sa vie, un livre à paraître cet été en Italie (et, nous l'espérons, bientôt en France) intitulé «Bernadette ne nous a pas trompés», sous-titré: «Un dossier sur la vérité historique de Lourdes».
Il nous explique en passant, non sans humour, pourquoi, sous la pression de sourcilleux "catholiques adultes" il a dû renoncer en 1994 au poste de Directeur du Bureau de presse de Lourdes que lui avait offert l'évêque d'alors.
-> A visiter: le site du sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes : fr.lourdes-france.org/
-> Sur mon site: Lourdes, le miracle de la foi qui résiste aux réfutations. L'histoire de Bernadette dans le livre-interview avec le père René Laurentin: benoit-et-moi.fr/2008-I/
11 février, tout est vrai
Vittorio Messori
11/02/2012
http://www.labussolaquotidiana.it/
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C'était juste avant onze heures en ce jeudi de brouillard et de givre, ce 11 Février d'il y a 154 ans, fête liturgique de sainte Geneviève, la patronne de Paris et de toute la France: Bernadette (pas d'école parce que pas d'argent pour payer les frais et pour acheter l'abécédaire) dans un coin de la pauvre chambre sombre et malodorante, file de l'étoupe. A un moment, elle lève les yeux et s'exclame, s'adressant à sa maman, Louise: «Mon Dieu, il n'y a plus de bois».
Tout commence ainsi. D'une sortie de trois misérables petites vers le bois communal pour trouver de quoi atténuer le froid et faire cuire une soupe d'eau et d'herbes. Une heure plus tard, grondée par sa sœur et sa petite amie parce qu'elle perd son temps à prier au lieu de ramasser du bois mort, Bernadette sera à genoux devant une grotte qu'elle n'avait jamais vue. Et, si elle en avait entendu parler, c'était sous le nom méprisant d'«abri pour les cochons».
Ceux qui étaient à Bethléem à l'époque de la Judée occupée par les Romains, auraient-ils pu soupçonner que l'histoire ne serait pas seulement changée, mais serait brisée en un «avant» et un «après» en voyant deux voyageurs - dont une femme enceinte - se diriger vers un endroit abrité où s'installer au mieux? Et, à l'époque de la France de l'empereur Napoléon III, auraient-ils pu s'attendre à cet ouragan de foules, de foi, de prodiges, jusqu'à créer le sanctuaire le plus célèbre et le plus visité au monde, qui a vu dans le brouillard hivernal trois fillettes transies dans leurs pauvres haillons et leurs sabots de bois aller le long du torrent, vers une grotte?
Lourdes, donc, et son énigme, avant tout historique. Mes amis et collègues de notre journal me demandent de dire ce que cet endroit représente pour moi.
Pour autant que cela importe, je dis tout de suite que, depuis toujours, c'est l'un des centres de mes pensées et de mes recherches. Pour lui, je me suis même converti - pour une fois - à un moyen qui n'est pas le mien et qui m'attire peu: la télévision. Pour la Rai, je n'ai pas seulement écrit la trame et les textes, j'ai aussi "récité", en suivant les camions de la troupe romaine sur les routes de France, dans un documentaire que j'avais voulu titré "Aquero" et qui aujourd'hui encore, me dit-on, est projeté dans les heures nocturnes (1). Je me suis très vite lié d'amitié avec l'abbé René Laurentin, après en avoir lu, annoté, et admiré les vingt volumes denses consacrés aux événements qui ont commencé ce 11 Février.
Ce n'est certes pas seulement moi, mais le monde catholique tout entier, qui doit être reconnaissant à ce prêtre, à ce détective d'archives, à ce professeur doux et obstiné qui a consacré une si grande partie de sa vie pour amener à la lumière tous les documents de l''affaire Bernadette'. Il a accumulé, avec ordre et clarté, le matériel auquel chaque historien devra se référer, toujours et de toutes façons. La Dame saura le récompenser comme il le mérite.
Ensuite, j'ai si souvent fréquenté Lourdes (et Nevers, où la Sainte attend la résurrection, intacte, dans sa châsse de verre, cf. fr.lourdes-france.org/ ), j'ai si souvent écrit sur le sujet, j'ai si souvent fouillé dans la bibliothèque da la Maison des Chapelains qu'à la fin de l'année 1994 , l'évêque du lieu me demanda de me transférer dans le bâtiment à côté de la grotte avec le rôle de responsable du Bureau de presse (en français dans le texte), la salle de presse des sanctuaires. Il y avait l'invitation cordiale et convaincue du prélat, il y avait la disponibilité, la mienne et celle de ma femme, elle aussi d'une dévotion mariale consciente.
Si je n'ai pas fini sur les rives du Gave ma carrière de journaliste (avec l'intention de ne pas revenir en arrière, de finir aussi ma vie là-bas), c'est à cause d'une histoire un peu triste que je n'ai jamais raconté. Petites manœuvres de clercs «adultes», dont je souris sans rancune. En deux mots: je venais de publier l'interview avec Jean-Paul II, j'avais interviewé quelques années plus tôt - circontance aggravante - le préfet de l'ex Saint-Office, le Panzer-Kardinal selon la légende noire, j'avais commis d'autres livres d' «intolérable» apologétique: en bref, il y en avait assez pour des «catholique adultes autorisés», dès que se fut répandue la nouvelle de mon transfert imminent, recourrent à toutes sortes de pressions pour que l'évêque de Tarbes et Lourdes y ripense. Ils ne tenaient pas vraiment à avoir comme porte-parole du sanctuaire quelqu'un qui admirait et même défendait dans les journaux ce réactionnaire de Ratzinger, cet inquisiteur. Quelqu'un qui croyait sérieusement en la vérité des apparitions, plutôt que de les tolérer comme des manifestations anachronique de dévotion populaire, dans l'attente que les catholiques se convertissent eux aussi à la simple et austère Scriptura sola (ndt: L'expression sola scriptura (ablatif latin signifiant « par l'Écriture seule ») désigne le principe protestant selon lequel la Bible est l'autorité ultime à laquelle les chrétiens et l'Église se soumettent, pour la foi et la vie chrétiennes, fr.wikipedia.org/wiki/Sola_scriptura ), celle du calviniste Karl Barth, par exemple, pour lequel toute mariologie n'est que « cancer à extirper».
Mais l'interruption du discours sur ce projet ne vint pas de l'évêque: c'est moi qui pris conscience de la mauvaise humeur que j'avais suscitée parmi les cléricaux «ouverts» français, mais aussi italiens, belges, néerlandais, allemands, humeurs propres à empêcher ou du moins entraver un travail fructueux. En outre, l'ami et maître Laurentin connaissait bien lui aussi ce climat hostile, masqué derrière l'onction cléricale, et me fit comprendre qu'il serait plus rentable de poursuivre mon engagement en Italie comme journaliste indépendant et écrivain. Je renonçai donc au transfert au pied des Pyrénées, mais pas à la poursuite de mes études et de mes visites, tant et si bien qu'un été Rosanna et moi avons loué pour un mois la maison de mon ami, directeur de Lourdes Magazine, lequel put ainsi de son côté louer une maison à la mer pour les vacances de sa nombreuse famille.
Aujourd'hui, entré désormais dans la phase de la vie où l'on entrevoit le but, j'ai décidé de rassembler les documents: ce qui, dans ce cas, signifie recueillir dans un ensemble aussi organique et compact que possible ce que j'ai appris de ces nombreuses années de recherche.
Donc - si Dieu le veut, bien sûr - au début de l'été, je remettrai à l'éditeur Mondadori un texte qui a pour titre «Bernadette ne nous a pas trompés» . Sous-titre: «Un dossier sur la vérité historique de Lourdes».
Depuis toujours, ce qui a engagé ma réflexion, c'est la «tenue» (ndt: je pense, au sens de persistance) de la foi dans la culture moderne et post-moderne, c'est la possibilité de continuer à croire, de persister dans la croyance qu'en Jésus, Dieu lui-même s'est révélé.
Eh bien, il m'est apparu de plus en plus clair que ce n'est pas par hasard que Lourdes nous ait été donné au moment même où la science semblait devenir la nouvelle religion, chassant l'ancienne et sur laquelle on jetait les bases de l'époque historique que nous vivons encore.
Plus je réfléchissais et approfondissais le « cas Bernadette», plus il m'était évident que, si ce petit-grand témoin nous a dit la vérité, eh bien «tout est vrai».
Autrement dit, il est vrai qu'un Créateur existe, qu'il est entré en l'histoire en devenant un homme parmi les hommes, et en naissant du corps d'une femme juive nommée Marie. Mais il est également vrai que la plénitude de sa révélation et la continuation de Sa présence se produisent dans l'Eglise catholique. En fait, rien n'est plus «catholique» que Lourdes, qui confirme un dogme papal, qui a eu l'honneur (unique parmi les sanctuaires du monde) d'une encyclique à elle entièrement consacrée signé par Pie XII, qui est entré dans le calendrier liturgique de l'Eglise universelle, qui était chère à tous les papes de Pie IX à Jean-Paul II (qui voulut en faire l'objectif de son dernier voyage en dehors de l'Italie), et à Benoît XVI, qui l'a visité pour le 150ème anniversaire des apparitions (2). Les prodiges de la guérison physique ne sont que la confirmation et le sceau de la vérité des apparitions: mais, « si Bernadette ne nous a pas trompés», cette guérison de l'esprit qui est la découverte ou la redécouverte de la foi est disponible pour nous tous.
En somme Lourdes est un appui extraordinaire pour une apologétique solides : l'histoire, ici, s'ouvre sur un mystère que la raison confirme. Pourquoi ne pas profiter de ce grand don, l'utilisant au mieux?
(1) La vigilia di Natale del 1996 andò in onda su Rai 3 il documentario Aquerò, su Lourdes e Bernadette Soubirous, di cui Messori era autore (regia di Vittorio Nevano; il film fu presentato dalla Rai nel 1997 al Prix Italia).
http://it.wikipedia.org/wiki/Vittorio_Messori
http://www.et-et.it/altro/trasmissioni.html
(2) : Video-souvenir