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Un titre provocateur - et très discutable - pour un curieux article de Giuliano Ferrara, qui réagit au Vatileaks. Il aurait dû écrire: "Le Pontificat qu'on a tenté d'interrompre"! (22/2/2012).

Le souci de Ferrara (qui avoue lui-même être athée, ce qui explique qu'il y a des choses qu'il refuse de comprendre) est certainement de défendre le Pape - pour lequel on sait qu'il éprouve une grande affection - avec véhémence, contre ses ennemis urbi et orbi, mais on ne peut pas partager son sentiment de défaitisme absolu, qui n'est pas le sentiment du Saint-Père. En aucune façon, le Pontificat n'a été interrompu. Le Pontificat est douloureux, certes, mais il est glorieux, aussi.
Ce qui est certain, par contre, c'est que "des gens" (???) se sont employés à faire en sorte qu'il le soit, interrompu! A cet égard, le déchaînement du scandale de la pédophilie dans le clergé peut apparaître en effet comme une terrible tentative de le réduire au silence, et Ferrara a raison de souligner que la campagne sur les péchés et les crimes du clergé a été cruciale.
Mais n'oublions pas que la plupart des "vaticanistes", même catholiques (!) se sont acharnés à démolire le Saint-Père depuis le premier jour de son Pontificat, qui, de façon frontale, qui, en douce. On compterait sur les doigts d'une main ceux qui ont été loyaux. Malheureusement, cela, Ferrara, directeur d'un journal, ne le dit pas. Doit-on attribuer son amnésie à une forme de solidarité professionnelle?


L'autre point qui est fortement discutable, c'est l'hyper-valuation du Pontificat précédent, faisant passer celui-là pour un épisode de transition bureaucratique, où l'on se contente de porter "à des hauteur théologiques sûres" les "escalades" de Jean-Paul II. En somme, le coeur et la fantaisie de l'artiste contre la raison du fonctionnaire. C'est très schématique, très injuste, surtout, et cela renforce le faux portrait du Panzer Kardinal.
C'est aussi trop faire passser au second plan le fait que sans "Ratzinger", rien n'aurait été possible. Et c'est oublier un peu vite que Benoît XVI a accepté de porter le fardeau de fautes , non seulement qu'il n'avait pas commises (certaines remontant même à l'époque où il était encore simplement séminariste!!!), mais qui avaient fait de sa part l'objet d'une lutte sans relâche.

     



Ferrara: Le véritable scandale dans l'Église est dans le Pontificat interrompu de Ratzinger
(Texte en italien: Panorama)
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Il n'y a rien de remarquable dans le fait qu'au gouvernorat du Vatican ou à l'IOR, il y ait des litiges au sujet de l'argent. Rien de spécial dans la rédaction d'un document anonyme et malveillant sur la santé du pape, dans lequel sont attribuées à un prélat important en voyage en Chine des pensées obliques sur la succession et les luttes avec le secrétariat d'Etat du Vatican. L'Église charnelle connaît ces choses-là depuis toujours et en soi, elles ne font pas scandale au-delà d'un gâchis normal, alimenté par des rivalités enflammées de carrière et de pouvoir.
Ce qui fait un énorme scandale, en revanche, c'est que toute cette affaire finisse dans les journaux, à la télévision, et plus encore qu'elle tombe dans une Église stagnante (ndt: je ne suis pas sûre de comprendre ce que veut dire Giuliano Ferrara), dans une Curie à nouveau au centre de rumeurs. L'esprit mauvais, l'inquiètude sur l'avenir du Pape, la voix répètée y compris par des évêques émérites de sa démission imminente, l'esprit même de la démission: cela, oui, c'est terrible pour l'Eglise catholique.

A Jean-Paul II, on a repproché de ne pas gouverner la Curie avec une attention réformatrice suffisante. En fait, il l'a abolie pratiquement: la Curie, c'était lui, avec son grand office prophétique et charismatique de voyages et de pèlerinages; la Curie, c'était sa politique de pape anti-communiste, d'agent de la résurrection de l'Europe et de la liberté religieuse, d'éradicateur des malentendus tiers-mondiste de la théologie de la libération; la Curie, c'était sa "christicité" en route, capable de danser sur les parvis, d'enchanter les jeunes de la moitié de la planète, d'exprimer l'efficacité d'une mission universelle, ramenant la vieillesse de l'Église au jeune âge, à une dimension que l'on a qualifiée d'«athlétique» de mouvement perpétuel, et dans un programme d'idées à contre-courant de ses contemporains, de l'idéologiquement correct, de l'immoralisme scientiste, de la culture pansexualiste incapable d'une théologie ou d'une philosophie du corps, de l'âme et de la responsabilité humaine.

Avec l'aide décisive de Joseph Ratzinger, théologien, Karol Wojtyla était moderne et combatif, prêchait la splendeur de sa vérité et fabriquait la sainteté, mais il était capable d'excuses millénaires pour les écarts de l'Église dans l'histoire, il incarnait les inquiétudes de l'Occident face au vide de sens de la vie dans la société de masse, et en même temps, il donnait lustre, et couleur et sens à l'émergence des terres de mission, des nouvelles Églises locales partout dans le monde.

Benoît XVI voulait fixer les résultats de son prédécesseur, portant son escalade à des hauteurs théologiques sûres, dans la confrontation avec l'histoire et la raison modernes, occupant avec davantage de rigueur un espace public envahi et conquis par la force, une force qui me paraissait à la fois douce et massive et pleine de romantisme non réactionnaire, par le pape polonais. Les discours à la Curie sur le Concile, à Ratisbonne, la leçon du Bundestag et mille autres homélies ont parcouru cette route d'invitation, de promesse. Mais quelque chose de grave, bien autre chose que les chamailleries sur les adjudications (ndt: je suppose qu'il s'agit des affaires financières) n'a pas fonctionné.

La campagne sur les péchés et les crimes du clergé a été cruciale. Artificielle, méchante, visant à frapper l'identité sacerdotale dans sa relation avec les petits, avec le futur, cette grande vague neoprotestante a réduit l'ossature de l'Eglise, sa certitude à part, sacrée, sacramentelle, à la dimension d'une supercongrégation sécularisée. Ainsi, l'Église a été mise en condition de victimisme, dans un statut de minorité, en un siècle de plus en plus actif et prépondérant dans ses propres rangs, et l'enchantement de la pensée, de la foi, de l'esprit s'est transormé en cauchemar d'une lumière pastorale, morale, et intellectuelle affaiblie dans une condition ombragée de repentance et d'expiation. Cela me semble être le problème, et le scandale, du pontificat interrompu de Joseph Ratzinger, pas les rumeurs.