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Deux réactions intéressantes. Magnifique, celle de Jean Mercier (via Belgicatho), et don Dom, qui nous rappelle le Curé d'Ars. (6/3/2012)

-> Voir aussi:
Le célibat des prêtres à la télé

     



Il m'arrive de ne pas être d'accord avec ce qu'écrit Jean Mercier (dont le blog figure quand même parmi les "sites amis" ci-contre), mais c'est indéniablement un très bon journaliste. Raison sans doute pour laquelle je ne l'ai jamais vu invité à la télévision pour commenter l'actualité catholique, on lui préfère Odon Vallet et Frédéric Lenoir, plus "fiables".
Pensez donc... s'il se metteait à dire du bien du Saint-Père!!
Donc, Belgicatho a attiré mon attention sur son article consacré au documentaire sur "La vie amoureuse des prêtres" programmé ce soir sur la chaîne publique (il aurait fallu titrer, évidemment: "la vie amoureuse de TROIS prêtres", ce qui est bien différent).
Texte ici: http://www.lavie.fr/sso/blogs/blog.php?id=71
Il est tellement formidable que je m'autorise à le citer en entier!!

Le pape, coupable idéal
05/03/2012
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Une fois de plus, le pape et les évêques sont désignés comme ceux qui empêchent les chrétiens d'être heureux. Retour sur une émission de télévision ayant pour sujet la vie amoureuse des prêtres.

C'est un documentaire qui promet une flambée d'audimat. Diffusé par France 2 le 6 mars, il a pour thème « La vie amoureuse des prêtres ». Il est si tentant de connaître la vie intime de ceux qui se sont volontairement astreints au célibat, et donc à la chasteté... Le moins qu'on puisse dire est que le film est croustillant. Il s'ouvre sur des images d'un couple en automobile. Un prêtre et une femme racontent comment ils se cachent pour se retrouver dans l'intimité, jusqu'à s'échapper à l'étranger.

Kilien et Christine, dont les noms sont donnés en clair, auront sans doute sous-estimé l'impact de ces images sur un diocèse de Lille encore assez bouleversé par le départ de Kilien. Le téléspectateur apprend d'emblée que le documentaire a été tourné alors que Kilien était encore en poste. Il va donc assister en temps réel à la défection du curé... Voyons donc ! Le cinéaste a eu accès à l'envers du décor... et donc nous y introduit, au nom de la transparence ! Si les paroissiens de Kilien s'imaginaient à l'époque que leur curé était dévoué corps et âme à l'Eglise, ils vont tomber de haut : la télé nous explique que son souci était surtout d'organiser des escapades en amoureux. (Peu importe d'ailleurs que dans la réalité, Kilien n'ait jamais failli à ses obligations sacerdotales, qu'il se soit donné totalement à l'Eglise jusqu'au bout, qu'il n'ait rien sacrifié au service de ses paroissiens ... puisque le cinéaste veut nous convaincre qu'il pensait surtout à folâtrer ! La manipulation est bien réelle.)

Entendons nous bien. Il ne s'agit pas ici de « condamner » ce couple – nous sommes tous pécheurs, et nous faisons ce que nous pouvons avec notre affectivité et notre sexualité – mais de s'interroger sur l'indécence prédatrice avec laquelle le cinéaste exploite cette histoire. Faut-il que les croyants du diocèse lillois que cette histoire a blessés découvrent la "gymnastique" (l'expression est de Kilien) du mensonge vécu pendant des années par ce couple ? Est-ce bien utile et nécessaire ?

Prédation encore que ces images où Kilien dit du mal de ses ex-collègues prêtres célibataires qui, selon lui, ne rayonnent guère l'Evangile, sont "malheureux" et "autoritaristes", et "font mal aux gens" par leur "dureté". Là encore, je jette moins la pierre à Kilien qui a sans doute besoin de se rassurer dans son choix qu'au réalisateur lui-même. Il n'aurait jamais dû, par respect pour Kilien qui lui a fait confiance mais dont il sait qu'il manque de recul, garder au montage ces paroles qui vont faire des dégâts auprès des prêtres qui avaient jadis la confiance du prêtre.

Le cinéaste, qui ne brille pas par sa discrétion, ne répugne pas à nous faire entrer dans l'intimité d'un autre couple composé d'un prêtre septuagénaire, qui a attendu la retraite pour épouser celle qu'il aime depuis des lustres. L'ancien Père Gabriel raconte qu'il a demandé à Jacqueline de coucher avec lui – sans qu'ils soient déjà amoureux – et qu'elle a accepté. Là encore, était-il vraiment indispensable de nous partager cette confidence ? Un réalisateur plus respectueux l'aurait coupée au montage. (Au moins apprend-on la faible estime dans lequel la femme tenait le célibat sacerdotal, car elle aurait dû spontanément rappeler au prêtre son engagement, ce qu'elle avoue ne pas avoir fait...)

Mais venons-en au fait, puisque ce blog est dédié à Benoît XVI. Le film, au-delà des témoignages recueillis sur le célibat (et reconnaissons ici qu'il donne longuement la parole à des prêtres qui assument avec joie et conviction leur célibat, ce qui est justice) laisse entendre que le célibat est un obstacle pour les vocations et un handicap pour l'équilibre des prêtres, renforçant leur solitude (etc, les poncifs habituels). La voix off nous explique que la situation est bloquée et que l'Eglise "conformément aux instructions du pape, n'entend pas la modifier".

Une fois de plus, on a donc trouvé le coupable idéal, celui qui empêche les êtres humains d'être heureux : le pape. Une fois de plus, on invite le téléspectateur à penser que tout irait mieux dans l'Eglise s'il n'y avait pas Benoît XVI. Rappelons que le célibat sacerdotal a été réaffirmé à plusieurs reprises par des synodes romains où les papes parlèrent en communion avec les évêques. Il est vrai que le documentaire étend sa vindicte papale aux évêques. Soit ils sont hypocrites en fermant les yeux sur le concubinage clandestin. Soit ils sont lâches, refusant de mettre en cause le célibat par peur "de se faire dégager par Rome", acceptant donc la discipline comme "une chape de plomb". Que le pape et les évêques aient des opinions fondées sur le sujet du célibat semble secondaire.

L'autre énormité de ce documentaire est de confondre sans cesse deux choses - qui se recoupent mais doivent être distinguées - sous l'expression du « mariage des prêtres ". D'une part, la possibilité de l'ordination d'hommes mariés. D'autre part, le fait que des prêtres célibataires catholiques puissent ou non se marier. Ainsi, le film fait déclarer par un sociologue que "jusqu'aux XVIIIe, IXe siécles, les prêtres peuvent se marier". Ce qui est totalement faux. Pour faire bonne mesure, on nous a expliqué avant que l'Eglise a dû changer ses règles en réaction à la décadence sexuelle des papes... Les papes sont en cause, une fois de plus.

Précisons ici deux choses essentielles :

Primo, il n'a jamais été possible pour un clerc de se marier après son ordination. Que l'on soit ordonné prêtre ou diacre, a fortiori évêque, on ne peut pas changer d'état après son ordination. Si on est célibataire, on doit le rester. L'interdiction est établie depuis 2000 ans aussi bien en Orient qu'en Occident. La règle reste valable aujourd'hui : un diacre marié qui se retrouve veuf n'a pas le droit de se remarier. Il a toujours été rigoureusement interdit aux prêtres célibataires de se marier ou d'avoir des relations avec des femmes. Il est avéré que des prêtres ont eu des concubines, mais jamais avec l'aval de l'Eglise, qui a toujours lutté contre cette réalité, en particulier à partir de la réforme grégorienne (du pape Grégoire VII) au XIe siècle. La seule parenthèse historique où des prêtres se sont mariés est la Révolution française, mais le mariage se faisait parfois de force. Bien sûr, la Réforme du XVIe siècle a marié les prêtres, mais elle les a aussi, en même temps, d'un point de vue théologique, désacralisés (ils sont mariés, mais ce ne furent plus des prêtres mais des pasteurs). Dans les Eglises anglicanes, le « prêtre » est théologiquement un pasteur protestant, puisque l'ordination qu'il ou elle reçoit n'est pas un sacrement.

Secundo : l'Eglise catholique latine a pratiqué l'ordination d'hommes mariés (et le fait encore). Jusqu'au XIe siècle, elle a ordonné des hommes mariés au diaconat et au sacerdoce, jusqu'à en élever certains à l'épiscopat. Mais la règle d'airain impliquait que le couple ne fasse plus usage de la sexualité, ce qui conduisait parfois à une séparation de corps, notamment pour les évêques. La difficulté de tenir la continence a conduit à une interdiction de cette pratique lors de la Réforme grégorienne, parmi d'autres facteurs d'ordre politique et économique.
Depuis trente ans, l'Eglise catholique latine a ordonné plus de 300 hommes mariés au sacerdoce (issus de l'Anglicanisme ou du protestantisme), cette fois sans imposer la continence, par respect pour l'exercice du lien conjugal dont jouissaient ces hommes dans leur Eglise d'origine (c'est la coutume en cas de "conversion"). Mais s'ils deviennent veufs, ils ne peuvent pas se remarier (voir paragraphe précédent!)... Et il existe des cas très rares où l'Eglise ordonne prêtre un homme marié qui ne fait plus usage de son mariage. Je connais un prêtre qui est dans ce cas : sa femme est devenue religieuse. Ils gardent un lien affectif, épistolaire et se voient une fois par an, dans le respect de la continence. (Pourquoi pas, s'ils sont tous les deux heureux ?) Ils restent époux aux yeux de l'Eglise.

Si le pape peut éventuellement libéraliser la pratique déjà existante d'ordonner des hommes mariés (libéralisation qui n'est pas au programme, et qui pose de nombreux problèmes nouveaux à résoudre), il ne peut pas grand chose pour les prêtres célibataires qui décident de rompre leur vœu de célibat, sauf à inventer une règle totalement nouvelle dans l'Eglise catholique, dans sa sphère latine ou orientale.

C'est cette réalité subtile que le documentaire de France 2 devait expliquer. Mais il préfère brouiller les pistes afin que le public puisse s'apitoyer sur le sort de Kilien et Christine, et que l'on considère que l'institution est, une fois de plus, inhumaine et inadaptée à la modernité... Le film appuie ainsi à plusieurs reprises sur le thème de l'exclusion par l'Eglise (en l'occurrence, l'évêque). Or Kilien n'a pas été "exclus", il a choisi de se mettre dans une position où l'Eglise devait obligatoirement lui imposer de ne plus exercer le sacerdoce. En d'autres termes, c'est lui qui a induit son exclusion, ce qui est différent.

Reste le problème de ces prêtres qui tombent amoureux d'une femme. Ou qui vivent en concubinage. Kilien n'est pas le premier et le dernier. Ils furent des milliers. Ils sont encore nombreux. Dans la plupart des cas, l'Eglise tente de régler avec humanité le choix fait par des hommes qui, jadis, se sont engagés avec leur pleine liberté dans le célibat, mais qui décident d'assumer leur couple au grand jour. Choix qui devient selon eux nécessaire pour faire cesser le mensonge d'une double vie. Mais les prêtres qui quittent ne sont pas des victimes du système, ce que le documentaire laisse entendre en appuyant notamment sur leur nouvel état de chômage et de précarité sociale. Ils ont posé un acte libre, de même qu'au moment de leur ordination... (sauf s'ils ont été à l'origine téléguidés vers le sacerdoce par des parents ou des éducateurs peu respectueux de leur liberté profonde).

Ne serait-il pas plus humble et juste, de la part de ces prêtres, de reconnaître qu'ils se sont trompés, qu'ils ont surestimé leur capacité à observer le célibat, plutôt que de mettre en cause une règle qu'ils ont acceptée en pleine liberté, et tenter de prouver que l'Eglise est dans l'erreur ? L'ex-prêtre qui témoigne, Gabriel Doin, explique d'ailleurs qu'il s'est trouvé en désaccord avec la définition du prêtre selon l'Eglise catholique. Il devrait logiquement reconnaître que sa théologie est ici plus protestante que catholique.

Par ailleurs, la question de l'affectivité du prêtre et de sa solitude ne se laisse pas "solutionner" par la vie conjugale, même si Christine affirme de manière assez péremptoire "qu'un homme ne peut pas vivre sans relations sexuelles". Des hommes mariés sont les premiers à donner l'exemple d'une affectivité qui dérape (adultère, et pédophilie). Un prêtre célibataire peut être affectivement équilibré grâce à des amitiés masculines et féminines. Côté affectif, de nombreux prêtres décident de vivre en communauté pour ne pas être seuls au quotidien. D'autres prêtres revendiquent la solitude comme une pauvreté librement choisie en union avec le Christ, en solidarité spirituelle avec ceux qui n'ont pas choisi d'être célibataires et qui en souffrent. Ils n'en sont pas moins joyeux et sains pour autant, j'en suis témoin. A ce propos, on verra le très beau documentaire La pastorale de la cafetière où le Père Bertrand Chevallier parle dans ce sens. Etre célibataire ne signifie pas renoncer à être aimé...

Un prêtre intelligent, séduisant, rayonnant doit naturellement s'attendre à tomber amoureux ou à être l'objet de l'amour d'une femme et à avoir envie d'y répondre... Sinon, il ne serait pas "incarné". Face à l'éventualité bien prévisible d'une telle tentation, sa réponse intérieure doit être déterminée depuis l'ordination diaconale : un « non » ferme et déterminé, pur et simple, qui peut s'apparenter au martyre. Il peut défaillir. Mais défaillir... est autre chose que s'installer dans un mensonge de longue durée.

Une jeune femme célibataire investie dans l'Eglise peut s'attendre à tomber un jour amoureuse d'un prêtre (d'autant plus s'il est charismatique, beau, intelligent, etc...), jusqu'à songer à former un couple avec lui. Une règle déontologique en la matière pourrait être, en matière de quête amoureuse : pas d'hommes mariés, pas de prêtre. Un point c'est tout.

Certes, il ne faut pas se voiler la face : de nombreux catholiques ne comprennent pas que l'Eglise n'autorise pas les prêtres célibataires à se marier après leur ordination. Où serait le mal ? se demandent-ils...

Le sacerdoce est une union d'identité si forte avec Jésus qu'il configure le prêtre comme Jésus, c'est-à-dire époux de l'Eglise : le prêtre participe du mariage spirituel qui unit l'Eglise et le Christ d'une façon si intense qu'il ne peut être que célibataire, comme d'ailleurs Jésus l'était. C'est un grand mystère, qui ne se laisse pas percer facilement, mais dont ont témoigné ceux qui ont reçu cette grâce, dont plusieurs saints...

Il est vrai aussi que des (jeunes) hommes qui songent à devenir prêtres renoncent à ce projet à cause du célibat. Ceci ouvre le débat, que l'Eglise n'a jamais considéré comme illégitime, de l'ordination d'hommes mariés. Mais cette piste (au demeurant très complexe, et qui est loin d'être la panacée, car d'autres questions se présentent) ne répond pas au drame de Kilien et de Gabriel, qui est de tomber amoureux d'une femme (ou d'un homme, ce qui s'est déjà vu).

Ce drame renvoie à la question de la Grâce : la force que Dieu donne à un moment et sur laquelle se fonde un homme pour répondre à l'appel du Christ en devenant prêtre peut-elle s'évanouir en fumée ? Que faut-il faire pour qu'elle dure toute une vie ? Là est la question... qui ouvre sur un mystère inoui.

Le Christ a sans doute vécu ce mystère. Si jamais le jeune Jésus n'avait pas été consacré comme un "nazir", c'est-à-dire offert au Seigneur dans le célibat (et les Ecritures sont muettes à ce sujet), il ne devait pas être facile pour lui d'être célibataire dans une société qui valorisait le mariage et la famille à l'extrême. On peut imaginer les quolibets que Jésus a pu subir à Nazareth, entre l'âge où il était "bon à marier" et le début de sa vie publique, soit une quinzaine d'années... Marie a dû aussi endurer les regards en coin au lavoir, les chuchotements qui se taisent à son passage dans les ruelles, parce que son fils n'était pas marié.

Le choix du célibat sacerdotal est radical. Mais regardons les exigences du mariage catholique : on s'engage à aimer l'autre pour toute la durée de sa vie à lui ou à elle, et à lui rester indissolublement fidèle, même si l'autre s'éloigne ou choisit d'être infidèle et de vivre avec un tiers... Choix aussi fou, sinon plus, que le célibat sacerdotal... Si l'Eglise était "sage", elle devrait donc d'abord commencer par abolir le mariage avant de relativiser le célibat sacerdotal...

La fidélité du prêtre dans son célibat aide les couples engagés dans le mariage à tenir dans leur propre fidélité conjugale, elle-même parfois soumise à tentation. Et vice versa. Tout se tient dans la communion des saints.

Et ceci n'est pas la faute du pape, mais le mystère de la grâce de Dieu.

     


Le Suisse Romain reproduit à ce propos sur son site cet "acte d'amour du Saint Curé d'Ars".

Acte d'amour du Saint Curé d'Ars

Je vous aime,
ô mon Dieu,
et mon seul désir
est de vous aimer
jusqu'au dernier soupir de ma vie.

Je vous aime,
ô Dieu infiniment aimable
et j'aimerais mieux
mourir en vous aimant
que de vivre un seul instant
sans vous aimer.

Je vous aime,
ô mon Dieu,
et je ne désire le ciel
que pour avoir le bonheur
de vous aimer parfaitement.

Je vous aime,
ô mon Dieu,
et je n'appréhende l'enfer
que parce qu'on n'y aura jamais
la douce consolation de vous aimer.

O mon Dieu,
si ma langue ne peut dire
à tout moment que je vous aime,
du moins je veux
que mon cœur vous le répète
autant de fois que je respire.

Ah, faites-moi la grâce
de souffrir en vous aimant,
de vous aimer en souffrant
et d'expirer un jour
en vous aimant
et en se sentant
que je vous aime.

Et plus j'approche de ma fin,
plus je vous conjure
d'accroître mon amour
et de le perfectionner.

Ainsi soit-il!