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Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Mgr Musaro

Benoît XVI réconciliera les Cubains, dit Mgr Musaro. Et Cuba est un laboratoire de la nouvelle évangélisation. Interviewe sur Radio Vatican en italien. (15/3/2012)

Voir aussi:
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Cuba: des dissidents occupent une église
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Granma souhaite la bienvenue au Pape
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Cuba et le syncrétisme afro-américain
.... et bien sûr, toute la rubrique: Mexique et Cuba

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Tandis que l'Église affronte la question des dissidents cubains (cf. Cuba: des dissidents occupent une église), on met la dernière main aux préparatifs pour la visite du Pape attendu à Santiago de Cuba en début d'après midi, heure locale, le 26 Mars.

Luca Collodi, pour Radio Vatican, a demandé au nonce apostolique dans le pays, l'archevêque Bruno Musarò (ndt: nommé en août dernier, en remplacement de Mgr Angelo Becciu, nommé substitut pour les Affaires générales de la secrétairerie d'Etat, ce qui équivaut à "ministre de l'Intérieur" du Vatican) comment avance l'organisation de la visite:

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R. - Elle se poursuit toutes voiles gonflées. Grâce à Dieu, et en peu de temps, depuis l'annonce du 10 Novembre. Le temps était court, mais peut-être que cette brièveté du temps a incité les deux Commissions, de l'Église et du gouvernement, à travailler avec diligence, rapidement, aux préparatifs. Et je dois dire qu'on a vraiment très bien travaillé. Maintenant, nous en sommes à finaliser les détails.

Q. - Le Pape visite Cuba au terme du pèlerinage de la statue de Notre-Dame de la Charité de Cobre, qui a traversé l'île ces dernières semaines. On peut parler d'un «printemps de la foi»?

R. - En effet, c'est précisément le sentiment qu'on a eu durant tout le pèlerinage de cette image mariale, de la part des évêques, des prêtres. On a vu concrètement la foi des gens simples, la dévotion à Notre-Dame, qui était même presque recouverte par la poussière dans toutes les années passées, parce que le dernier pèlerinage de Notre-Dame de la Charité de Cobre, patronne de Cuba, remonte à 50 ans. Pensons que la génération actuelle ne se souvient pratiquement de rien, même si elle en avait entendu parler par les parents ou les grands-parents. Alors, le passage de la Sainte-Vierge - qui, il faut le dire, a visité tout le monde, tous les pays et tous les villages des onze diocèses de Cuba - a suscité un enthousiasme et une ferveur peut-être même pas prévus par les évêques.

Q. - C'est Jean-Paul II qui a accompli dans l'île un pèlerinage qui est encore qualifié d'«historique». Qu'est-ce qui a changé depuis lors dans la spiritualité du peuple cubain?

R. - Il faut dire que le pèlerinage de Jean-Paul II a été un événement historique - il a marqué une époque, pourrait-on dire - pour l'île de Cuba. Peut-être faudrait-il dire qu'il y a eu un «avant» et un «après» la visite du bienheureux Jean-Paul II. Nous savons qu'à cette occasion le gouvernement a rendu férié le 25 Décembre, pour la fête de Noël des chrétiens. Mais, ce que j'ai pu constater, ce que m'ont dit les évêques et les prêtres, c'est que la visite de Jean-Paul II a fait que les gens, peu à peu, sont retournés à l'Église, aussi dans le sens matériel du terme. Alors qu'avant, les gens avaient peur d'entrer dans les églises, aujourd'hui ils n'ont plus peur et peu à peu, les églises sont redevenues le lieu de rencontre de la communauté chrétienne. On peut donc dire non pas que «quelque chose a changé», mais que «beaucoup a changé» dans la spiritualité du peuple cubain, dans le sens que les Cubains, un peuple catholique, comme tous les peuples de l'Amérique latine, a redécouvert sa spiritualité, a redécouvert le fait qu'ils sont chrétiens, membres de l'Église, dévots à la Vierge. Et peu à peu, on voit revivre les communautés chrétiennes dans tous les diocèses de Cuba.

Q. - Qu'est-ce que les gens attendent de la présence du Pape?

R. - Il y a eu, ces dernières années, avec le nouveau président de la République, ici, à Cuba, une ouverture, surtout dans le domaine économique, ce qui a causé et continue à inspirer beaucoup d'espoir à Cuba. Il s'agit d'un espoir dans le sens que ces ouvertures se poursuivent et que nous puissions arriver à un mode de vie plus paisible, un mode de vie qui donnerait confiance aux gens pour s'engager dans le travail pour le bien commun de la société. Et puis, ces gens attendent que la présence de Benoît XVI à Cuba, dans le sillage de la visite apostolique du Pape Jean-Paul II, contribue à ouvrir la société cubaine encore plus. Et ici, personne n'a oublié, et le gouvernement lui-même en est satisfait, ce qu'a dit Jean Paul II, ce slogan qu'il lança en 1998: «Que Cuba s'ouvre au monde et le monde s'ouvre à Cuba». C'est, je crois, le secret désir qui naît du cœur de tous les Cubains.
Mais par-dessus tout, ce qu'on attend de la visite de Benoît XVI, c'est un processus de réconciliation entre tous les Cubains. Et c'est là le point sur lequel tous les évêques ont insisté lors du pèlerinage de la Madonne, et c'est le point sur lequel ils insistent, tout en préparant la visite du Pape Benoît XV I.

Q. - Mgr Musaró, dans la société cubaine actuelle, quel rapport existe-t-il entre les croyants et les athées?

R. - C'est un aspect très difficiles à détecter, car nous savons qu'après le triomphe de la révolution de Fidel Castro, en 1959, après quelques années, Cuba a été appelé un «pays athée». Toutefois, cet aspect d'athéisme a été supprimé de la Constitution peu avant la visite de Jean-Paul II. Dans la pratique, il n'avait aucun sens. Comment peut-on parler d'un pays athée, ici en Amérique latine? Au contraire, il convient de noter qu'en plus des catholiques, il y a des chrétiens d'autres confessions et, malheureusement, aussi une invasion de sectes protestantes, de sectes religieuses, un phénomène, entre autres choses, qui caractérise l'ensemble de l'Amérique latine. Donc on ne peut pas parler d'un rapport entre les catholiques et les athées; et même, les évêques, sur ce point, disent que le peuple de Dieu, ceux qui sont restés fidèles à l'Église, qui commencent à fréquenter l'Église, ne se distinguent en rien des Cubains qui, à cause de circonstances historiques, s'étaient éloignés de l'Église. Et donc, c'est presque un phénomène d'intégration entre eux, qui est sous les yeux de chacun. C'est-à-dire que cet athéisme était quelque chose de très superficiel, à mon avis.

Q. - La tradition religieuse populaire cubaine est caractérisée par la présence de la «Santeria». L'Eglise est préoccupée par cette forme de religion populaire?

R. - L'Eglise est préoccupée par cette présence parce qu'elle est assez répandue; toutefois, nous savons que ce phénomène de «Santeria» n'est pas de maintenant, mais il date de l'époque de la conquête, quand les esclaves noirs, qui ont été ensuite été présents sur l'île, ont été en contact avec la réalité du christianisme et ont donc identifié, disons, leurs «dieux» avec le Seigneur, la Vierge, les saints que les missionnaires, les évangélistes leur présentaient dans leur oeuvre d'évangélisation. Donc, une sorte de «syncrétisme» qui se poursuit encore. Le phénomène intéressant d'aujourd'hui - et c'est un phénomène qui doit être étudié par nous, par l'Eglise, par les évêques, un jour, il faudra certainement qu'il soit abordé par la Conférence des évêques - c'est que pour pouvoir entrer dans cette, disons, secte de la «Santeria», il faut avoir reçu le Baptême dans l'Église catholique. C'est un aspect qui suscite bien des inquiétudes, et certainement, un jour ou l'autre, il faudra y faire face.

Q. - Les sectes trouvent-elles un terrain fertile dans la pauvreté cubaine?

R. - Oui, comme dans tous les pays. J'ai eu d'autres expériences en Amérique latine, comme au Guatemala et au Pérou, et nous savons que ces sectes trouvent un terreau fertile dans les régions les plus pauvres. Pourquoi? Parce qu'eux, en se présentant, répondent immédiatement - car ils ont aussi de l'argent, des fonds - aux besoins les plus urgents des gens. Mais ensuite, petit à petit, leurs offrandent s'amenuisent, et alors il y a le phénomène de la déception de la part de ces gens, et - nous devons dire merci à Dieu - aussi le retour de certains dans l'Eglise catholique après cette expérience négative dans les sectes. Mais c'est un sujet de préoccupation grave.

Q. - Mgr Musaró, comment l'Eglise cubaine regarde-t-elle la nouvelle évangélisation de l'île?

R. - La chose très, très intéressante, c'est que ce pèlerinage de Notre-Dame de la Charité de Cobre sur toute l'île a été vu comme un phénomène de la nouvelle évangélisation. Les évêques, sous la direction de l'archevêque cardinal de La Havane, préparent un document pour recueillir toutes les manifestations de cette foi, et de cette dévotion à Notre-Dame, comme redécouverte de la foi et avec la ferveur nouvelle de la nouvelle évangélisation à laquelle nous exhorte le Pape Benoît XVI. C'est pourquoi les évêques sont vraiment enthousiasmés par ce qui a été accompli, ce qui s'est passé chez les personnes de leurs communautés diocésaines avec le passage de la statue de la Vierge. Et certes, les évêques ont également l'intention de présenter cette étude au Conseil pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation et à la Congrégation pour les Évêques, qui s'est montrée très, très intéressée par ce phénomène cubain de nouvelle évangélisation à travers la présence de la Vierge. Et comme nous le savons, en Amérique latine déjà avec Jean-Paul II, Marie a été proclamée «Étoile de l'évangélisation».
C'est elle qui annonce Jésus Christ en premier, si bien que le slogan du pèlerinage de la Madonne était «A Jésus à travers Marie. La charité nous unit». C'est vraiment cela la nouvelle évangélisation, en particulier dans le contexte historico-social de Cuba

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