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Le chef de l'Eglise anglicane annonce qu'il compte retrouver sa fonction de professeur à Cambridge... Une analyse de Vittorio Messori (18/3/2012)

     



Lu sur RV en français

Rowan Williams à la tête de l'Église anglicane annonce sa démission
(http://www.oecumene.radiovaticana.org).
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Il y a une semaine à peine, il présidait les Vêpres avec Benoît XVI dans une église romaine (Célébration avec l'Archevêque de Canterbery): l'archevêque de Cantorbéry quittera ses fonctions à la fin de l’année pour prendre la tête du Magdalene College à l’université de Cambridge.
En poste depuis 2002, Rowan Williams l’a lui-même annoncé ce vendredi 16 mars, reconnaissant que cette décision n’avait pas été facile.
Le Premier ministre britannique David Cameron a salué le rôle joué par Rowan Williams qui a guidé l'Église anglicane pendant une période de défis et de changements et qui a cherché à unifier les différentes communautés. La communauté anglicane est en effet très divisée depuis quelques années...

Retour de la Tamise au Tibre: pour Canterbury, c'est le moindre mal.
Vittorio Messori
(http://www.et-et.it, ma traduction)
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Comme Mario Monti, il s'est donné une date limite et une destination analogue: entre la fin de cette année et le début de la prochaine, il quittera (avec soulagement) sa charge au sommet et retournera à son vrai métier, celui de professeur d'université. Notre sénateur, à l'Université Bocconi, lui, à Cambridge.
Nous parlons de Rowan Williams, archevêque de Canterbury et en tant que tel, 104-ème Primat de la Communion anglicane.
La médiation continuelle entre des groupes opposés s'inscrit dans le cadre de l'histoire mouvementée de cette communauté, mais à présent, fait comprendre le prélat, la mesure est comble. Avec un sens de l'euphémisme tout britannique, Williams (gallois, un fait inédit pour ce qui n'est pas l'Eglise du Royaume-Uni, mais de l'Angleterre) ne stigmatise pas, n'excommunie pas, ne claque pas les portes des cathédrales.
Avec un demi-sourire derrière sa belle barbe blanche, il fait comprendre qu'il abandonne au bout de neuf ans, «ayant atteint les limites de la patience».
Une pointe d'humour démystifiant qui est dans la tradition.

En fait, la Communion anglicane est ce qui existe de mieux pour ceux qui apprécient le pragmatisme, l'horreur de l'idéologie d'une île qui a refusé d'importer, et même combattu courageusement, le jacobinisme, le communisme, le fascisme ou tout autre «isme» de cette Europe dont elle se méfie depuis toujours. Elément central de ce groupe singulier de chrétiens, il y a ce que nous pouvons traduire maladroitement en italien (ndt: et ici, en français. Le mot utilisé par Messori est «comprensibilità») par «compréhensibilité». La comprehensiveness signifie qu'on peut être anglicans en croyant (ou en ne croyant pas) en tout et son contraire. Les fidèles ne perdent pas leur statut de membres ecclésiaux s'ils suivent des doctrines contraires à celles établies ou s'ils doutent des vérités fondamentales de la foi. Comme on peut le lire dans une brochure: « nous devons accepter que ceux qui confessent ou qui nient la naissance virginale du Christ, qui acceptent ou rejettent les récits de la résurrection, qui professent ou qui doutent de l'historicité des Evangiles, qui croient que le Bible est la parole de Dieu ou que c'est juste une oeuvre humaine, sont de bons anglicans».

Pour en revenir au Révérend Williams: comme il est de son devoir, il a toujours célébré toutes les occurrences de l'année liturgique, avec ce soin et même cette pompe liturgique que l'Angleterre doit au fait d'avoir été réévangélisée par des moines bénédictins, maîtres du culte. Le cycle de Noël était bien sûr particulièrement soigné par lui, comme archevêque primat de l'Eglise. Mais comme chercheur, il n'a jamais caché sa faveur pour ces spécialistes de la Bible qui jugent légendaires les récits de l'Evangile. Donc, Jésus n'est pas né à Bethléem, mais à Nazareth, le fils aîné de nombreux frères et sœurs engendrés par le couple «normal» Marie et Joseph, avec les prophéties, les anges, les rois-mages, la grotte, les bergers, tous fruits du mythe judéo-hellénistique et certainement pas de l'histoire.

Quant à la charnière sur laquelle toute la foi est fondée, la Résurrection, le primat s'est exprimé d'une manière moins explicite, mais il n'a certes jamais condamné ces théologiens et exégètes anglicans, souvent membres du clergé, qui penchent ici pour une légende et non pour une réalité. La splendeur de la liturgie ancienne est ainsi souvent conservée au nom de la tradition d'autrefois, et pas de la foi d'aujourd'hui. Du reste, pas seulement à Londres, mais dans tout le pays, il y a beaucoup plus de musulmans dans les mosquées le vendredi, que de chrétiens au temple le dimanche.

L'oxymore, l'union des contraires, l'indifférence à l'orthodoxie, sont depuis un ou deux siècles partie intégrante d'une communauté qui n'a même pas un nom unique (anglicane pour les Anglais, épiscopalienne pour les Américains) et qui collectionne les paradoxes. Aujourd'hui encore, comme au temps d'Henri VIII, cette Eglise née au nom de la liberté du chrétien, et pour s'opposer à l'oppression de Rome, peut seulement présenter ses positions théologiques. Mais celles-ci ne sont «vraies» que si elles sont votées et approuvées par le Parlement et co-validées par le roi ou la reine. Du curé de campagne à l'évêque, les nominations ecclésiastiques sont la prérogative du gouvernement. Maîtres de la liberté dans le monde entier, ce n'est qu'en 1913 que les anglais ont reconnu les droits civils aux irlandais: la hiérarchie anglicane était opposée à l'égalisation des droits de ces «papistes». Les Etats-Unis, d'ailleurs, ont été créés par les descendants de ceux qui ont fui la Grande-Bretagne, parce que victimes de sanglantes persécutions, comme suivant des confessions non acceptées par l'Eglise d'Etat.

Né, comme on le sait, du caprice d'un roi qui eut six femmes et en fit décapiter deux, ayant grandi dans un bain de sang (plus de 50.000 tués, Thomas More en tête, parce qu'ils n'acceptaient pas qu'Henry VIII ne soit pas seulement souverain mais aussi pape, et sa fille Elisabeth en suivit l'exemple terrible), la Communauté s'est progressivement transformée en une mosaïque, où l'archevêque de Canterbury a seulement une primauté d'honneur, et pas d'intervention directe.
Mais même la longue tradition de médiation n'a pas suffi à Williams pour naviguer à travers les mines du politiquement correct: rôle des femmes, droits des homosexuels, reconnaissance des sacrements, en particulier le mariage. Au nom de l'oxymore, le Primat s'est montré ouvert sur certaines questions chères aux libéraux et fermé sur d'autres, comme l'avortement, dont il était un ennemi déterminé.
N'a pas manqué non plus le paradoxe habituel: les défenses les plus tenaces de la foi et de la morale traditionnelle ne sont pas venues des anglais, mais de la part des membres indigènes, souvent noirs, des communautés des anciennes colonies. Paradoxaux aussi, dans le fond, les félicitations à Benoît XVI, qui a créé des ordinariats autonomes pour accueillir les anglicans qui voulaient retourner à Rome et à sa doctrine, moins soumise à l'idéologie hégémonique.

Le primat, en somme, n'est pas fâché du tout que des évêques, des pasteurs, des fidèles quittent leur Maison pour retourner au bercail catholique, exécré depuis des siècles. Il paraît qu'il a été soulagé de voir s'affaiblir, avec l'exode vers le «papisme», au moins un des fronts qui le serrait dans un étau.
On dit que la Reine, le Parlement, l'Etat vont appeler pour lui succéder un évêque ougandais, un de ces "colored" qui se sont rangés du côté du Credo et de la morale (1). La seule façon, dit cet africain, de sauver ce qui reste de la Communion anglicane. Un programme qui n'est pas sans rappeler celui de «ré-évangélisation» du pape Ratzinger.
En somme, ce n'est pas de l'apologétique, mais c'est un fait: cinq siècles après Henri VIII, la Tamise semble refluer de nouveau vers le Tibre.

© Corriere della Sera

     


Note
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(1) Carlota m'envoie ce lien (en anglais), qui nous apprend que c'est John Sentamu, archevêque de York, qui serait le favori pour remplacer Williams.
Il serait assez "conservateur", c'est-à-dire contre le mariage homosexuel!
Ougandais arrivé en 1974 en Grande Bretagne, suite au régime sanguinaire d'Amin Dada.
Avocat, marié et père de 2 enfants.
(d'autres détails en italien ici)