Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Une interviewe (et un auto-portrait) du Secrétaire d'Etat datant de 2006, dans le magazine 30 Giorni. (21/3/2012, mise à jour ultérieure)



Cherchant à illustrer l'interviewe du cardinal Bertone traduite hier (cf. Mexique: Benoît XVI et le voeu de Jean-Paul II), je suis "tombée" sur une autre, datant celle-là de 2006 (alors que le cardinal venait d'être choisi par le Saint-Père comme son Secrétaire d'état).
N'en déplaise à tous les corbeaux, et auteurs de "vatileaks", il en émerge le portrait d'un homme chaleureux, pétri d'humour et de bon sens, extrêmement attachant.
Issu d'une famille paysanne piémontaise avec de nombreux enfants, son parcours et son histoire ne sont pas sans rappeler ceux de Joseph Ratzinger, même s'ils sont très différents dans d'autres aspects (par exemple, Tarcisio Bertone est un bon vivant, amateur de football.... et même de bon vin!). On peut dire qu'ils se complètent admirablement, et je pense que c'est la raison du choix de Tarcisio Bertone par Benoît XVI comme Secrétaire d'état.

On découvre qu'il aime jouer du piano, qu'il est lui aussi un amoureux de Mozart, et - avec surprise - qu'il a, étant jeune homme, composé deux oeuvres musicales: "Frenesia primaverile" [Frénésie printanière], un morceau très gai, et "Zingaresca" [Bohémienne], sur un rythme de jazz...
Il raconte ses souvenirs (savoureux!) de Vatican II, alors qu'il était un tout jeune prêtre.

Il est également question du troisième secret de Fatima (Comme on l’a réaffirmé officiellement, le troisième secret est celui qui a été publié en 2000 et sœur Lucia n’a jamais prédit l’élection ni la mort de Jean Paul Ier, ni établi de relations entre Fatima et les attentats du 11 septembre. J’ai entendu sœur Lucie l’affirmer de mes propres oreilles), des négociations avec les lefebvristes (je reste en tous cas convaincu qu’il ne sera pas difficile de trouver les moyens adéquats pour y arriver, surtout après l’audience exceptionnelle accordée par Benoît XVI à monseigneur Bernard Fellay l’année dernière, et à condition qu’il y ait, de la part des disciples de Mgr Lefebvre, une volonté sincère de rentrer en pleine communion avec le Saint-Siège) , de ses prises de position tonitruantes contre la mode de Halloween et contre le Code da Vinci de Dan Brown, ou encore [de son] éloge du film "The Passion" de Mel Gibson, des relations avec l'islam. Et de son travail à la CDF, sous la direction du Cardinal Ratzinger. Evoquant les polémiques qui ont suivi la parution de Dominus Iesus, il écrit:

Je me souviens que Dominus Iesus a même inspiré les commentaires critiques d’éminentes personnalités, au point que Jean Paul II, après un déjeuner de travail avec les dirigeants de la Congrégation, a décidé de réaffirmer au cours d’un Angelus place Saint-Pierre qu’il avait personnellement voulu et approuvé ce document. Et c’est ce qu’il a fait.

Enfin on n'est pas peu surpris de lire sa réponse - prémonitoire - à une question sur les rapports économiques et financiers entre le Nord et le Sud du monde:

J’ai repris plusieurs fois le jugement qu’avaient émis d’éminents chercheurs et des épiscopats entiers: les prêts internationaux de la Banque mondiale et du FMI, comme ceux qui se pratiquent de pays à pays, sont désormais arrivés au stade de l’usure et ils devraient être déclarés illégaux. En effet, la dette se change en usure lorsqu’elle lèse le droit inaliénable à la vie et tous ces autres droits qui, loin d’avoir été concédés à l’homme, lui appartiennent par nature. Certains technocrates, en particulier ceux des multinationales, de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire, ont imposé aux populations pauvres des conditions inacceptables, comme la stérilisation obligatoire ou l’obligation de fermer les écoles catholiques. On devrait, suivant la doctrine sociale de l’Église, arriver à un capitalisme démocratique populaire, à savoir un système de liberté économique non oligopoliste, qui accueille le plus grand nombre de sujets en leur permettant d’accéder à la créativité et au monde de l’entreprise, et en favorisant un saine concurrence à l’intérieur d’un cadre législatif clair.

L'interviewe est à lire en français ici: http://www.30giorni.it/articoli_id_11130_l4.htm#

Mais on est frustrés des dernières répliques (qui ne sont pas les moins intéressantes!!), que j'ai heureusement trouvées sur la version en italien du magazine (http://www.30giorni.it/articoli_id_11148_l1.htm ). On y apprend que le cardinal, bien que ne sortant pas du sérail (autrement dit, il n'est pas un "énarque" de l'Eglise en tant qu'institution), a des qualités de diplomate certaines.... et aussi les circonstances d'une rencontre avec Fidel Castro.

- Au cours des années à Gênes, vous avez eu l'occasion de mener à bien quelques missions dans diverses parties du monde ...

BERTONE: A Gênes, j'ai d'abord essayé de visitez toutes les paroisses et toutes les communautés religieuses du diocèse. Et je dois dire qu'en trois ans, j'ai visité la quasi-totalité. Puis j'ai suivi avec un grand soin les œuvres sociales et de charité que l'Eglise poursuit à Gênes avec un grand amour pour la ville: à partir de ces grandes réalités que sont les hôpitaux Gaslini et Galliera dont l'archevêque de Gênes est président. Mais Gênes est une ville historiquement ouverte sur le monde. Et ainsi, j'ai eu l'occasion aller en Amérique latine pour visiter les communautés ligures du Pérou et d'Argentine. J'ai été ensuite visiter la mission diocésaine de Guaricano à Saint-Domingue, et puis je suis allé à Cuba, où, à la demande de l'évêque de Santa Clara, nous avons ouvert une nouvelle mission diocésaine, en collaboration avec le diocèse de Chiavari.

- Et à Cuba, vous avez aussi rencontré Fidel Castro ...

BERTONE: A Cuba J'ai d'abord rencontré l'Eglise locale, en commençant par le brave cardinal de La Havane, Jaime Lucas Ortega y Alamino, l'archevêque de Santiago de Cuba et d'autres prélats encore. Ensuite, bien sûr, j'ai aussi rencontré Fidel Castro, qui avait exprimé le désir de me voir. Cela a été une bonne conversation, très longue. Castro a exprimé le désir d'inviter Benoît XVI à Cuba. «C'est un pape qui me plaît», a-t-il dit, et il a ajouté: «C'est une bonne personne, je l'ai su tout de suite en regardant son visage, le visage d'un ange». Des mots que j'ai rapportés au Pape dès mon retouren Italie. Mais à Castro, j'ai aussi demandé de rencontrer l'épiscopat cubain après dix ans de relations tumultueuses. Ce qui est arrivé ponctuellement le 16 Novembre 2005.

- Vous avez été créé cardinal lors du consistoire du 21 Octobre 2003 et en Avril 2005, vous avez participé au conclave qui a élu pape le cardinal Ratzinger sous le nom de Benoît XVI.

BERTONE: La nomination comme cardinal était un honneur accordé, avant ma personne, à l'Eglise de Gênes. Cela, je tiens à le rappeler. A propos du conclave, évidemment, je ne peux rien dire, bien qu'il n'y ait aucune disposition qui prévoit l'excommunication pour nous cardinaux en cas de violation de la confidentialité. Cependant, il n'y a pas de mystère que l'élection du Cardinal Ratzinger comme pape a été pour moi une joie très spéciale, car j'ai eu le privilège de le connaître et d'apprécier ses grandes qualités humaines et chrétiennes.

- Enfin, le 22 Juin, le bureau de presse du Vatican a publié l'annonce de votre nomination comme secrétaire d'État à compter du 15 Septembre.

BERTONE: Déjà en Décembre 2005, le Saint-Père m'avait demandé ma disponibilité à accepter cette mission. Après une période de réflexion et de prière, j'ai donné mon approbation. Et le 22 Juin, le Saint-Père a jugé bon d'annoncer son choix.

- Un choix révolutionnaire, puisqu'il rompt la tradition presque ininterrompue qui voit à la tête de la Secrétairerie d'État un ecclésiastique avec une expérience dans la diplomatie pontificale.

BERTONE: J'ai lu moi aussi ces observations, mais je crois que le Saint-Père ne considère pas comme contraignante cette tradition avec un petit "t".

- Vous êtes avant tout un religieux et en dehors de la brève expérience du moine Antonio Francesco Orioli qui fut secrétaire d'Etat ad interim pendant un mois dans la turbulente 1848, votre unique prédécesseur qui n'était pas membre du clergé séculier a été le barnabite Luigi Emmanuele Nicolo Lambruschini, qui, d'ailleurs, avant de devenir secrétaire d'Etat de Grégoire XVI de 1836 à 1846, a également été archevêque de Gênes ...

BERTONE: Oui, je l'ai lu . Mais par pitié, ne me comparez pas au cardinal Lambruschini, qui sera certainement un saint homme, mais qui était aussi un politiquement réactionnaire à tout crin!

- Une curiosité. D'abord, vous avez déclaré que quand vous étiez enfant, vous vouliez étudier les langues modernes. Mais quelles langues connaissez-vous?

BERTONE: Jeune, j'ai étudié le français et donc cela ne me fait pas problème. Puis pendant quelques années, j'ai été envoyé par mes supérieurs l'été en Allemagne, et je me suis familiarisée avec l'allemand. En outre, je comprends et je parle assez bien l'espagnol et le portugais.

- Et l'anglais?

BERTONE: C'est mon point faible. Je peux comprendre la signification des textes les plus pointus de contenu social et théologique, mais ne le parle pas. Je l'ai immédiatement dit au Saint-Père quand il m'a demandé de servir comme secrétaire d'État. Et il m'a encouragé par la révélation que même des personnes importantes, comme le grand chancelier Helmut Kohl, ne connaissait pas l'anglais. Et puis dans les service du Saint-Siège, il y a d'excellents interprètes.