Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Deux articles italiens, un de Sandro Magister, et un de don Filippo di Giacomo, pour l'Unità, pour faire justice de ce montage médiatique (22/3/2012)

     



La rumeur de démission
---------------
Sandro Magister consacre un de ses derniers billets au sujet récurrent (dans la presse italienne) de la soi-disant démission à venir du Saint-Père.
Nous en avons parlé à plusieurs reprises dans ces pages, non pas pour "tordre le cou" à la rumeur, mais pour aborder le plus sereinement possible un sujet qui n'est pas tabou et ne concerne en rien l'actualité..
Si j'en reparle ici, c'est que l'argument est repris par la star des vaticanistes (avec toutes les réserves que l'on peut associer à cette fonction) et qu'il devient donc davantage qu'un simple ragot: le Saint-Père ne peut manquer d'en être informé.

Articles reliés



Sandro Magister ne croit pas à la possibilité de la démission.
Il écrit:

(...) au-delà des bonnes intentions des deux journalistes (Socci et Ferrara, auteurs des articles où la démission était envisagée), l’hypothèse qu’ils ont esquissée ne paraît pas fondée.

Tout d’abord parce que ceux qui ont eu l’occasion de rencontrer Benoît XVI, y compris après la publication des deux articles, n’ont pas du tout eu l’impression d’avoir en face d’eux un pape envisageant de démissionner. Bien au contraire. Que ce soit par sa capacité à saisir les liens qui lui est nécessaire pour tout acte de gouvernement, ou par la vision non limitée dans le temps en fonction de laquelle il assure, toujours "s’il plaît à Dieu", la direction de l’Église universelle.

Ensuite parce que rien n’est plus étranger à l’histoire et à la personnalité de Ratzinger que l’idée qu’il pourrait recourir à des manœuvres, même avec de nobles intentions, en ce qui concerne sa propre succession. Cette hypothèse-là est, au point de vue canonique, “subversive”. Pour un souverain pontife, la seule manière légitime d’influer sur le choix du futur pape est de créer des cardinaux. Et si l’on parcourt la liste de ceux qui ont été choisis par Benoît XVI entre 2006 et aujourd’hui, on ne peut pas y discerner une volonté claire d’hypothéquer le futur conclave, celui-ci devant, dans la "mens" de Ratzinger comme dans celle de tout bon croyant, être confié avant tout au Saint-Esprit.

L'article est à lire ici: http://chiesa.espresso.repubblica.it/

* * *

Il y a une dizaine de jours, don Filippo Di Giacomo (croisé à plusieurs reprises dans ces pages ) et auteur de bons articles, je pense que c'est un prêtre "de gauche".... comme quoi!) a écrit pour l'Unità cette remarqable réflexion. Je l'avais mise de côté, et je viens de le traduire.

Le pape assiégé par les médias
Filippo Di Giacomo
«L'Unità» du 14 Mars, 2012
----------

Ce n'est pas vrai, pourtant? ....
En 1993, alors que Jean-Paul II faisait un pélerinage en Pologne, un quotidien italien annonçait péremptoirement: «la fin du pontificat de Jean-Paul II est maintenant une question de mois et de semaines»; pour beaucoup, il aurait été préférable de demander une bénédiction appropriée au Père Gabriele Amorth, le chasseur de démons le plus populaire chez les gazetiers. Il est arrivé en effet que tous ceux qui, plus ou moins directement, étaient indiqués comme de futurs papabili eurent le privilège d'avoir leurs propres funérailles célébrées par le pape qu'ils devaient remplacer. Après dix-neuf ans, le petit jeu du «Pape démissionné» a été relancé, mélangeant une ou deux notions ecclésiastiques rabâchées à une paire de critères tout aussi rabâchées de pratiques des médias, faisant passer le tout pour des principes d'ecclésiologie juridique moderne.

A l'époque de Jean-Paul II, une hospitalisation était suffisante pour assurer à l'univers des médias un argument décisif afin de pouvoir invoquer, par cycles alternés de 1993 à 2005, une «direction forte» pour l'Eglise. Lorsque celle-ci est arrivée, en "discrète" santé et avec des forces suffisantes pour contrer avec courage l'euthanasie allègre que les catholiques de toute l'Europe s'infligent négligemment depuis des décennies, le tir a été déplacé sur ses collaborateurs, pour déclarer l'échec du Pontificat et du désormais quasi inexistant «centralisme romain».

Le Pape démissionne et tout le monde pense au «grand refus» de Célestin V. En réalité, Pietro da Morrone, que le bon père Dante a classé comme «lapso» autrement dit vil, pour ce geste, n'était que le troisième pape à recourir à une décision déjà admise dans les coutumes de l'Eglise primitive. Clément I, en 97, et Pontien en 235, envoyé en exil par l'autorité impériale, furent remplacés comme évêques de Rome. Benoît IX, jeune de dix-huit ans, indigne et immoral, sur le trône de Pierre grâce aux intrigues maternelles, accepta (en 1045) de redevenir un simple cardinal quand on lui eut promis les revenus du Denier de saint Pierre.
Ce sont donc les précédents auxquels en 1294, Célestin V put recourir pour redevenir simple moine. Après lui, en 1415, Grégoire XII fut également renvoyé à l'humilité d'une abbaye bénédictine afin que le concile de Constance fût libre, en choisissant un autre pape, de guérir le Grand Schisme d'Occident: pendant des décennies, le pape de Rome dut cohabiter avec deux anti-papes. Fouillant encore dans les replis de l'histoire de l'Église, douze autres fois la chaire Pontificale a changé de titulaire alors que l'occupant légitime était encore en vie. Ce n'est donc pas par défaut d'attention, que selon l'actuel Code de Droit Canonique, il est plus facile de démettre le pape que de démettre un curé.

En effet, tandis qu'à la démission du pape, le code consacre seulement le deuxième alinéa du canon 332, le processus de démission d'un prêtre couvre l'ensemble du chapitre premier de la deuxième section du septième livre. Donc, pour s'en tenir au Code de Droit Canon, pour les catholiques de notre temps, le Pontife romain, est par sa nature même, un pasteur partagé, et non un gouvernant plus ou moins imposé. Comme chaque évêque, il réalise la plénitude de son sacerdoce dans l'exercice de trois «munera», trois tâches: il sanctifie, il enseigne, il gouverne son Église. Les discussions de ces jours-ci concernent en substance uniquement le troisième munus du Pape, celui qui lui attribue la pleine autorité de l'Église. Ceci, cependant, pour la base catholique, est certainement la caractéristique la moins intéressante de la fonction du pape, parce que quand il s'agit de «commander», il est facile de comprendre comment le Pape est inséré dans un puzzle institutionnel construit au fil des siècles pour exclure tout régime et tout coup de théâtre, selon la logique de simplification toute ecclésiale du «ni trop ni trop peu» valable en toutes circonstances, dans la maladie et dans la santé.

A lire les dissertations des derniers jours sur la volonté présumée de Benoît XVI de démissionner, au fond, on a seulement l'habituelle impression: un pape en plein assaut médiatique; parce que crier «démission, démission», n'est-ce pas, à un moment où la communication a le pouvoir et l'importance que nous lui reconnaissons, une tentative de priver le Pontife romain de la liberté d'enseigner et de sanctifier son peuple?

Et n'est-ce pas étrange que ce soit aussi des hommes et des femmes d'Eglise, sans doute pour des raisons imposées par les mécanismes de succession et de gouvernement, qui succombent à cette tentation? Alors, avant de théoriser des réalités qui dans l'Eglise équivalent tout au plus à un éternuement, et ne concernent que les «milieux habituels» des sacristies romaines, mieux vaut se placer pour un instant du côté des fidèles: c'est avec eux, et pas avec la Curie, qui Benoît XVI doit continuer à expliquer la rationalité d'un modèle de vie catholique qui, dans dans la Babel de la modernité, représente pour beaucoup un horizon possible.