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Le cardinal Martini (multi-récidiviste [1] de ce genre de sorties!) se déclare en faveur de la reconnaissance par l'Etat des "mariages" entre homosexuels. Editorial de Mario Palmero sur la Bussola. (30/3/2012)

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Quand un cardinal est en désaccord avec l'Eglise
http://www.labussolaquotidiana.it/
Mario Palmaro28/03/2012
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Le cardinal Carlo Maria Martini se déclare en faveur de la reconnaissance par l'Etat des "mariages" entre homosexuels. Ceci a été rapporté ces derniers jours par de nombreux journaux italiens, donnant un grand relief à la nouvelle.

Face à ces questions, le monde catholique "officiel" ébauche une série de réactions qui, selon un ordre logique et chronologique peut se résumer ainsi: primo, qui sait exactement ce qu'aura dit le cardinal, et ce que lui auront fait dire les journaux; secundo, le cardinal Martini est un homme prophétique, de sorte que ses paroles doivent être replacées dans leur contexte et non pas extrapolées de manière instrumentale; tertio, comme le sujet est brûlant, mieux vaut faire comme si rien ne s'est passé; quarto, même si le cardinal Martini a vraiment dit ce qu'il a dit, il faut faire semblant rien, parce qu'on ne peut pas critiquer un cardinal, pour éviter le scandale et les divisions dans l'Eglise; quinto si quelqu'un parmi les catholiques critique Martini, que le diable l'emporte, parce qu'en faisant cela, il rompt la consigne du silence et perturbe la tranquillité des bons catholiques.

Malheureusement, il s'agit d'un protocole thérapeutique franchement désastreux: une succession de manœuvres qui font immanquablement mourir le patient, à savoir le catholique normal. Parce que le catholique de Voghera (ndt: petite ville italienne située dans la province de Pavie, en Lombardie, dans le nord-ouest de l'Italie, je suppose qu'il faut comprendre ici le catholique lamda) mérite bien davantage, face au phénomène désormais rituel d'hommes d'Eglise qui se lèvent le matin, et sortent une grosse bourde, se fiant à "l'immunité cléricale" (ndt: elle ne s'applique pas à tout!!!).
Malheureusement, le cas de l'archevêque émérite de Milan, à cet égard, est exemplaire. Qu'a écrit, exactement, le cardinal Martini? Le texte est tiré du livre 'Credere e conoscere' (croire et connaître), publié par Einaudi, écrit en dialogue avec l'ancien sénateur du PD (Partito Democratico, gauche) Ignazio Marino. Le Cardinal Martini, de temps en temps, aime cette forme littéraire: il y a quelque temps, par exemple, il avait écrit un livre similaire avec Don Luigi Verzé, intitulé de manière significative, 'Nous sommes tous dans le même bateau'.

Mais revenons aux nouvelles de ces jours-ci. Voici le passage incriminé: "Je crois que la famille doit être défendue parce que c'est vraiment ce qui soutient la société de manière stable et permanente, et pour le rôle fondamental qu'elle exerce dans l'éducation des enfants. Toutefois, il n'est pas mauvais qu'à la place de rapports homosexuels occasionnels, deux personnes aient une certaine stabilité et, par conséquent, en ce sens, l'Etat pourrait aussi les favoriser".
Le championnat du monde d'escalade des miroirs ne finit jamais, et les catholiques sont toujours prêts à y participer nombreux. Mais je crains que cette fois, même un champion de la catégorie doive se rendre à l'évidence: le cardinal Martini écrit précisément que l'Etat doit aider les homosexuels à stabiliser leur relation. Il théorise une page inédite du catéchisme catholique, en soutenant que - touts comptes faits - plutôt que d'avoir des relations occasionnelles et superficielles, les personnes homosexuelles s'engagent de manière sérieuse et prolongée, grâce à une institution mise en place par l'Etat. C'est plus clair comme cela.

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié non pas un, mais deux documents pour enseigner le contraire, et dire qu'un politicien, a fortiori catholique, ne peut pas soutenir une proposition de loi qui prévoit la reconnaissance des unions homosexuelles. Ergo: Martini et l'Eglise enseignent des choses différentes. Il peut être douloureux à écrire, mais le reconnaître est vraiment facile. Question de logique élémentaire. Les œufs sont cassés et l'omelette est faite. Et c'est là que s'insére la grave erreur de fonctionnement du monde catholique officiel: faite de silences gênés, de défenses douloureuses dans une tentative impossible d'homogénéiser ce qui a été dit par le cardinal et ce qui est enseigné par l'Eglise durant toutes ces années. Bien sûr, nous n'ignorons pas les raisons de la prudence, la crainte du scandale, la nécessité du respect dû aux princes de l'Église, qui s'ajoutent dans le cas de Martini à piété due à un homme d'âge vénérable, de plus atteint par la maladie. Mais il y a un point qui ne peut échapper à personne: que le scandale a déjà eu lieu, et qu'il est public. Et c'est le scandale provoqué par une position peu orthodoxe de la part d'un évêque catholique, qui, lorsqu'il parle, touche à travers les médias des millions de personnes.

Les fidèles catholiques ont un droit qui est plus fort que toute autre exigence, et qui repose dans la loi suprême de l'Eglise catholique: la salus animarum , le salut des âmes. Si un pasteur enseigne des choses fausses dans une matière qui ne souffre pas de discussion - et sans aucun doute, c'est le cas ici - les fidèles ont le droit d'être aidés à reconnaître l'erreur, et l'auteur de l'erreur doit être démasqué pour le bien de chaque croyant. Plus: seules les personnes de mauvaise foi ou les idiots peuvent prétendre ne pas remarquer que les sorties "aperturistes" dont le cardinal Martini n'est pas nouveau (1) - secouent l'Eglise dans tous ses replis, et rendent encore plus fertile le sous-bois déjà luxuriant des petites et grandes hérésies paroissiales.
Désormais, les prêtres et les catéchistes, les religieuses et les théologiens qui veulent être "possibilistes" sur les unions entre personnes du même sexe ont l'appui des paroles d'autorité du "bibliste Martini"; et ils offriront le livre écrit à quatre mains avec Marino aux conseils de paroisse, "car alors au moins, ils se feront une idée et auront droit à la provocation". Et ils inviteront le médecin-Marino ("qui est catholique, entendons-nous") à tenir quelque belle conférence avec Enzo Bianchi. Sans exagération et sans animosité, nous disons nous, catholiques de Voghera: Rome, nous avons un problème. Faites vite, aidez-nous.

Note

[1]
A ce sujet, voir ici: LE CARDINAL MARTINI, L'ANTI-PAPE? (benoit-et-moi.fr/2009-II)

Dans un article consacré à des "sorties" sur des sujets de société du Cardinal Martini, en juin 2009, le Père Scalese écrivait ceci, qui n'a pas pris une ride:

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Le problème est que, le plus souvent, le Cardinal Martini qui nous est proposé n'est pas le directeur d'exercices spirituels et même pas le bibliste, mais c'est une espèce d'« anti-pape », qui se prononce sur tout, en général en disant l'opposé de ce que dit le Pape. Et cela pas seulement maintenant qu'il est en retraite, mais aussi (et peut-être surtout) lorsqu'il était Archevêque de Milan : à cette époque les catholiques italiens appartenaient à deux Églises parallèles, ceux qui suivaient Papa Wojtyla et ceux qui suivaient le Cardinal Martini. Sincèrement, je ne sais pas si c'était intentionnel de la part du Cardinal Martini ou s'il ne s'agissait pas plutôt d'un vilain jeu médiatique ; il est certain que l'ex-archevêque de Milan ne s'y est pas soustrait.

Je ne veux pas entrer dans des considérations sur les questions particulières soulevées de façon récurrente, aussi parce qu'il s'agit de questions très différentes entre elles, sur certaines desquelles il est possible de discuter (le célibat des prêtres), alors que sur d'autres non (le sacerdoce des femmes) ; d'autres ensuite sont de réels problèmes pastoraux, auxquels même le Pontife témoigne être sensible (la communion aux divorcés). Personnellement je considère que dans l'Église il y a place pour discuter ce dont il est légitime de discuter ; ce qui ne me convient pas, c'est que certains problèmes (réels), auxquels il est juste de chercher des solutions, soient idéologisés et deviennent des bannières de parti.

J'ai déjà rappelé dans un de mes précédents post que, lors de la sortie du livre de Benoît XVI, Jésus de Nazareth, le Cardinal Martini fit malicieusement remarquer que le Pape n'était pas un bibliste, mais un théologien dogmatique. Il ne se rendait pas compte qu'on pouvait faire la même remarque sur lui : il est bibliste (ou, si l'on veut pinailler, chercheur en critique textuelle) ; il ne m'apparaît pas que les questions rapportées plus haut aient un quelconque rapport avec les textes bibliques ; il s'agit au besoin de questions ou dogmatiques ou morales ou disciplinaires. Tant qu'il était titulaire d'un siège episcopal, on pouvait encore encore justifier ses interventions ; mais maintenant, à quel titre les fait-il ? Il n'est pas expert en ces domaines; ce qu'il dit a la même valeur de ce que je dis moi; avec la différence qu'il est un Cardinal, et que les Cardinaux ont un lien spécial de soumission au Pape.
Personnellement je considère que ceux-ci, une fois dépassés les quatre-vingt ans, feraient mieux de se retirer dans le silence (et dans un premier temps cela semblait son intention).
Les Jésuites utilisent une très belle expression pour indiquer le rôle de ceux qui sont en retraite : « Il prie pour la Compagnie ». A plus forte raison, un Cardinal jésuite devrait, selon moi, faire vraiment cela : prier pour l'Église et pour ses Ordres religieux, plutôt que d'aller chercher de nouvelles chaires médiatiques pour y pontifier.